« Peut-on se promener en tenue SS dans les rues ? Non ? Eh bien, on ne doit pas non plus pouvoir se promener en tenue salafiste. » Nommer les choses, quitte à en rajouter : en présentant ce vendredi leur contre-proposition de loi « visant à combattre les idéologies islamistes », les élus du Rassemblement national entendent appuyer lourdement le contraste. Le projet gouvernemental « confortant le respect des principes de la République », qui sera débattu la semaine prochaine à l'Assemblée, ne contient pas le mot « islamisme » – la loi de 1905 interdisant, selon l'exécutif, de désigner nommément une religion ? Leur contre-proposition le cite 24 fois. « Il n'y a rien de pire que de se lancer dans un débat qu'on ne maîtrise pas », confie Marine Le Pen au Point.
« L'Islamisme n'est pas une religion, c'est une idéologie qui veut s'emparer de la République. Le gouvernement, en s'en prenant à toutes les religions dans l'espoir de toucher celle qu'il ne nomme pas, amalgame croyants et extrémistes. Il est complètement à côté de la plaque. […] Je pense qu'ils n'ont pas saisi l'urgence de la situation, alors, ils font de la communication en essayant de flatter tous les électorats. Cela risque de leur sauter à la figure, comme le débat sur l'identité nationale avait sauté à la figure de Nicolas Sarkozy… »Ils y ont cru, pourtant. « Quand le président a déclaré, en octobre aux Mureaux, qu'on devait s'attaquer au “séparatisme islamiste”, on a été agréablement surpris », se souvient Philippe Olivier, le premier conseiller de Marine Le Pen. « Nous étions prêts à travailler avec eux. Puis on a vu au fil des semaines, de concessions en abandons sémantiques, la résolution du pouvoir s'effilocher… » Amender le texte du gouvernement pour le renforcer ? « À quoi bon ? » constate le député RN du Nord Sébastien Chenu. « Le règlement de l'Assemblée nous octroie pour l'ensemble de la discussion 15 minutes de temps de parole, pas une de plus. À quoi ça sert ? Nous ne pourrons pas ouvrir la bouche. » Le débat se tiendra donc hors des murs de l'hémicycle, sur les réseaux sociaux, les sites Internet, les forums de discussion… au cœur de cette « opinion » déboussolée que l'exécutif, se persuade Marine Le Pen, ne sait plus saisir. Galvanisée par un récent sondage Harris la donnant au coude-à-coude avec Emmanuel Macron au second tour de la prochaine présidentielle, à 48 % contre 52 % pour l'actuel président, la patronne du Rassemblement national pousse calmement ses pions. Elle connaît le plan de la partie – cela fait vingt ans qu'elle la joue. Mais cette fois, alors que la dernière marche paraît réellement accessible, elle travaille. Soigne les détails, la technique. L'ancien magistrat Jean-Paul Garraud, ex-rapporteur (pour l'UMP, à l'époque) de la loi sur l'interdiction du voile intégral en 2010, l'a aidée à rédiger un texte « opérationnel », dit-il. « Si ce projet était appliqué, c'en serait fini de l'islamisme. »
L'« idéologie islamiste » définie, et interdite
Car si l'exécutif a échoué, après des mois de querelles juridiques, à définir dans les textes la nature du « séparatisme » contre lequel il espère lutter, le RN s'y atèle. Seraient « interdites sur le territoire » toutes les « idéologies » caractérisées par l'un au moins des six traits suivants : incompatibilité avec les « droits, libertés et principes reconnus par la Constitution » ; refus de la laïcité et du respect de la loi commune ; menaces graves pour l'unité ou l'indépendance de la nation ; liens avec des entités étrangères « de nature à faire naître les doutes les plus sérieux sur la loyauté envers la France et la soumission à ses lois » ; « le soutien, la minoration ou la banalisation » des crimes contre l'humanité, des assassinats ou des actes de torture « commis au nom d'une de ces idéologies » ; la contrainte physique ou psychologique à embrasser une religion.
Une définition particulièrement large (et n'excluant pas le risque d'arbitraire) qui permettrait à toute entité, civile ou étatique, de faire cesser immédiatement la « pratique, manifestation ou diffusion publique » de ces idéologies. Les 38 articles suivants de la loi ratissent absolument tous les champs de la vie collective. Censure de ces idées au cinéma, dans les publications jeunesse, dans la presse, les bibliothèques. L'administration aurait le pouvoir de refuser un avantage (on pense aux logements sociaux, aux allocations…) aux personnes les « manifestant ou diffusant de façon habituelle ». Le licenciement pour islamisme deviendrait possible, pour les employeurs privés comme publics, comme le retrait pour ce motif de la nationalité française acquise, ou l'expulsion des étrangers, « quels que soient les éléments de (leur) situation personnelle ou familiale ».
Plus qu'une prohibition : un nettoyage
Prévoyant de possibles réticences des administrations locales à appliquer la loi, le texte encourage et prévoit la protection des « lanceurs d'alerte », un représentant de l'État (le préfet, ou même le recteur) pouvant se substituer aux organes ou collectivités qui auraient « refusé de prendre une mesure nécessaire à l'application de la loi ». Le texte traite également de l'environnement social, lui aussi encadré : l'enseignement public devra « faire naître » et « affermir les sentiments patriotiques et la conscience de l'unité nationale » ; l'architecture des bâtiments « voués à l'exercice du culte » devra s'insérer « harmonieusement » sans l'environnement local, sans éléments (un minaret, par exemple) de dimension « ostentatoire » ; les « tenues islamistes » seront interdites dans un espace public élargi, englobant les rues et tous les lieux accueillant du public.
Plus qu'une prohibition, un nettoyage. « On met l'islamisme hors la loi », résume Jean-Paul Garraud, convaincu que les dispositions de son texte « sont parfaitement conformes à notre Constitution, puisqu'il s'agit d'interdire toute manifestation publique d'une idéologie qui constitue, par elle-même, un trouble grave à l'ordre public. C'est ce qui fonde la prohibition du nazisme – une idéologie monstrueuse. » Et « demande-t-on aux nazis de signer une charte pour prouver qu'ils ne le sont plus ? » ironise Marine Le Pen, faisant référence au « contrat d'engagement républicain » que le gouvernement entend faire signer, désormais, aux associations. Après l'assassinat de Samuel Paty, la campagne s'ouvre par une loi de temps de guerre – un état d'urgence perpétuel.
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