Source huffingtonpost.fr
Le ministre de l’Intérieur a listé, à plusieurs reprises,
les “signes de radicalisation” qui nécessiteraient un signalement en
vue d’une enquête approfondie, comme “le port de la barbe, la pratique
régulière et ostentatoire de la prière rituelle, une pratique religieuse
rigoriste, particulièrement exacerbée en matière de Ramadan” ou encore
“le refus de serrer la main à une femme, le port du voile intégral en
dehors du travail”.
S’il a précisé devant le Sénat que “personne ne fait de lien entre la religion musulmane et le terrorisme, ni même entre la religion musulmane, la radicalisation et le terrorisme”, ses propos ont suscité des réactions, notamment sur Twitter avec le #SignaleUnMusulman, qui se moquait de ses propos, faisant remarquer par exemple, comme l’a fait le député M’Jid El Guerrab que lui-même portait la barbe.
Ce mot-clé a été diffusé plus de 50.000 fois, à l’heure où nous écrivons ces lignes, selon les chiffres de Visibrain, plateforme de veille médiatique.
S’il a précisé devant le Sénat que “personne ne fait de lien entre la religion musulmane et le terrorisme, ni même entre la religion musulmane, la radicalisation et le terrorisme”, ses propos ont suscité des réactions, notamment sur Twitter avec le #SignaleUnMusulman, qui se moquait de ses propos, faisant remarquer par exemple, comme l’a fait le député M’Jid El Guerrab que lui-même portait la barbe.
Ce mot-clé a été diffusé plus de 50.000 fois, à l’heure où nous écrivons ces lignes, selon les chiffres de Visibrain, plateforme de veille médiatique.
Pour y voir plus clair, Le HuffPost a
interrogé la doctorante en sciences politiques et spécialiste de
l’Islam en France, Fatima Khemilat. Pour la chercheuse, ces propos
“stigmatisent une religion” et sont “dangereux”.
Quand certains appellent à ne plus laisser passer les “signaux clignotants”, la chercheuse à l’avis très tranché, estime au contraire que les pratiques visées par le ministre sont “banales pour un musulman pratiquant” et que ses propos, au-delà de “diviser la société”, contribuent à “renforcer le terrorisme”.
Le HuffPost: Qu’avez-vous pensé des propos de Christophe Castaner sur les signes de radicalisation qu’il faudrait identifier chez les musulmans pour prévenir les attentats terroristes?
Fatima Khemilat: Depuis 2015, il y a la volonté d’élaborer des critères objectifs pour définir si un individu est radicalisé ou pas. Sauf qu’avec cette indexation, des gestes de la pratique banale et quotidienne de l’Islam sont considérés comme étant la preuve d’une radicalisation.
Pour chacun des critères indiqués par Christophe Castaner, pouvez-vous nous donner votre interprétation. Le fait de porter une barbe?
Ce qui est intéressant avec la barbe, c’est qu’elle est devenue à la mode depuis dix ans, dans les magazines et dans les médias. Qu’est-ce qui va différencier un individu qui s’appelle Mohamed et qui porte une barbe, d’un individu qui s’appelle Christophe, et qui en porte une aussi? Qu’est-ce qui les distingue si ce n’est la question religieuse supposée et la question raciale. Qui nous dit que Mohamed est musulman?
Si un comportement est considéré comme à la pointe de la mode pour des individus, mais pas pour d’autres, parce qu’ils n’ont pas le bon prénom, c’est discriminant et arbitraire. Par ailleurs, le port de la barbe n’est pas obligatoire dans le culte musulman. C’est donc absurde d’en faire un indicateur de radicalité.
“Une pratique religieuse rigoriste, particulièrement exacerbée en période de Ramadan”?
Cela prouve la profonde méconnaissance du gouvernement vis-à-vis de la population musulmane de France. Les études sociologiques sur les comportements des musulmans en Europe établissent que la pratique religieuse la plus suivie par les musulmans est précisément le ramadan.
Même pour les musulmans non pratiquants le reste de l’année, le mois du ramadan reste un minimum. C’est pourquoi il est “normal” que la pratique religieuse soit plus intense ce mois-là. Faire d’un acte de dévotion un signe de radicalité est particulièrement inquiétant, voire irresponsable.
“La conversion”?
C’est ce qui fait que Julien, quand il porte une barbe, est dans la catégorie “hipster” et qu’il entre dans la catégorie des suspectés dès qu’il se convertit? C’est bien le fait d’être musulman qui pose problème ici. Faire de la conversion un indicateur de la radicalité désigne l’Islam comme un problème. Christophe Castaner fait une pirouette en disant il ne faut pas faire d’amalgames, en réalité si se convertir est un signe de radicalité, c’est bien que c’est l’appartenance à l’Islam qui est visée.
“Avoir une hyperkératose” (épaississement de la peau dû au frottement du tapis pendant la
prière, NDLR)?
Ça arrive aux personnes qui prient beaucoup à cause des points d’appui durant la prière. Dans les milieux pratiquants, c’est positif, ça veut dire qu’on est pieux, mais pour le ministère, c’est un signe de radicalisation. On voit bien comme les deux grilles de lecture s’opposent. Emmanuel Macron parle des “petits riens qui deviennent des grandes tragédies”. Or, ces “petits riens” peuvent avoir des significations très différentes selon où l’on se place. C’est donc trop subjectif pour en faire des critères sérieux de radicalisation.
“Une pratique régulière ou ostentatoire de la prière rituelle”?
C’est le point le plus problématique. Dans les canons musulmans, faire la prière, c’est dans les cinq piliers de l’Islam, c’est la base, le “Smic” de la pratique. Ça veut dire qu’on aurait des centaines de milliers de musulmans radicalisés en France ? Je ne le crois pas.
Le HuffPost: “Faire la bise ou ne plus faire la bise (...) Accepter de faire équipe avec une femme ou pas ?”
Le même comportement sexiste va être considéré comme radicalisé à partir du moment où la personne qui le réalise est musulmane. Il y a des policiers non musulmans qui vont refuser de faire équipe avec une femme. Là on ne parle pas de radicalité. Pourtant, c’est sexiste. On utilise la lutte pour l’égalité entre les hommes et les femmes pour discriminer, c’est ce qu’on appelle le fémonationalisme.
Quand certains appellent à ne plus laisser passer les “signaux clignotants”, la chercheuse à l’avis très tranché, estime au contraire que les pratiques visées par le ministre sont “banales pour un musulman pratiquant” et que ses propos, au-delà de “diviser la société”, contribuent à “renforcer le terrorisme”.
Le HuffPost: Qu’avez-vous pensé des propos de Christophe Castaner sur les signes de radicalisation qu’il faudrait identifier chez les musulmans pour prévenir les attentats terroristes?
Fatima Khemilat: Depuis 2015, il y a la volonté d’élaborer des critères objectifs pour définir si un individu est radicalisé ou pas. Sauf qu’avec cette indexation, des gestes de la pratique banale et quotidienne de l’Islam sont considérés comme étant la preuve d’une radicalisation.
Pour chacun des critères indiqués par Christophe Castaner, pouvez-vous nous donner votre interprétation. Le fait de porter une barbe?
Ce qui est intéressant avec la barbe, c’est qu’elle est devenue à la mode depuis dix ans, dans les magazines et dans les médias. Qu’est-ce qui va différencier un individu qui s’appelle Mohamed et qui porte une barbe, d’un individu qui s’appelle Christophe, et qui en porte une aussi? Qu’est-ce qui les distingue si ce n’est la question religieuse supposée et la question raciale. Qui nous dit que Mohamed est musulman?
Si un comportement est considéré comme à la pointe de la mode pour des individus, mais pas pour d’autres, parce qu’ils n’ont pas le bon prénom, c’est discriminant et arbitraire. Par ailleurs, le port de la barbe n’est pas obligatoire dans le culte musulman. C’est donc absurde d’en faire un indicateur de radicalité.
“Une pratique religieuse rigoriste, particulièrement exacerbée en période de Ramadan”?
Cela prouve la profonde méconnaissance du gouvernement vis-à-vis de la population musulmane de France. Les études sociologiques sur les comportements des musulmans en Europe établissent que la pratique religieuse la plus suivie par les musulmans est précisément le ramadan.
Même pour les musulmans non pratiquants le reste de l’année, le mois du ramadan reste un minimum. C’est pourquoi il est “normal” que la pratique religieuse soit plus intense ce mois-là. Faire d’un acte de dévotion un signe de radicalité est particulièrement inquiétant, voire irresponsable.
“La conversion”?
C’est ce qui fait que Julien, quand il porte une barbe, est dans la catégorie “hipster” et qu’il entre dans la catégorie des suspectés dès qu’il se convertit? C’est bien le fait d’être musulman qui pose problème ici. Faire de la conversion un indicateur de la radicalité désigne l’Islam comme un problème. Christophe Castaner fait une pirouette en disant il ne faut pas faire d’amalgames, en réalité si se convertir est un signe de radicalité, c’est bien que c’est l’appartenance à l’Islam qui est visée.
“Avoir une hyperkératose” (épaississement de la peau dû au frottement du tapis pendant la
prière, NDLR)?
Ça arrive aux personnes qui prient beaucoup à cause des points d’appui durant la prière. Dans les milieux pratiquants, c’est positif, ça veut dire qu’on est pieux, mais pour le ministère, c’est un signe de radicalisation. On voit bien comme les deux grilles de lecture s’opposent. Emmanuel Macron parle des “petits riens qui deviennent des grandes tragédies”. Or, ces “petits riens” peuvent avoir des significations très différentes selon où l’on se place. C’est donc trop subjectif pour en faire des critères sérieux de radicalisation.
“Une pratique régulière ou ostentatoire de la prière rituelle”?
C’est le point le plus problématique. Dans les canons musulmans, faire la prière, c’est dans les cinq piliers de l’Islam, c’est la base, le “Smic” de la pratique. Ça veut dire qu’on aurait des centaines de milliers de musulmans radicalisés en France ? Je ne le crois pas.
Le HuffPost: “Faire la bise ou ne plus faire la bise (...) Accepter de faire équipe avec une femme ou pas ?”
Le même comportement sexiste va être considéré comme radicalisé à partir du moment où la personne qui le réalise est musulmane. Il y a des policiers non musulmans qui vont refuser de faire équipe avec une femme. Là on ne parle pas de radicalité. Pourtant, c’est sexiste. On utilise la lutte pour l’égalité entre les hommes et les femmes pour discriminer, c’est ce qu’on appelle le fémonationalisme.
Castaner n’est pas le grand Mufti de France.Fatima Khemilat
Comprenez-vous les femmes qui se plaignent de ce genre de comportements?
Oui, mais c’est un problème managérial, pas théologique. Ce n’est pas au ministre de l’Intérieur de définir ce qu’est la bonne interprétation du culte ou non, si ce n’est à faire de lui le grand Mufti de France.
Pour vous, le fait de ne pas saluer une femme au travail n’est pas un signe “inquiétant”?
Ce qui prime en droit, c’est la liberté individuelle. On a le droit de ne pas vouloir faire la bise à quelqu’un, même si cela peut être vexant par ailleurs. L’Etat n’a pas à statuer là-dessus, sinon on rentre dans le polissage des comportements et le contrôle des corps.
Oui, mais c’est un problème managérial, pas théologique. Ce n’est pas au ministre de l’Intérieur de définir ce qu’est la bonne interprétation du culte ou non, si ce n’est à faire de lui le grand Mufti de France.
Pour vous, le fait de ne pas saluer une femme au travail n’est pas un signe “inquiétant”?
Ce qui prime en droit, c’est la liberté individuelle. On a le droit de ne pas vouloir faire la bise à quelqu’un, même si cela peut être vexant par ailleurs. L’Etat n’a pas à statuer là-dessus, sinon on rentre dans le polissage des comportements et le contrôle des corps.
On est en train d’inciter à la discrimination.
“Un changement de comportement dans l’entourage”?
Qu’est-ce que ça veut dire? Quelqu’un qui est rupture familiale serait suspecté d’emblée? Parmi les convertis, beaucoup sont rejetés par leur famille. Est-ce un indicateur de radicalité alors qu’ils sont eux-mêmes victimes de l’exclusion de la part de leurs familles? Tout ça n’a pas de sens.
On sort de l’État de droit. On plonge les gens dans une insécurité juridique. Qui fixe quels critères qui doivent être retenus pour dénoncer une personne, quel seuil de religiosité doit être atteint? On est en train d’inciter à la discrimination de milliers de Français de confession musulmane. C’est très dangereux: on met des coups de canif dans les libertés fondamentales et l’unité nationale.
“Porter le voile intégral pour une fonctionnaire en dehors du travail”?
C’est un exemple absurde. Le voile intégral est interdit depuis 2010. Une femme qui a une pratique orthodoxe de la religion et qui pense qu’il faut se couvrir le visage accepterait-elle de ne pas porter un foulard pendant huit heures par jour? Si c’est le cas, ça veut dire qu’elle respecte les lois de la République. Sinon, elle ne pourra tout simplement pas être fonctionnaire.
Dire “Charlie c’est bien fait”?
Là, c’est déjà quelque chose qui tombe sous le coup de la loi. C’est de l’apologie du terrorisme. Effectivement, au moment des attentats de 2015, des personnes ont dit qu’elles n’étaient pas solidaires. Qu’est-ce qui fait qu’elles ont dit ça? Il y a un dialogue à ouvrir. Quand on est dans le signalement, on est déjà dans la sanction, ce qui va renforcer le sentiment de persécution. Il vaut mieux engager une discussion, chercher des réponses.
Qu’est-ce que ça veut dire? Quelqu’un qui est rupture familiale serait suspecté d’emblée? Parmi les convertis, beaucoup sont rejetés par leur famille. Est-ce un indicateur de radicalité alors qu’ils sont eux-mêmes victimes de l’exclusion de la part de leurs familles? Tout ça n’a pas de sens.
On sort de l’État de droit. On plonge les gens dans une insécurité juridique. Qui fixe quels critères qui doivent être retenus pour dénoncer une personne, quel seuil de religiosité doit être atteint? On est en train d’inciter à la discrimination de milliers de Français de confession musulmane. C’est très dangereux: on met des coups de canif dans les libertés fondamentales et l’unité nationale.
“Porter le voile intégral pour une fonctionnaire en dehors du travail”?
C’est un exemple absurde. Le voile intégral est interdit depuis 2010. Une femme qui a une pratique orthodoxe de la religion et qui pense qu’il faut se couvrir le visage accepterait-elle de ne pas porter un foulard pendant huit heures par jour? Si c’est le cas, ça veut dire qu’elle respecte les lois de la République. Sinon, elle ne pourra tout simplement pas être fonctionnaire.
Dire “Charlie c’est bien fait”?
Là, c’est déjà quelque chose qui tombe sous le coup de la loi. C’est de l’apologie du terrorisme. Effectivement, au moment des attentats de 2015, des personnes ont dit qu’elles n’étaient pas solidaires. Qu’est-ce qui fait qu’elles ont dit ça? Il y a un dialogue à ouvrir. Quand on est dans le signalement, on est déjà dans la sanction, ce qui va renforcer le sentiment de persécution. Il vaut mieux engager une discussion, chercher des réponses.
“Ce type de mesures et de discours renforcent le terrorisme”Fatima Khemilat
Que pensez-vous des propos d’Emmanuel Macron qui appelle à une “société de vigilance” et à combattre “l’hydre islamiste”?
J’appelle ça la société de délation. C’est extrêmement dangereux quand une partie de la population, la majorité, est incitée à scruter, jauger et dénoncer une minorité, d’autant plus quand elle a le soutien de l’État. Emmanuel Macron parlait de “l’hydre islamiste”, ce monstre de la mythologie a plusieurs têtes qui se régénèrent doublement à chaque fois que l’on lui coupe l’une d’elles.
Si on devait filer la métaphore, je dirais que c’est exactement ça, en prétendant combattre la bête immonde du terrorisme à l’aide d’amalgames, à chaque fois que les autorités publiques pensent stopper une personne radicalisée, elles participent à en créer deux autres. Nous n’affaiblissons pas le terrorisme par ce type de mesures et de discours, nous le renforçons.
Quand on prend l’attaque de la préfecture de police de Paris, on peut se dire que les propos de l’assaillant sur Charlie Hebdo auraient pu être un indice et donc être signalés...
Il y a eu une faille dans la sécurité, comme l’a reconnu lui-même le ministre de l’Intérieur. Ce qui est dangereux, c’est d’utiliser ce terme de “radicalisation” qui est galvaudé. C’est une catégorie d’État sur laquelle on ne s’interroge plus. Avant on parlait de djihadisme, car l’ennemi allait à l’étranger, maintenant qu’il est à “l’intérieur” on parle de radicalité. Ça ne veut plus rien dire, d’autant qu’au vu des nouveaux critères, tout musulman pratiquant est un radicalisé potentiel. Pour le ministre de l’Intérieur, un bon musulman est un musulman qui ne l’est plus du tout.
Quelle est la frontière entre salafisme et djihadisme?
Un salafiste n’appelle pas forcément à la violence, là encore le problème c’est l’ignorance et les amalgames. On fait comme si salafisme, orthodoxie et djihad étaient des synonymes. On n’a pas cessé de déplacer le curseur jusqu’à confondre indicateurs de religiosité et signes de radicalité.
Selon vous, comment détecter une personne qui s’apprête à commettre un attentat terroriste islamiste?
L’appel à la violence et le fait de commettre des violences. C’est là qu’on bascule. S’il y a des signes d’intention de passage à l’acte, là, oui, évidemment ça tombe sous le coup de la loi.
Que pensez-vous du hashtag #SignaleUnMusulman?
C’est tout à fait ça. On n’appelle plus à signaler un appel à la violence ou des actes criminels, mais des pratiques religieuses jugées trop orthodoxes. Et encore, chacun interprète cela comme il le veut, puisque Mohamed qui porte une barbe n’est peut-être même pas religieux. On se met à traquer les comportements de “musulmans d’apparence”, comme disait Nicolas Sarkozy. On bascule ainsi dans la racialisation de la religion, et là, c’est du racisme.
J’appelle ça la société de délation. C’est extrêmement dangereux quand une partie de la population, la majorité, est incitée à scruter, jauger et dénoncer une minorité, d’autant plus quand elle a le soutien de l’État. Emmanuel Macron parlait de “l’hydre islamiste”, ce monstre de la mythologie a plusieurs têtes qui se régénèrent doublement à chaque fois que l’on lui coupe l’une d’elles.
Si on devait filer la métaphore, je dirais que c’est exactement ça, en prétendant combattre la bête immonde du terrorisme à l’aide d’amalgames, à chaque fois que les autorités publiques pensent stopper une personne radicalisée, elles participent à en créer deux autres. Nous n’affaiblissons pas le terrorisme par ce type de mesures et de discours, nous le renforçons.
Quand on prend l’attaque de la préfecture de police de Paris, on peut se dire que les propos de l’assaillant sur Charlie Hebdo auraient pu être un indice et donc être signalés...
Il y a eu une faille dans la sécurité, comme l’a reconnu lui-même le ministre de l’Intérieur. Ce qui est dangereux, c’est d’utiliser ce terme de “radicalisation” qui est galvaudé. C’est une catégorie d’État sur laquelle on ne s’interroge plus. Avant on parlait de djihadisme, car l’ennemi allait à l’étranger, maintenant qu’il est à “l’intérieur” on parle de radicalité. Ça ne veut plus rien dire, d’autant qu’au vu des nouveaux critères, tout musulman pratiquant est un radicalisé potentiel. Pour le ministre de l’Intérieur, un bon musulman est un musulman qui ne l’est plus du tout.
Quelle est la frontière entre salafisme et djihadisme?
Un salafiste n’appelle pas forcément à la violence, là encore le problème c’est l’ignorance et les amalgames. On fait comme si salafisme, orthodoxie et djihad étaient des synonymes. On n’a pas cessé de déplacer le curseur jusqu’à confondre indicateurs de religiosité et signes de radicalité.
Selon vous, comment détecter une personne qui s’apprête à commettre un attentat terroriste islamiste?
L’appel à la violence et le fait de commettre des violences. C’est là qu’on bascule. S’il y a des signes d’intention de passage à l’acte, là, oui, évidemment ça tombe sous le coup de la loi.
Que pensez-vous du hashtag #SignaleUnMusulman?
C’est tout à fait ça. On n’appelle plus à signaler un appel à la violence ou des actes criminels, mais des pratiques religieuses jugées trop orthodoxes. Et encore, chacun interprète cela comme il le veut, puisque Mohamed qui porte une barbe n’est peut-être même pas religieux. On se met à traquer les comportements de “musulmans d’apparence”, comme disait Nicolas Sarkozy. On bascule ainsi dans la racialisation de la religion, et là, c’est du racisme.
Le gouvernement a la responsabilité de protéger ses citoyens et le devoir moral de ne pas stigmatiser une partie de sa populationFatima Khemilat
Christophe
Castaner dit que ce n’est pas de la délation mais de la
“responsabilité” et qu’il faut ouvrir les yeux collectivement sur le
danger d’un islam politique. Qu’en pensez-vous?
Evidemment qu’il y a toujours une responsabilité collective. Mais c’est à la police et aux renseignements de faire leur travail. Les citoyens n’ont pas de délégation de pouvoir de police. La responsabilité est gouvernementale. Il y a eu des refontes profondes des services de renseignements dont on est en train de payer les frais. Le gouvernement a la responsabilité de protéger ses citoyens et le devoir moral de ne pas stigmatiser une partie de sa population. Il ne faut pas tomber dans la psychose et assurer l’unité du pays au lieu de réactiver le clivage “eux et nous”.
Que voulez-vous dire?
C’est la double peine pour les musulmans: ils sont victimes du terrorisme comme n’importe quel citoyen, mais en plus, ils subissent la stigmatisation de la part de leur gouvernement. La première victime de l’attentat de Nice est une mère de famille musulmane voilée. Ahmed Merabet, le policier qui est mort dans l’attentat de Charlie Hebdo était musulman. Il ne s’en cachait pas. S’il était encore en service aujourd’hui, est-ce qu’on le suspecterait d’être un terroriste?
A voir également sur Le HuffPost:
Evidemment qu’il y a toujours une responsabilité collective. Mais c’est à la police et aux renseignements de faire leur travail. Les citoyens n’ont pas de délégation de pouvoir de police. La responsabilité est gouvernementale. Il y a eu des refontes profondes des services de renseignements dont on est en train de payer les frais. Le gouvernement a la responsabilité de protéger ses citoyens et le devoir moral de ne pas stigmatiser une partie de sa population. Il ne faut pas tomber dans la psychose et assurer l’unité du pays au lieu de réactiver le clivage “eux et nous”.
Que voulez-vous dire?
C’est la double peine pour les musulmans: ils sont victimes du terrorisme comme n’importe quel citoyen, mais en plus, ils subissent la stigmatisation de la part de leur gouvernement. La première victime de l’attentat de Nice est une mère de famille musulmane voilée. Ahmed Merabet, le policier qui est mort dans l’attentat de Charlie Hebdo était musulman. Il ne s’en cachait pas. S’il était encore en service aujourd’hui, est-ce qu’on le suspecterait d’être un terroriste?
A voir également sur Le HuffPost:
https://www.huffingtonpost.fr/entry/signes-radicalisation-entretien_fr_5d9f30f0e4b02c9da045909f
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