Philippe DOUSTE-BLAZY. - Si
j’ai apprécié le ton du président, humble et grave, je dois reconnaître
ne pas comprendre la stratégie sanitaire. Je suis déçu: il ne peut y
avoir de stratégie sanitaire sans stratégie de santé publique forte et
affirmée. Si j’applaudis les prouesses des hôpitaux et des soignants qui
ont montré que notre système de santé résiste avec brio, nous faisons
fausse route en matière d’épidémiologie d’intervention. Une fois de
plus, nous sommes excellents dans la médecine curative et individuelle
mais faibles dans la médecine préventive et communautaire.
Profitons de ce confinement pour dépister les personnes y compris non symptomatiques
Pourquoi
défendez-vous le dépistage massif par foyer plutôt que le dépistage par
individus à symptômes, annoncé par le chef de l’État?
Parce
que nous ne pouvons plus attendre. L’épidémie continue. Plus de 2000
cas par jour! Si le confinement ne sert qu’à diminuer le nombre de lits
hospitaliers occupés, c’est très utile mais cela ne suffit pas.
Profitons de ce confinement pour dépister les personnes y compris non
symptomatiques. Dépister les personnes qui ont des symptômes, comme cela
a été dit, n’est pas le sujet. On sait qu’ils sont malades. Il faut
dépister ceux qui n’ont pas de symptômes. Et si nous manquons de tests,
d’abord avouons-le!
Emmanuel Macron estime que le dépistage de tous les Français n’aurait aucun sens…
Nous
devons être guidés par la carte épidémiologique du virus. Il faut
monter une solide organisation de terrain en envoyant des équipes
mobiles là où nous savons que le virus circule le plus. Nous savons où.
Puis mettons en quatorzaine, dans des hôtels, aujourd’hui vides, les cas
positifs. Car l’épidémie ne progresse que par des microchaînes de
contamination, en particulier familiales. Trouvez-vous normal qu’un
patient qui vient de se faire tester positif revienne retrouver sa
famille? Il faut tester et séparer systématiquement.
Et
c’est particulièrement vrai dans nos Ehpad, pour lesquels je suis très
inquiet. L’épidémie ne s’éteindra rapidement que si l’on sépare les
malades et ceux qui ont été en contact avec eux. C’est à ce prix. C’est
exactement ce qui se passe en Allemagne, en Corée du Sud et disons-le, à
Marseille. Je ne comprends pas pourquoi ce n’est pas fait au niveau
national. En réalité, c’est au tout début de l’épidémie, mi-janvier, que
l’administration allemande a labellisé de très nombreux laboratoires
afin de généraliser les tests. Ils n’étaient pas tous parfaits, mais
efficaces. Nous aurions dû faire de même. Il faut reconnaître que
c’était avant M. Véran qui, lui, je veux le souligner, souhaite
rattraper le temps perdu.
Le président a souligné les compétences du Pr Raoult
en affirmant qu’il s’était assuré que son traitement était bien testé
dans le cadre des essais cliniques, n’est ce pas rassurant?
Je
me réjouis qu’Emmanuel Macron se soit déplacé à Marseille pour se faire
sa propre idée. Il faut préciser qu’il existe deux phases dans cette
maladie: jusqu’au 7e jour, il s’agit de la phase de
multiplication virale, puis dans la deuxième semaine, celle de l’orage
cytokinique. Le traitement du Pr Raoult doit être administré dans le début de la première phase.
Or, les essais cliniques engagés sont soit réservés aux patients très sévères (Discovery) soit commencés au 7e
jour (Angers). Le décret encadrant l’usage du traitement
hydroxychloroquine-azithromycine pose problème parce qu’il n’est réservé
qu’aux patients qui sont dans la deuxième phase de la maladie. Là où le
traitement n’est pas efficace.
Son
inflexion spectaculaire (de la courbe épidémique à Marseille), malgré
ce que dit le directeur de l’ARS, valide le fait de tester largement
Comment expliquez-vous les réserves perdurant face au traitement Raoult?
L’homme
qui a le mieux résumé le sujet est Edgar Morin. C’est le dilemme entre
urgence et prudence. Or nous sommes dans l’urgence. Plus de 500 décès
par jour uniquement à l’hôpital! Mais personne n’a encore pu m’expliquer
pourquoi on refuse à un médecin, capable de se rendre compte des effets
secondaires, la prescription d’un médicament ancien et connu pour son
innocuité alors qu’aucun autre traitement alternatif n’existe dans ce
contexte. À une condition cependant: éviter toute automédication en
raison du risque de troubles du rythme cardiaque en cas de surdosage.
En quoi la courbe de l’épidémie observée à Marseille est-elle un élément important pour analyser l’évolution du virus en France?
Parce
que son inflexion spectaculaire, malgré ce que dit le directeur de
l’ARS, valide le fait de tester largement, de séparer les malades et les
traiter précocement afin qu’ils ne soient plus contagieux est très
efficace.
Pourquoi faudra-t-il comparer le taux de mortalité à Marseille avec celui du pays?
Parce
que ce sera le seul juge de paix! Si on veut éviter les biais, nous
devons comparer le nombre de personnes décédées corrélé aux nombres de
personnes hospitalisées et ne prendre que les données issues du
ministère de la Santé. Et ce taux dans les Bouches-du-Rhône est, de très
loin, le plus bas de France.
La
présidente de l’IHU de Marseille a proposé au Comité scientifique, qui
conseille le gouvernement, d’accepter de comparer publiquement la
cohorte de malades traités par le Pr Raoult et la cohorte
France-Covid intéressant 120 unités d’hospitalisation afin de pouvoir
apparier et comparer les données disponibles. Elle n’a pas encore eu de
réponse…
Cette crise nous rappelle tristement que l’OMS n’a pas de moyens contraignants pour préparer les pays à ce type de pandémie
Votre pétition «#Neperdonsplusdetemps» dépasse les 500.000 signatures. À quoi servira-t-elle?
À
modifier un décret pour laisser enfin le choix à un médecin
hospitalier, dans un premier temps, de pouvoir prescrire, s’il le veut,
l’hydroxychloroquine aux formes de Covid-19 non sévères.
La
guerre contre le Covid-19 en France aura été marquée par une querelle
scientifique. Quelle leçon politique retiendrez-vous de cette
incohérence?
Je me félicite que la
France soit le premier pays européen en nombre d’essais cliniques. Mais
permettez-moi de citer le philosophe Nassim Nicholas Taleb: «Une
catégorie de personnes ne cesse d’augmenter au sein de la population:
ceux qui sont plus doués pour expliquer que pour faire. Ils n’ont plus
le sens du mécanisme de mise en jeu de leur peau», parce qu’ils
payent rarement les conséquences… Vous comprendrez que ce n’est pas aux
responsables politiques que je m’adresse. C’est contre cela que je me
bats.
En tant que fondateur de Unitaid, jugez-vous la lutte contre le Covid-19 pas assez internationale?
Certainement!
Nous avons besoin d’une réponse globale. Cette crise nous rappelle
tristement que l’OMS n’a pas de moyens contraignants pour préparer les
pays à ce type de pandémie. J’appelle à la création, comme le Pr
Andrew Hill,de Liverpool, d’un fonds mondial contre le coronavirus qui
permette à tous, y compris les plus pauvres, de bénéficier des
traitements efficaces.
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