Il met aujourd'hui à profit, dans cet affrontement, d'efficaces stratégies de communication. Jusqu’à cette semaine, véritable apothéose en triple bras d’honneur. Dimanche 22 mars, il annonce qu’il testera et traitera si besoin toute personne "fébrile" : à la clé le lendemain des images spectaculaires de centaines de Marseillais faisant la queue devant son Institut hospitalo-universitaire Méditerranée-Infection, sont diffusées sur toutes les chaînes.
Mardi 24 mars, il donne aux Échos le scoop de son départ fracassant du comité scientifique constitué pour lutter contre l’épidémie. Jeudi 26 mars enfin, il publie un livre chez l’éditeur grand public Michel Lafon, Épidémies : vrais dangers et fausses alertes. Si l'ouvrage a été écrit avant la crise, la jaquette insiste lourdement sur le Covid-19. Comment un chercheur de ce calibre a-t-il pu, court-circuitant toutes les institutions, devenir une figure médiatique maintenant quasi-messiannique, jusqu’à son apparence de rockeur sur le retour ?
"Il a créé un personnage public"
Si Raoult est depuis 10 jours omniprésent dans les médias de France, mais aussi du monde entier, le médecin-chercheur n’en est pas à son coup d’essai médiatique. Déjà reconnu en tant que virologue et infectiologue dans les années 1990, il ne se privait pas de donner son avis sur d’autres sujets dans une chronique régulière du Figaro tenue de 1998 à 2001.Dans les années 2000, alors qu’il prend une dimension scientifique majeure, il revient à un relatif anonymat médiatique national, excepté quelques articles, par exemple dans Le Monde et L’Express, à l’occasion de sa remise d’un rapport au gouvernement sur le bioterrorisme. Il devient cependant à cette époque une figure incontournable au niveau local, particulièrement à travers le quotidien régional La Provence. "Il a créé un personnage public aux positions très clivantes sur un peu tous les sujets, un vrai touche-à-tout qui sait trouver des échos dans la presse locale", note le journaliste du site d’enquêtes locales Marsactu Benoît Gilles, contacté par Arrêt sur images. "Il a toujours le même ton un peu rationaliste et sceptique, il aime bien être à contre-courant des positionnements habituels."
A la fin des années 2000, la reconnaissance de ses pairs est matérialisée par un Grand Prix de l’Inserm en 2010, celle des médias nationaux par un portrait dans Les Échos en 2008. "Il n’a pas la langue de bois et affirme des positions de chercheur en rupture avec les institutions : il est très ouvert sur la recherche mais a des opinions tranchées sur la manière de la faire", témoigne le correspondant marseillais du quotidien économique et auteur de ce portrait, Paul Molga. Bref, un "bon client" pour les journalistes.
Des livres grand public
Son empreinte médiatique passe aussi par ses livres, initialement réservés au monde scientifique. En octobre 2010, Raoult fait sa première incursion dans l’édition grand public, avec la publication chez Plon de Dépasser Darwin. En décembre 2011, phénomène rare : Le Point y consacre un grand entretien promotionnel plus d’un an après sa publication. Il entame dans l’hebdomadaire une chronique régulière, qu’il publie jusqu’en 2018. Au milieu des années 2010, s'accélère sa carrière d'auteur toujours à contre-courant de l’air du temps médiatique. En 2015, il a ainsi dénoncé les suggestions de santé destinées à éviter les cancers. En 2016, les "fausses peurs" liées aux prédictions démographiques ou climatiques, ce qui le fait taxer de climato-sceptique dans un portrait -par ailleurs nuancé- duMonde. En 2018, il s’insurge contre la politique vaccinale française. S'ensuit une passe d'armes avec le chroniqueur politique de France 5 Patrick Cohen, exhumée ces jours-ci sur les réseaux sociaux par les fans de Raoult.
Ces quatre ouvrages lui valent de grands entretiens dans La Provence, et une exposition médiatique importante pour un chercheur. En 2018, il fait l'objet d'un long entretien vidéo sur le site dédié au bien-être Prévention santé, et d'une invitation dans le TPMP de Cyril Hanouna. "Encore ce matin, il m’a dit ‘lisez mon livre’, il fait sa promo et il a besoin des journalistes pour ça", s’amusait mardi 24 mars le correspondant des Échos (où Raoult tient chronique depuis 2019), auteur du scoop de son départ fracassant du conseil scientifique. L'ouvrage publié ce 26 mars a vu ses "bonnes feuilles" diffusées le 24 mars par Le Point, encore une fois.
"Peu de considération" pour les médias et les journalistes
Avec les journalistes, Raoult entretient une relation d’abord utilitariste. "Il est sur un mode tribunicien qui lui convient très bien. On n’est pas des sachants, mais des vulgarisateurs qui ne comprenons rien à rien, lui est persuadé qu’il a une intelligence supérieure à des gens dont il ne connaît pas le métier", résume Gilles à propos de cet homme "éruptif et coléreux".Interlocuteur qui "sait faire preuve de séduction" en cas de message à faire passer, ajoute son confrère des Échos, Raoult n’hésite pas non plus à faire pression. Son image médiatique est totalement confondue avec celle de l’IHU et de ses salariés. Il est ainsi quasiment impossible à des journalistes de s’entretenir avec des chercheurs parfois réputés, sans que Raoult ne soit présent lors des échanges.
Mais le médecin sait aussi se mettre en retrait lorsque la tonalité médiatique se retourne. Ainsi, entre 2015 et 2018, le médecin, ses méthodes de direction et son projet de pôle des maladies infectieuses sont sous le feu des projecteurs, d’abord avec un rapport administratif très critique, puis à l’occasion de révélations sur des questions de harcèlement au sein de l’IHU. "Il s’est retrouvé avec un rapport à la presse plus complexe que ce dont il avait l’habitude", témoigne Gilles. "Les médias l’emmerdent, ils analysent, chipotent, critiquent et posent des questions", expose Molga. Selon nos informations, furieux de figurer en photo dans un article de La Provence portant sur les accusations de harcèlement entre salariés de l’IHU, il n’hésite pas à passer par le directeur du quotidien Franz-Olivier Giesbert (longtemps directeur... du Point), qu’il connaît bien, pour faire publier une demi-page d’un "droit de réponse" où il n’évoque quasiment pas l’affaire du moment mais tresse ses propres lauriers. Le milieu politique local, avec qui il entretient d’étroites relations (voir notre enquête sur les "passe-droits" des politiques testés), vient à sa rescousse médiatique, alors comme maintenant. "Dès qu’il est attaqué, il est défendu par un grand nombre d’élus, et pas seulement de droite d’ailleurs…", observe le journaliste de Marsactu.
sa réputation numérique
Sur internet, le chercheur a toujours pris soin de sa réputation numérique, tout particulièrement sur Wikipedia. Avant 2020, trois des principaux auteurs, dont les comptes ont depuis été supprimés, ne semblaient s’intéresser qu’à la page de Raoult, au ton très promotionnel dès sa création. Ces comptes sont suspectés d’avoir été créés par des salariés de l’IHU selon les administrateurs de l’encyclopédie en ligne, un autre a d’ailleurs pointé qu’un des comptes avait un pseudonyme correspondant au nom d’une de ses secrétaires. Sans chronique après la rupture de sa collaboration au Point, il avait ouvert un blog chez Mediapart, sur lequel des articles rapportent ses travaux à la troisième personne. Mais c’est sur Youtube que le chercheur a réellement pris son envol. Créée en 2012, la chaîne de l’IHU se contentait de faire fonction d’archive vidéo de conférences et séminaire tenus dans l’institution."Le monde est devenu complètement fou"
Début 2019, une nouvelle série de vidéos est lancée, nommée "Nous avons le droit d’être intelligents !" . Parfois aux côtés d’autres chercheurs, Raoult discute virologie et infectiologie, le plus souvent pour exprimer un farouche désaccord avec "le monde virtuel", c'est-à-dire l’atmosphère médiatique ou les priorités institutionnelles de la recherche publique française, explique à ASI Yanis Roussel, chargé de mission à l’IHU. "On met en ligne des bulletins d’information scientifique pour remettre les choses en perspective et apporter du réel avec des données, un regard scientifique." Le 14 janvier 2020, l’IHU diffuse le premier bulletin sur l’épidémie de Covid-19, alors quasi-exclusivement cantonnée à la Chine, aux propos mesurés faisant état d’une "peur raisonnable". Déjà, Raoult y propose de tester l’antibiotique azithromycine, qu’il utilise aujourd’hui en combinaison avec l’hydroxychloroquine dans son traitement expérimental. Le 21 janvier, sa seconde vidéo, elle, est incendiaire, envers les médias et les responsables politiques. "Le monde est devenu complètement fou, il se passe un truc où il y a trois Chinois qui meurent et ça fait une alerte mondiale", dénonce-t-il. "Il n’y a plus aucune connexion entre l’information et la réalité du risque", poursuit Raoult à propos du thème qui traverse depuis 20 ans toutes ses interventions médiatiques."Il sait très bien utiliser les médias qu’il faut"
Le 5 février, Raoult revient à un canal médiatique plus traditionnel pour lui : La Provence. Le quotidien titre prudemment "Un antipaludéen pour en finir avec le virus chinois ?" un article le citant en longueur. "C'est une très bonne nouvelle, tous les sujets contacts inquiets peuvent être rassurés (...) On va sûrement avoir le traitement le moins cher que l'on ait pu imaginer." Mais l’information n’est pas reprise par les médias nationaux, et les autorités sanitaires ne prévoient pas l’inclusion de la molécule dans l’essai européen à grande échelle. Raoult engage alors un bras-de-fer médiatique via une vidéo Youtube et une dépêche AFP du 25 février, qui, elle, fait le tour du monde. La machine est lancée, jusqu’au paroxysme des derniers jours. "Il sait très bien utiliser les médias qu’il faut, quand il faut et quand il en a besoin. À chacune des grandes étapes de sa carrière, il a su communiquer", rappelle le correspondant des Échos. "En termes de communication, il dit ouvertement au gouvernement ‘interdisez aux hôpitaux d’utiliser le Plaquinine (nom commercial de l’hydroxychloroquine, ndlr) si vous voulez que je m’arrête’, il lui tord le bras ainsi qu’au comité scientifique…" Le chercheur joue gros, mais pour l’instant, le pari est gagné : la couverture médiatique est assourdissante. Et demain ?"Soit les essais cliniques lancés lui donnent raison sur l’efficacité de l’hydroxychloroquine et conforteront sa stature de savant précurseur et incontournable. Soit ils le démentent et le ramèneront à un statut de simple bateleur qu’il ne mérite pas"résume
Le Monde.
Source arretsurimages.net Loris Guémart @lorisguemart
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Derniere Raoult. , sa foi se frotte les mains . Ils font quelques petits adeaux pour que nous soyons content ?????
RépondreSupprimerL’étude de Raoult est truffée de bricolage Et de manipulation en tout genre.
Degueulasse. !!!!
Hier sur cnews je l'ai entendu interviewé par Marie Drucker en 2005. Il avait alors un look de scientifique. Il avertissait sur le risque de pandémie. Googlez Marie Drucker Didier Raoult.
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