18/03/2020

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Comment nous ferons face collectivement au coronavirus Des rues désertes. Des masques. Des silhouettes affairées dans leur combinaison plastifiée. Des tentes médicales posées dans les rues. Des désinfections de bus. Des écoles, cinémas, bars fermés. Des dirigeants solennels, à la télé, appelant à la mobilisation nationale. Et puis, sur tous les écrans, omniprésent, le virus, représenté sous diverses couleurs fluo, balle hérissée de clous de girofle. En moins de deux semaines, ces images sont devenues familières dans le monde entier, nous plongeant tous dans un univers dystopique. Tout s’accélère, tout déraille. La Bourse craque, l’économie s’arrête, les humains s’éloignent les uns des autres, les démocraties s’interrogent sur leur solidité.
En France, le pic arrive, comme la vague d’un tsunami. A toute vitesse. Oubliez Mulhouse ou l’Oise : le Covid-19 est désormais partout. Il a d’abord avancé graduellement, il va se répandre brusquement dans les prochaines semaines. Plus de la moitié de la population pourrait être contaminée et il y aura sans doute des dizaines de milliers de morts. Voire des centaines de milliers, si nous réagissons mal.

Il reste beaucoup à faire

La bonne nouvelle, c’est que nous avons les moyens de faire face, collectivement. Et qu’avant la fin du printemps, nous pourrons de nouveau nous faire la bise et rire aux terrasses de café. Certains pays nous ont montré la voie. La mortalité est redescendue en Chine. A Taïwan, à Hong Kong, en Corée du Sud, le virus a été promptement éradiqué. Les gouvernements européens ont pris des mesures radicales (laissons pour l’instant de côté la polémique sur leur retard à l’allumage). Dans le monde entier, les recherches médicales sont menées avec ardeur, pour des traitements mais aussi pour un vaccin : il pourrait être commercialisé avant la fin de 2021.
Il reste beaucoup à faire : produire des masques pour le personnel hospitalier et autres personnes exposées, donner aux services de réanimation les moyens de travailler et sauver des vies. Aider les hôpitaux à travailler dans de bonnes conditions, « quoi qu’il en coûte », comme l’a promis Emmanuel Macron, pour éviter qu’ils soient submergés et leurs personnels épuisés.
On sait le cauchemar qui nous attend sinon : les images venues d’Italie nous dévoilent notre avenir immédiat, avec dix jours d’avance sur nous. Le système de santé français, avec ses 336 services de réanimation, tiendra-t-il le choc ? Il est bien moins bien équipé qu’en Allemagne : 25 000 lits y sont équipés d’un respirateur, contre seulement 5 000 en France. C’est aux hôpitaux et aux soignants, si délaissés ces dernières années malgré leurs appels à l’aide, que le soutien financier doit aller en priorité.

Formidable solidarité

Mais le succès de la bataille engagée reposera surtout sur les comportements des populations. Elles s’adaptent à la nouvelle discipline collective, ce qui n’allait initialement pas de soi. Comme le remarque l’anthropologue Scott Atran dans une tribune pour « l’Obs », la « distanciation sociale » est pour l’homme contre-nature. Elle va à l’encontre de ce qui l’a fait évoluer et résister aux diverses menaces. Vantée dans toutes les cultures, cette capacité à s’entraider, à prendre soin les uns des autres, est son trésor le plus précieux.
La disparition des contacts a, heureusement, laissé place à une formidable solidarité. Cela va des chansons dans les cours d’immeuble en Italie, aux ovations adressées aux si courageux personnels soignants, en passant par la mobilisation des médecins à la retraite et des étudiants. Ou, encore, par les nombreux services qu’on se rend entre voisins. Selon le toujours optimiste Edgar Morin, le coronavirus peut nous faire prendre conscience de la nécessité de retrouver cette fraternité, largement dissoute par l’idéologie néolibérale ambiante et par cette mondialisation qui jusque-là, dit-il, n’est qu’une « interdépendance sans solidarité ».
Sur le front économique, le danger est grand d’un grave plongeon mondial. La crise a déjà frappé les transports, le tourisme, les activités culturelles. Elle a ravagé les marchés boursiers et le risque d’enchaînements récessifs n’est pas à écarter. Mais là encore, il existe des moyens de faire face, pour peu qu’on ne soit pas timide sur les moyens. L’histoire nous l’enseigne : les épidémies ne cassent pas forcément les économies. La grippe espagnole de 1918 a tué 50 millions de personnes, mais sans enrayer la croissance. Idem pour la vague de choléra en France, en 1831. Idem pour celle du Sras, en Chine, en 2003. Une reprise en V, dès le second semestre, n’est pas à exclure, si l’on évite un scénario « systémique » tel celui qu’on a connu en 2008. Seule certitude, les Etats doivent agir là encore « quoi qu’il en coûte ».

« Des décisions de rupture »

Emmanuel Macron a pris la parole à deux reprises, avec une hauteur présidentielle incontestée. Il a promis de ne pas regarder à la dépense pour combattre cette crise sanitaire et économique. La fin de son premier discours, jeudi 12 mars, a pu surprendre de sa part. Le chef de l’Etat a remis en cause notre modèle de développement qui, dit-il, a « dévoilé ses failles au grand jour ». Il a défendu « notre Etat providence » ce « bien précieux » :
« Il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché ».Une prise de conscience tardive et bienvenue, même s’il ne faut pas être dupe : en 2008, après la crise des subprimes, à Toulon, Nicolas Sarkozy avait lui aussi constaté « la fin d’un monde » et promis un changement radical de modèle économique (« Le marché qui a toujours raison, c’est fini »). Le grand basculement promis n’a alors pas eu lieu. Emmanuel Macron lui-même a plusieurs fois promis de renverser la table, sans suite. Prudence donc. Il promet « des décisions de rupture » dans les prochains mois. On le jugera à ses actes.
Emmanuel Macron s’apprêtait à dessiner l’acte 2 de son quinquennat autour du combat contre le réchauffement climatique. Le coronavirus le place brutalement sur un autre terrain : il s’agit de repenser la mondialisation, le rôle de l’Etat providence et des services publics, la souveraineté économique. Dans la « rupture » qu’il projette, la question du climat ne devra pourtant pas être reléguée au second plan. La mobilisation radicale engagée par les Etats est encourageante, car elle prouve qu’il est leur est possible d’agir quand l’enjeu en vaut la peine. Il faudra s’en souvenir, une fois le coronavirus dans le rétroviseur, lorsqu’on débattra du climat. Comme le souligne le philosophe slovène Slavoj Žižek, même s’il y a un retour à la normale, il ne s’agira plus de la même normalité. Il nous faudra apprendre à mener une existence « plus fragile, menacée ».

2 commentaires:

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