13/03/2020

Daniel Schneiderman Arrêt sur Images après l'intervention de Macron hier soir

Macron, le virus, et le vélotypiste
Trop ? Pas assez ? Trop tôt ? Trop tard ? Juste à l'heure ? Ne comptez pas sur moi pour juger les mesures annoncées hier soir par Emmanuel Macron, pour lutter contre la pandémie. Je ne suis pas épidémiologue. Tout juste puis-je ici essayer de dégager l'essentiel de ce discours, et de le dégager de la glose plus abrutissante que jamais de mes confrères zet consoeurs journalistes politiques, qui n'en finissent plus de supputer sur "le virage social du quinquennat". Dès que vous lisez ces mots dans un article, vous pouvez cesser de lire. Un pouvoir politique représente les forces sociales qui l'ont élu, il fait la politique de ces forces sociales.
La palme tout de même à l'inusable Alain Duhamel de BFM, éternel rescapé du confinement, qui a dégainé les adjectifs habituels, jugeant le discours "énergique, rassembleur, ambitieux". Dissipée la glose duhamelienne des medias mainstream, que reste-t-il donc de cette demi-heure ? La fermeture des établissements scolaires "jusqu'à nouvel ordre", des mesures de report de cotisations et d'impôts pour les petites entreprises et, ne l'oublions pas, la prolongation de deux mois de la trève hivernale. Ces mesures vont évidemment dans le sens de la lutte nécessaire contre la propagation. Rien ne dit qu'elles seront suffisantes. Le matin même, le ministre de l'Education Blanquer assurait qu'il n'était pas question de fermer les écoles. Macron semblait hier soir courir après le virus, comme le vélotypiste courait après son discours. Rien ne dit que de plus strictes mesures de confinement ne seront pas prises ce week-end, ou demain, ou aujourd'hui, tant toutes les décisions politiques françaises semblent dictées par ce compte à rebours obsédant des "huit jours de retard sur l'Italie".
Pour le reste, pour la musique macronienne -appels à la solidarité, humilité devant la science, remise en cause du modèle de développement : cette musique est certes plus agréables à des oreilles de gauche, que si Macron avait pris la décision -politiquement intenable-, et comme croyait le savoir le Journal du Dimanche, de reporter des élections municipales, perdues d'avance pour son mouvement. Mais tant qu'à faire, écoutons aussi les mots qu'il ne prononce pas. Quand il se dit déterminé à "interroger le modèle dans lequel s’est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour", il se garde bien de nommer ce modèle. De quel "modèle" parle-t-il donc ? Quand il évoque à répétition la solidarité, il n'envisage nul report de la réforme de l'assurance-chômage, ou celle des retraites, qui cassent le modèle social français. Quant au "quoiqu'il en coûte", martelé, il est certainement sincère. Mais n'aurait-on pas économisé ces milliards en finançant, "quoiqu'il en coûte" la recherche sur les coronavirus ?
Trop tôt ? Trop tard ? Trop peu ? Tout au plus puis-je noter que la quasi-totalité des soignants à qui les médias donnent la parole poussent, contre les journalistes et les politiques, à des mesures plus radicales et plus contraignantes. A la décharge de ces journalistes et de ces politiques, il est vrai que le corps social semble frappé, lui aussi, de la même apathie impuissante, de la même incapacité d'anticipation, que devant le péril climatique, à cette différence près que le compte à rebours ne se compte pas en années, mais en jours. Qui se lave les mains plusieurs fois par jour ? Qui (à quelques exceptions près) est prêt à renoncer à un voyage prévu, pour ne pas mettre les autres en danger ? Qui, autour de nous, fait l'effort surhumain de ne pas seulement s'envisager comme contaminé potentiel, mais comme contaminant potentiel ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Ce blog est ouvert à la contradiction par la voie de commentaires. Je tiens ce blog depuis fin 2005; je n'ai aucune ambition ni politique ni de notoriété. C'est mon travail de retraité pour la collectivité. Tout lecteur peut commenter sous email google valide. Tout peut être écrit mais dans le respect de la liberté de penser de chacun et la courtoisie.
- Je modère tous les commentaires pour éviter le spam et d'autres entrées malheureuses possibles.
- Cela peut prendre un certain temps avant que votre commentaire n'apparaisse, surtout si je suis en déplacement.
- Je n'autorise pas les attaques personnelles. Je considère cependant que ces attaques sont différentes des attaques contre des idées soutenues par des personnes. Si vous souhaitez attaquer des idées, c'est bien, mais vous devez alors fournir des arguments et vous engager dans la discussion.
- Je n'autorise pas les commentaires susceptibles d'être diffamatoires (au mieux que je puisse juger car je ne suis pas juriste) ou qui utilisent un langage excessif qui n'est pas nécessaire pour l'argumentation présentée.
- Veuillez ne pas publier de liens vers des publicités - le commentaire sera simplement supprimé.
- Je suis pour la liberté d'expression, mais il faut être pertinent. La pertinence est mesurée par la façon dont le commentaire s'apparente au sujet du billet auquel le commentaire s'adresse. Si vous voulez juste parler de quelque chose, créez votre propre blog. Mais puisqu'il s'agit de mon blog, je vous invite à partager mon point de vue ou à rebondir sur les points de vue enregistrés par d'autres commentaires. Pour ou contre c'est bien.
- Je considère aussi que la liberté d'expression porte la responsabilité d'être le propriétaire de cette parole.

J'ai noté que ceux qui tombent dans les attaques personnelles (que je supprime) le font de manière anonyme... Ensuite, ils ont l'audace de suggérer que j'exerce la censure.