PORTRAIT - L'animateur de CNews a imposé un style qui fait frémir les bien-pensants. Portrait d'un anar convaincu que le «monde d'avant» était mieux. Source Figaro Vox Anne Fulda le 11 septembre 2020
Pascal Praud, est un ancien journaliste sportif avec son franc-parler.
«Bonjour à tous, il n'y aura pas de sapin de Noël devant la mairie de Bordeaux. Raison invoquée: c'est un arbre mort (…) Ne vous y trompez pas: le Tour de France hier, le sapin aujourd'hui, demain, ce sera Versailles qu'il faudra fermer, Napoléon qu'il faudra brûler ou Molière qu'il faudra oublier! (…) Il existe une pulsion mortifère et totalitaire chez certains écologistes et, pour tout vous dire, M. Hurmic et M. Doucet me font peur. Dans leur monde parfait, je serais vite envoyé à Vladivostok, j'écrirais mon Archipel du goulag, si mes geôliers ne m'ont pas coupé les bras!»
C'était hier matin, en direct, lors de l'émission «L'heure des pros». Lunettes bleues sur le bout de son nez, veste assortie, Pascal Praud fait son show quotidien sur CNews. Édito ciselé, effets de manche, ton grave, indigné ou amusé, l'animateur qui a fait bondir, ainsi que d'autres comme Éric Zemmour, l'audience de CNews, la chaîne de Bolloré, ne boude pas son plaisir. Il faut dire que l'actualité de ce jour est du nanan pour lui. Du pain bénit. Plus de Tour de France, plus de sapin de Noël! «Je suis effondré, je suis effrayé!» s'écrie-t-il. «Toujours objectif, nuancé et équilibré», ironise Laurent Joffrin, ancien directeur de la rédaction de Libération, qui fait partie avec d'autres, comme Ivan Rioufol ou Charlotte d'Ornellas des habitués de son plateau.
Une scène ordinaire de «L'heure des pros», l'émission que les bien-pensants adorent détester. Au gouvernail: un maître en commedia dell'arte, passionné de théâtre et qui a passé trois ans, entre 16 et 19 ans, au Conservatoire d'art dramatique de Nantes. Il en a gardé, ce qu'il ne nie pas, un talent indéniable de «cabot» qui n'hésite pas à surjouer. Que ce soit sur la forme comme sur le fond. Sanguin, parfois éruptif, Praud fait le show. Il se met en scène. Gronde, morigène, interrompt, s'indigne, se gausse. Mêle anecdotique et débat de fond. Mauvaise foi et objection raisonnée. Un «anar» à l'esprit de contradiction fortement développé qui s'amuse à agiter la muleta sous le nez de ses chroniqueurs, choisis soigneusement en fonction de leur manière décomplexée de s'exprimer sur des thèmes - l'insécurité, l'immigration ou l'islam - générateurs de clashes, de buzz et de reprise dans les médias.
Ce sont des paroles que l'on pouvait entendre dans l'espace public, dans les années 70-80, avant le politiquement correct.
Pendant longtemps, Pascal Praud, cet ancien journaliste sportif ayant toujours eu son franc-parler, n'a pas trop fait réagir ses confrères généralistes. Seulement voilà, désormais, celui qui anime aussi tous les jours sur RTL, «Les auditeurs ont la parole», est de plus en plus visible dans un nouveau PAF, en voie de recomposition. Son créneau: bousculer la pensée «mainstream». Incarner «la voix du peuple». Un positionnement qui en fait la bête noire de certains esprits chagrins qui voient en lui, outre un personnage «démago, populiste et macho», un symbole de la «foxisation de l'information politique télévisuelle», prenant modèle dans sa manière d'orienter les débats sur la chaîne d'information américaine Fox News. Face à ces attaques répétées, le principal intéressé affiche le calme des vieilles troupes. Il faut dire que Pascal Praud a une capacité évidente à recevoir des coups, lui qui, du temps où il était journaliste à «Téléfoot», se bagarra littéralement avec un Bernard Tapie qui l'avait traité de «connard» (il est depuis réconcilié avec l'ancien patron de l'OM, «l'une de nos dernières stars»). Populiste, démago? Praud le répète à longueur d'interviews, il ne se targue pas de jouer dans la même cour que le Collège de France et il n'a pas mal pris, durant le confinement, cette sortie d'Édouard Philippe qui avait pointé du doigt ceux qui étaient passés «du café du commerce aux plateaux de télévision». Non, selon lui «L'heure des pros» est plutôt un endroit où les gens évoquent ce dont ils parlent à la machine à café. L'anti «Quotidien», d'une certaine façon, l'émission de Yann Barthès, sur TMC.
Il refuse aussi qu'on lui reproche de participer à une forme de radicalisation de la vie politique. «Il n'y a pas de radicalité, mais des gens qui échangent des paroles contradictoires, expriment des sensibilités, avec une liberté de ton et une parole que l'on entend nulle part ailleurs. Ce sont des paroles que l'on pouvait entendre dans l'espace public, dans les années 70-80, avant le politiquement correct.»
Pascal Praud un Amateur de littérature
Avec ce positionnement assumé, certains voudraient voir en Pascal Praud le représentant borné d'une pensée proche de l'extrême droite, un beauf en puissance, bas de plafond et inculte. La réalité est cependant plus complexe. L'homme n'est pas dénué de paradoxes. Il a des allures de chef de bande, de meneur mais ce père de quatre filles, est un solitaire. Un bosseur acharné, qui se lève tous les matins à 6 heures et dîne souvent seul, avec un livre, dans l'une de ses cantines parisiennes. Ancien journaliste sportif, arrivé jeune à TF1, où il a connu des années de rêve à «Téléfoot», parcourant le monde et rencontrant certaines de ses idoles de jeunesse, il peut utiliser un langage familier, afficher une proximité trompeuse à l'antenne, mais a coutume de voussoyer ses interlocuteurs. Il aime la castagne télévisuelle, n'hésite pas à user de simplifications outrancières ou de provocations faciles, mais, derrière la bête médiatique, Praud est un cinéphile pointu et un amateur de littérature qui apprécie pêle-mêle Zweig, Mauriac, Echenoz, Irvin D. Yalom, mais aussi Chamfort et La Fontaine et ne loupe jamais une représentation au théâtre des Femmes savantes.
On s'étonne qu'il ne dévoile jamais cette facette de sa personnalité. Il rétorque «je ne vais pas étaler ma culture comme de la confiture, cela ferait cuistre». «Cuistre», l'expression qui revient souvent dans sa bouche a quelque chose de suranné. Comme le reflet d'un monde qui n'est plus. Celui de son père, ancien directeur régional d'une société de fournitures de bureau, «qui a fait carrière». Celui de ses grands-parents, «des gens modestes, originaires de Bretignolles-sur-Mer et qui, bien que n'ayant jamais été au restaurant ou au cinéma, ont été heureux». Une France où «l'ascenseur social fonctionnait encore», où il y avait encore des stars, des réalisateurs de cinéma talentueux. Serait-il nostalgique, Pascal Praud? C'est une évidence: «De quelque côté que je me tourne, je trouve que c'était mieux avant. Concernant le cinéma et en général. Je ne veux pas faire mon vieux con, mais c'est ce que je pense …»
Sur les sujets de société et de civilisation en France et dans le monde; et tout ce qui me passe dans la tête...
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