Déjà 84 000 kilomètres carrés dévorés par les flammes en Australie.
C'est dix fois la Corse. Et ce n'est pas fini. Sur les 130 feux en
cours, 69 ne peuvent même plus être combattus alors que l'été austral ne
fait que commencer. Le bilan des dégâts s'alourdit. Au 5 janvier, on
comptait 2 500 bâtiments, dont 1 300 habitations, réduits en cendres et
25 morts. Quant à la faune, c'est encore une hécatombe. L'Université de
Sydney évoque 500 millions d'animaux tués, dont 8 000 koalas, crime
impardonnable. L'espèce pourrait même être menacée d'extinction !
Source lepoint.fr par Frédéric Lewino, Caroline Tourbe
Ce qui se déroule en ce moment dans les États de
Nouvelle-Galles du Sud et de Victoria est hors de proportion. À croire
que nous sommes passés dans une autre ère : celle des mégafeux.
Impossible de ne pas évoquer le réchauffement climatique pour expliquer
ces incendies à répétition. Le thermomètre australien ne bat-il pas des
records depuis plusieurs semaines, dépassant les 45 degrés Celsius ? «
Nous avons des raisons de penser que les températures extrêmes qui
règnent aujourd'hui en Australie sont liées au changement climatique, reconnaît Olivier Proust, météorologiste à Météo-France.
Mais ce n'est qu'un des facteurs explicatifs des incendies. L'autre,
c'est la sécheresse intense qui perdure. Et celle-ci découle de deux
phénomènes climatiques qui se conjuguent. » D'une part, périodiquement, la température de l'eau de mer au large de l'Afrique
orientale s'élève au-dessus de la normale (dipôle de l'océan Indien,
connu également sous le nom d'El Niño indien) et détourne les nuages et
la pluie de l'Australie en général durant six mois. D'autre part,
l'Australie pâtit de l'oscillation antarctique, un phénomène irrégulier
lié à la température de l'océan qui réduit les précipitations aux
latitudes de l'Australie. Bref, attaqué de partout par la sécheresse, le
pays est devenu un morceau d'amadou prêt à s'enflammer à la moindre
étincelle.
Polémique. Mais,
pour certains, le climat a bon dos ! Les ravages actuels seraient aussi
dus à une mauvaise application des mesures de prévention des incendies.
Depuis 2009 et le « Black Saturday » ayant causé 173 morts aux portes
de Melbourne, l'Australie a adopté des mesures drastiques : « Chaque
État doit brûler en moyenne 1 million d'hectares au cours de l'hiver
pour prévenir la propagation des feux lors de l'été austral, explique Sébastien Lahaye, ex-sapeur-pompier et auteur d'une thèse sur les incendies en France et en Australie à l'École pratique des hautes études. Or les États de Victoria et de Nouvelle-Galles du Sud peinent à atteindre leurs objectifs de "brûlages dirigés" ».
En cause, la pression d'une partie de la population et de militants
écologistes s'opposant à ce nettoyage par le feu au nom de la protection
des milieux naturels, mais aussi pour éviter la pollution de l'air et
l'émission de CO2 liées à ces embrasements. La
polémique enfle dans le pays tandis que les pompiers ne sont plus en
mesure d'arrêter la catastrophe.
Ce brasier sans fin a-t-il vocation à rester une
exception à l'échelle de la planète ? Pas du tout, analysent les
scientifiques. Pour eux, le monde doit se préparer à affronter de plus
en plus souvent ces phénomènes de mégafeux. Si ce terme n'a pas de
définition stricte, il est utilisé par les experts pour définir les 2 ou
3 % des feux les plus étendus d'une région donnée. En Europe,
un mégafeu désigne quelques milliers d'hectares détruits ; en
Australie, des centaines de milliers d'hectares. La surface brûlée n'est
pas le seul critère. « Ce sont aussi des feux très dynamiques qui
se déplacent beaucoup plus rapidement que les incendies classiques -
jusqu'à 5 kilomètres par heure, contre 3 kilomètres par jour ! Ils
peuvent franchir les obstacles, comme les montagnes, notamment par des
projections de particules enflammées à plusieurs centaines de mètres sur
les côtés ou en avant du feu lui-même », souligne Thomas Curt, spécialiste des risques incendie de forêt (équipe Recover, Irstea à Aix-en-Provence).
Le sud de l'Europe menacé. L'Australie
a déjà connu des mégafeux dans son histoire récente. En 1974, 1,17
million de kilomètres carrés étaient partis en fumée, 4 500 kilomètres
carrés en 2009, et 8 000 en 2019. L'île-continent n'est pas la seule à
connaître des étés toujours plus meurtriers. Rappelez-vous, voilà
seulement quelques mois, 8 000 kilomètres carrés de forêts flambaient en
Amazonie. La Californie aussi a régulièrement droit à ses feux
maléfiques (8 100 kilomètres carrés en 2018), à l'instar des zones
boréales (en 2019, 27 100 kilomètres carrés en Sibérie et 10 000
kilomètres carrés en Alaska). Ce qui est nouveau, c'est que toutes les
conditions sont réunies pour que le nombre de mégafeux augmente. Y
compris dans des régions jusqu'alors très épargnées comme le sud du
continent européen ! « On craint la multiplication des feux "convectifs", reprend le chercheur. C'est
un type de feu qui s'autoentretient avec des phénomènes puissants de
turbulences de l'air et d'immenses panaches de fumée comme le montrent
les images prises en Australie. Les premiers feux de ce type ont été
signalés en 2017 au Portugal avec 442 000 hectares calcinés et en 2019
en Catalogne. C'est très récent sur notre continent ! »
Pourquoi ces feux d'un nouveau genre risquent-ils de
se multiplier ? C'est indéniablement l'œuvre des changements
climatiques : les températures élevées et le manque de pluie dessèchent
la végétation, les zones sensibles aux flammes s'étendent… Pire, à
l'horizon 2050, le nombre de jours propices aux incendies chaque année
pourrait augmenter de 35 % en moyenne sur la planète, et de 75 % au
moins pour l'Europe du Sud. Pourtant, le climat n'est pas l'unique
facteur déterminant dans le phénomène. L'accumulation de végétation
hautement combustible, compte tenu de la modification des pratiques
agricoles et forestières, pèse lourd dans la balance ; avec toujours
moins de troupeaux, toujours moins de brûlis et toujours plus de
broussailles pour nourrir les flammes. Et ce n'est pas tout. L'extension
des zones périurbaines et la multiplication des habitations entourées
de « nature » multiplient les départs de feu potentiels, du mégot mal
éteint à la ligne électrique défectueuse (comme en Californie en 2018).
Sachant que, paradoxalement, la lutte systématique contre les départs de
feu pour protéger ces maisons contribue à faciliter le développement de
futurs mégafeux. À trop vouloir contenir tous les incendies, on court
le risque d'affronter des embrasements devenus incontrôlables !
Prévention. Car
c'est bien l'une des leçons à retenir du brasier australien, les
mégafeux ne peuvent parfois pas être maîtrisés, même avec les moyens de
lutte les plus modernes. La hauteur des flammes, la chaleur rendent
impossible le travail des pompiers. « Un mégafeu s'éteint souvent tout seul : parce qu'il n'y a plus rien à brûler ou grâce à l'arrivée de la pluie »,
indique Thomas Curt. Actuellement, en Australie, des flammes de 70
mètres de hauteur ont été mesurées, un record absolu, avec des
températures dépassant 1 000 degrés Celsius.
L'Europe est-elle prête à affronter ces monstres ?
Les Australiens ont une autre stratégie depuis le « Black Saturday ».
Passé un certain stade d'embrasement, « il ne s'agit plus d'éteindre les incendies, mais uniquement de protéger les populations, déclare l'ancien sapeur-pompier Sébastien Lahaye. Il
est vraiment temps de développer cette stratégie en Europe avec de
grandes campagnes qui insistent sur la prévention, mais aussi sur les
réflexes à adopter lorsqu'il n'y a pas d'autre solution que d'évacuer ou
de se confiner. »
Si les dernières années se sont révélées calmes pour
la France avec 4 400 hectares de surfaces brûlées en 2018, 8 000 en
2019, c'est que la politique de prévention paie, avec environ 95 % des
feux stoppés avant d'atteindre un hectare. Mais la végétation s'accumule
et le réchauffement guette. La période des feux, jusqu'ici cantonnée
entre juillet et août, commence à déborder sur l'automne et les zones
inflammables gagnent le nord. Des départements forestiers comme le
Puy-de-Dôme, le Jura et la Loire sont désormais menacés de feux et de
mégafeux§
Source lepoint.fr par Frédéric Lewino, Caroline Tourbe
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