09/06/2019

2017-2019: y a-t-il eu une droitisation du macronisme?


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de mai 2017 Présidentielle à mai 2019 Européennes Loiseau Bellamy
ÉTUDES POLITIQUES - La moitié des électeurs de la liste Loiseau se disent de droite, contre un quart des électeurs de Macron il y a deux ans, souligne une note de l’institut OpinionWay.
Un an après son élection, une analyse détaillée de la popularité d’Emmanuel Macron soulignait que la structure du soutien au président continuait d’être ancrée à gauche, même si l’on assistait à un léger rééquilibrage (nos éditions du 27 juin 2018). Nous rappelions cependant qu’il faudrait attendre les élections européennes de mai 2019 pour juger plus précisément de l’évolution de la structure électorale du «macronisme». Bien que les scrutins présidentiels et européens soient de nature très différente, le vote du 26 mai dernier nous permet effectivement de constater une profonde transformation politique du vote pour le parti au pouvoir.

● Plus d’électeurs de Sarkozy que de Hollande pour LREM

En captant 32 % des électeurs de François Fillon ayant voté lors de ces élections européennes et en perdant 28 % de ses propres électeurs de 2017 ayant participé au scrutin au profit de listes de gauche (dont 15 % vers les écologistes et 10 % vers le PS), on pouvait s’attendre à une modification sensible du soutien à la majorité. Le premier élément permettant d’en juger est la comparaison entre la composition politique de l’électorat Macron 2017 au premier tour de la présidentielle et de celui de LREM aux européennes. 2017 ayant rendu difficile une lecture gauche-droite en raison même du positionnement d’Emmanuel Macron, revenir aux choix faits par les électorats en 2012 permet de quantifier cette transformation.
Si, en 2017, sur 100 électeurs du président au premier tour, 51,2 % avaient voté à gauche en 2012 (dont plus de 85 % pour la gauche socialiste et François Hollande), contre 20,8 % à droite, ce rapport de force s’est inversé en 2019. Parmi les électeurs de la liste de Nathalie Loiseau le 26 mai dernier, 41,4 % avaient voté à droite en 2012 et seulement 32,4 % à gauche. Il y a également désormais plus d’électeurs ayant choisi Nicolas Sarkozy au premier tour en 2012 dans l’électorat macroniste que d’électeurs ayant choisi François Hollande: 37,8 %, contre 28,9 %.
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Ce phénomène est encore plus spectaculaire si l’on s’intéresse au second tour de 2012. Le vote Macron de 2017 était composé de 62,8 % d’électeurs ayant choisi Hollande, contre 24,9 % seulement Sarkozy. Les électeurs de la liste Loiseau sont en revanche près d’un sur deux (48,7 %) à avoir soutenu Sarkozy, contre seulement 38,2 % Hollande.  
Quand 67 % des électeurs Macron 2017 se considéraient à gauche ou au centre à cette date, ils ne sont plus que 43 % pour les électeurs LREM 2019
Au-delà des choix passés des électeurs, il est intéressant de vérifier si ce résultat est confirmé par la manière dont les électeurs se situent par rapport à ces notions de gauche et de droite. Après tout, les électeurs du «macronisme» ont pu voter dans le passé pour des candidats de gauche ou de droite car il n’y avait pas d’offre en dehors de ce clivage. Mais l’un des paradoxes - souligné à de maintes reprises - du rapport des électeurs au clivage traditionnel gauche-droite reste que s’ils expriment le sentiment qu’il ne signifie plus grand-chose (80 % des personnes interrogées le 26 mai pensent ainsi), une très large majorité d’entre eux accepte de se positionner dans l’un de ses camps lorsqu’on leur propose une échelle gauche-droite.
C’est aussi le cas des électeurs d’Emmanuel Macron: en 2017, au premier tour, seuls 7 % de ceux qui ont voté pour lui refusent de se placer sur une telle échelle et même en y ajoutant ceux qui choisissent la note intermédiaire se situant au centre, ils ne sont que 35 % à refuser l’exercice. De ce point de vue, rien n’a changé en 2019 pour l’électorat de la liste Loiseau: 30 % ne choisissent ni la gauche ni la droite lorsqu’on leur propose de s’autopositionner politiquement. En revanche, là encore, l’équilibre apparaît profondément modifié: quand 67 % des électeurs Macron 2017 se considéraient à gauche ou au centre à cette date, ils ne sont plus que 43 % pour les électeurs LREM 2019. Dans le même temps, ceux qui se jugent à droite sont passés de 26 % dans l’électorat du candidat En marche! au premier tour de la présidentielle 2017 à 51 % dans celui de la liste Loiseau aux européennes.

● Un libéralisme économique plus prononcé en 2019

Le macronisme a souvent été décrit comme une idéologie tant libérale sur les enjeux économiques que sur les questions sociétales. Mais qu’en est-il de son électorat et quelles sont les évolutions notables de 2017 à 2019? Sur le rapport à l’économie, la réalité est un peu plus complexe que cela. Certes, 72 % des électeurs du président élu en 2017 souhaitent, pour faire face à la crise économique, que l’État fasse confiance aux entreprises et leur donne plus de liberté, contre 27 % voulant, au contraire, qu’il les contrôle et les réglemente plus étroitement. Mais le taux d’adhésion limité à des mesures clivantes comme la suppression complète des 35 heures (33 %), le recul de l’âge de la retraite à 65 ans (43 %) ou le fait de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite (46 %) conduit à nuancer le constat d’un électorat Macron libéral économiquement.
Avec la modification de la composition politique constatée, ce sont aussi les valeurs économiques des électeurs de la majorité qui ont sensiblement évolué. 72 % des électeurs de LREM le 26 mai soutiennent l’idée de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite (+ 26 points depuis 2017), 63 % sont favorables au recul de l’âge de la retraite à 65 ans (+ 20 points) et 54 % à la suppression complète des 35 heures (+ 21 points). Parler de libéralisme économique pour qualifier l’électorat macroniste correspond donc bien plus à la réalité en 2019 qu’en 2017.

● Une évolution sociétale moins forte

Sur les questions sociétales, parler de «libéralisme» de l’électorat d’Emmanuel Macron en 2017 est un résumé un peu rapide. 64 % de ses électeurs sont favorables à la suppression des allocations familiales aux familles des mineurs délinquants, 58 % opposés à la dépénalisation du cannabis et 52 % partagent l’idée que l’islam est une menace pour l’Occident. Toutefois, sur un sujet aussi sensible que le droit de vote des immigrés pour les élections municipales, 52 % y étaient favorables quand seuls 36 % des Français faisaient de même. Et 70 % soutenaient le droit à l’adoption des couples homosexuels, contre 56 % des Français.
Contrairement à ce que l’on constate sur les questions économiques, l’électorat de la majorité aux européennes n’évolue pas vers davantage de libéralisme sur les enjeux sociétaux. Le soutien dans cet électorat à la suppression des allocations familiales aux familles des mineurs délinquants augmente de 8 points (72 %), l’opposition à la dépénalisation du cannabis de 3 points (61 %), l’idée que l’islam est une menace pour l’Occident progresse de 6 points (58 %) et une majorité refuse désormais la mise en place du droit de vote des immigrés pour les élections municipales (52 %, + 5 points).
83 % des électeurs Fillon ayant voté pour la liste Loiseau ne soutiennent pas du tout le mouvement des «gilets jaunes», contre 51 % de ceux ayant voté pour la liste Bellamy

● Le rôle du regard sur les «gilets jaunes»

Comment expliquer le ralliement massif d’un tiers de l’électorat de François Fillon à la liste Loiseau dans ce scrutin? Sur les valeurs économiques, on constate très peu de différences entre les électeurs Fillon ayant rejoint LREM pour cette élection et ceux qui sont restés fidèles à LR. Sur les questions sociétales, les différences ne sont pas majeures non plus. Les premiers sont un peu plus favorables au droit de vote des immigrés aux municipales que les seconds mais y demeurent massivement opposés (69 %). Il n’y a par ailleurs guère de différence entre ces électorats sur la dépénalisation du cannabis, le droit pour les couples homosexuels d’adopter un enfant ou la suppression des allocations familiales aux familles des mineurs délinquants.
En revanche, sur le rapport au mouvement des «gilets jaunes», la fracture est réelle. 83 % des électeurs Fillon ayant voté pour la liste Loiseau ne soutiennent pas du tout le mouvement, contre 51 % de ceux ayant voté pour la liste Bellamy. Face aux deux revendications emblématiques des «gilets jaunes» - le rétablissement de l’ISF et l’instauration du RIC (référendum d’initiative citoyenne) -, les électeurs Fillon-Loiseau se révèlent bien plus réfractaires (79 % et 82 %) que les électeurs Fillon-Bellamy (60 % et 62 %). Ils y sont même davantage opposés que l’ensemble des électeurs de la liste LREM. Comme si le soutien à la liste de la majorité provenait avant tout de l’exaspération d’une partie de la droite à l’égard de ce mouvement inédit.
(1) Auteur de «La Présidence anormale.Aux racines de l’élection d’Emmanuel Macron», Éditions Cent Mille Millards-Descartes & Cie, 2018.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 05/06/2019. Accédez à sa version PDF en cliquant ici

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