Jean-Marie Bigard est sonné. Dans le café où on s’est réfugiés,
il est assis, le regard un peu vide. Ce matin, à 10 heures, il est
arrivé place de la Bourse, dans le centre de Paris, pour manifester avec
les « gilets jaunes ». Après sa brouille avec Jérôme Rodrigues, l’un des leaders du mouvement, à qui il reprochait d’avoir traité sur Twitter un syndicat de policiers de « bande de nazis », il avait décidé de se désolidariser de
la figure des « gilets jaunes », et d’aller sur une autre
manifestation. Avant de se raviser. Mais il ne s’attendait pas à un tel
comité d’accueil.Quand il arrive, quelques centaines de « gilets
jaunes » sont déjà sur la place. L’accueil est violent. Une trentaine
d’entre eux sont particulièrement remontés. « Dégage ! », « Collabo ! ». D’autres essaient de se désolidariser mais ils ont du mal à se faire entendre. Le
ton monte, la foule se presse, des projectiles sont lancés. Les deux
gardes du corps de Jean-Marie Bigard, embauchés pour l’occasion, se
sentent dépassés. « Faut se protéger, monsieur Bigard ».
Jean-Marie Bigard se réfugie dans la brasserie « Le Vaudeville », en
face du palais Brongniart, mais la foule continue de gronder autour de
lui, des « gilets jaunes » ayant réussi à entrer eux aussi. Il sort
précipitamment par une porte latérale et se réfugie dans un autre café,
dont les portes sont restées fermées au nez de la foule. Celle-ci tape
contre la vitre avec des slogans haineux. « Flics nazis », « Bigard collabo », etc..
Voilà une demi-heure qu’on est coincés ici. L’humoriste se livre à nous et confie à chaud :
Jean-Marie Bigard a franchement l’air d’en douter. « Quand même, c’est bizarre ce comité d’accueil, avec des slogans déjà tout prêts contre moi ». Il estime qu’il n’était peut-être pas « au bon endroit », place de la Bourse, où, juge-t-il, il y avait davantage de sympathisants de gauche. Il poursuit :
Jean-Marie Bigard hésite, puis acquiesce. « Ok, je vais peut-être annuler ».
On
est là depuis presque une heure. Des gars de la préfecture lui disent
qu’il faut partir maintenant, profiter du moment de répit… « Bruno », un
chroniqueur télé que Jean-Marie Bigard connaît, un ancien du raid,
propose de venir l’exfiltrer en moto. C’est plus sûr qu’une voiture.
Bigard semble soulagé. L’opération se fait en quelques secondes. La
porte s’ouvre, la moto démarre face à la cohue des caméras qui
attendaient dehors.
Finalement, Jean-Marie Bigard sera à Brest ce soir. Il le fera, son spectacle.
Sous le choc
A l’intérieur, assis sur un tabouret de bar, dans sa veste kaki, son masque « Allez tous vous faire enculer » sous le menton, Jean-Marie Bigard est sous le choc. Nous étions à ses côtés, sans autre journaliste.
Jean-Marie
Bigard retranché dans un restaurant, après avoir été hué lors d’une
manifestation des « gilets jaunes » le 12 septembre 2020.
« Je m’aperçois que dans un groupement comme cela, une minorité de gens peuvent presque mettre tout le monde d’accord pour insulter quelqu’un qui ne mérite pas de l’être. Sûrement le mec qui a le plus aidé les “gilets jaunes” dans tous les sens du terme. Je ne m’attendais pas à cette douche froide. Heureusement qu’il y avait deux gars avec moi qui assuraient ma sécurité. Sinon je serais peut-être en train de me faire lyncher par terre à coup de savates. C’est un peu terrifiant. »« C’est Rodrigues qui t’a envoyé ses sbires de Wagram pour qu’il pourrisse ton arrivée », lui lance un homme. « C’est le début d’une scission », semble regretter Jean-Marie Bigard. Il continue :
« Ils sont en train d’insulter le plus grand défenseur des “gilets jaunes” »« C’est faux », réplique Philippe Pascaud, écrivain « gilet jaune », et conseiller politique à ses heures. Il prend son téléphone et appelle Jérôme Rodrigues. « Jean-Marie, Jérôme veut te parler, là » Jérôme veut s’expliquer. Il est furieux de ce qui s’est passé, dit qu’il n’y est pour rien. « Non », répond Bigard sobrement… « Jérôme tu fais un live tout de suite pour dire qu’il ne faut pas toucher à Bigard ! », dit Philippe Pascaud. Il raccroche. « Rodrigues fait le live, il dit qu’il n’est pour rien dans ce qui vient de t’arriver. »
Jean-Marie Bigard a franchement l’air d’en douter. « Quand même, c’est bizarre ce comité d’accueil, avec des slogans déjà tout prêts contre moi ». Il estime qu’il n’était peut-être pas « au bon endroit », place de la Bourse, où, juge-t-il, il y avait davantage de sympathisants de gauche. Il poursuit :
« Je fais mes armes. J’apprends. Tu ne peux pas condamner l’expression “flics nazis” sans ajouter qu’il y a des flics qui font des violences et que je suis solidaire des victimes de violences policières, et que ce n’est pas général. C’est un bon baptême. Mais je suis convaincu que la grande majorité des “gilets jaunes” m’adore ! »« Qu’est-ce qu’on fait pour ce soir ? », demande une personne de son entourage. Ce soir, Jean-Marie Bigard donne son premier spectacle depuis six mois, près de Brest. Depuis deux ans, il a pour habitude de rencontrer les « gilets jaunes » à l’occasion de ses spectacles, et, même, d’en inviter. « Il faut annuler, c’est trop dangereux, les “gilets jaunes” vont t’attendre, en comité ! »
Jean-Marie Bigard hésite, puis acquiesce. « Ok, je vais peut-être annuler ».
La voie est libre
La foule, lassée, commence à s’écarter des vitres. Un « gilet jaune » proche des Black Blocs fait savoir que la voie est libre : « Personne ne l’embêtera, il peut y aller ». Deux « gilets jaunes » fans de Bigard, avec leur masque « Allez tous vous faire enculer », trépignent et font des grands signes parce qu’ils voudraient une photo avec lui. Ils lui adressent des baisers derrière la vitre. Jean-Marie Bigard leur renvoie leurs baisers de la main.
Sur
la place de la Bourse, des soutiens de Jean-Marie Bigard, pris partie
lors d’une manifestation des « gilets jaunes » le 12 septembre 2020.
Finalement, Jean-Marie Bigard sera à Brest ce soir. Il le fera, son spectacle.
Source l'OBS
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