Le déclin industriel français ne date pas d'hier. Les années 90 s’ouvrent sur une chute brutale de la production manufacturière : -12,5% entre le 1er trimestre 90 et le 4ème trimestre 93. L’économie française comme celles des autres pays avancés tombe en récession. Récession amplifiée, en France, par le durcissement de la politique monétaire : les taux d’intérêt flambent et les entreprises comme les ménages doivent se désendetter d’urgence. Cela met à terre la construction, un débouché majeur de l’industrie, ce qui accentue sa chute.
Une descente aux enfers en dents de scie
Cette descente aux enfers va prendre fin début 1994. En moins d’un an, la moitié du chemin perdu est récupérée, et à l’été 95, le niveau de la production n’est plus qu’à 6% seulement de son dernier pic.
Mais l’élan va vite être brisé après les dévaluations en série du Royaume-Uni, de l’Italie, de l’Espagne qui vont provoquer une perte de compétitivité brutale et laminer des pans entiers de l’industrie française, notamment dans les biens de consommation : le textile-habillement, le cuir, la chaussure, l’électroménager. De plus, le tour de vis budgétaire du gouvernement Juppé, avec notamment la majoration de 2 points de la TVA, va casser la consommation des ménages. Une politique de rigueur qui s’inscrit dans la perspective de la mise en place de l’euro.
Mais l’industrie redécolle début 1997, soutenue par l’embellie de la demande extérieure et la chute des prix des matières premières et du pétrole. Va suivre la période de la « nouvelle économie ». La production manufacturière atteint son apogée, aidée par la faiblesse de l’euro qui tombe à 0,82 dollar en octobre 2000, et par une Allemagne qui paie au prix fort sa réunification et son entrée dans la monnaie unique à 2 deutsche marks pour 1 euro.
Le choix politique majeur de soutenir la consommation et l'immobilier
Cette période euphorique porte pourtant les germes d’un nouveau décrochage de l’industrie française. Certes, il y a un effet statistique avec l’externalisation des activités de services, qui sont massivement confiées à des sociétés sous-traitantes. Mais il y a surtout le choix politique majeur de stimuler la consommation et l'immobilier, quitte à se désintéresser de l’industrie et ses usines. Le fabless, c'est-à-dire l’industrie sans usine, est alors en vogue dans les esprits. Il y a aussi la montée des émergents à laquelle on n’est pas très attentif.
Le révélateur vient avec l'éclatement de la bulle internet en 2001. La production recule de 7,5% entre début 2001 et la mi-2003. Cette crise marque un vrai tournant. Les événements vont s’enchaîner avec l’entrée de la Chine dans l’OMC fin 2001, l’accélération de la mondialisation qui pousse les multinationales françaises à délocaliser, et la perte de contrôle de Pechiney en juillet 2003. Preuve que toute une filière, même en bonne santé, peut tomber sous l’effet de la prise de contrôle par un groupe étranger.
Le vrai révélateur, c’est notre incapacité à remonter la pente
La remontée entre 2004 et 2007 n’est qu’un sursis, tant les fondements de la compétitivité sont sapés en profondeur. Et en vérité, ce n’est pas l’effondrement de 17,5% de la production lors du krach de 2008-2009 qui constitue le révélateur de notre faiblesse industrielle. Tous les grands pays, même la Chine, même l’Allemagne, sont pris dans la même spirale. Non, le bon révélateur de notre faiblesse industrielle, c’est notre incapacité à réellement remonter la pente depuis.
Bien entendu, l’affaissement des demandes domestiques à la suite des cures d’austérités en France, et plus encore en Italie et en Espagne, deux débouchés importants de nos industriels à l’export, ont compliqué la tâche. Mais ni le CICE en janvier 2013, ni l’ensemble des mesures pro-offre inclues dans le pacte de responsabilité et de solidarité, n’ont permis de redorer le blason de l’industrie française depuis.
Résultat, en 2017, le niveau de production de l’industrie manufacturière française est inférieur de 13% à son pic de la fin 2000. Pire, il est inférieur de 12% à celui du début des années 90, il y près de 30 ans ! Il a fallu tout ce temps pour que l’on prenne conscience de l’exigence d’une politique de l’offre.
Le Graphique, 25 ans de déclin industriel de la France, une vidéo Xerfi Canal.
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