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Une époque pas du tout formidable : les 5 graphiques qui montrent que les 81% des Français qui pensent que leur niveau de vie a baissé sont loin de se faire des idées fausses
Le 30 mars dernier, Ipsos Sopra Steria publiait un sondage relatant le sentiment des Français concernant leur pouvoir d'achat : "81% des Français estiment que leur pouvoir d’achat a baissé au cours des dernières années,
dont 45% qui estiment qu’il a beaucoup baissé. Ce sentiment est
majoritaire au sein de toutes les catégories de population, et
particulièrement fort chez les retraités (88%). Il touche toutes les
catégories de revenus et toutes les sensibilités politiques (82% des
sympathisants de gauche et 85% des sympathisants de droite)." La
perception du "ça va mieux" ne s'est donc pas propagée à la population,
mais la question consiste à vérifier si cette "estimation" au doigt levé
correspond à une réalité, ou si, comme cela est souvent affirmé, les
Français sont de pénibles pessimistes.
Selon les
données fournies par l'Insee relatant le niveau de vie des Français, en
fonction des différentes catégories de revenus, il apparaît que le
défaitisme traduit une réalité. Depuis la survenance de la crise
de 2008, le niveau de vie de l'ensemble des déciles est à la baisse, la
palme allant aux plus pauvres d'entre eux, puisque ces derniers ont vu
leur niveau de vie baisser de près de 9% au cours de cette période. La
baisse du niveau de vie des deux déciles supérieurs étant principalement
la conséquence de la hausse de la fiscalité du début du quinquennat
Hollande.
Le résultat global, c'est que le niveau de vie a
baissé pour tous, mais plutôt plus pour les pauvres et plutôt moins pour
les autres.
Évolution des niveaux de vie moyens par décile. France. 2008-2014. Source Insee
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Et
si l'évolution du niveau de vie des Français a été aussi médiocre au
cours de ces dernières années, la cause est évidente ; c'est
l'incapacité de l'économie française à retrouver la croissance pendant
ces huit dernières années qui a totalement transformé le profil
économique du pays. Alors que le PIB par habitant progressait
sur un rythme honorable d'environ 1.7% par an entre 1982 et 2008, il a
parfaitement stagné depuis lors :
PIB par habitant. 1982-2015 comparé au PIB par habitant sur la base de la tendance 1982-2008.
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Et l'écart entre le PIB par habitant actuel et celui que les Français auraient pu "attendre" en 2016, c’est-à-dire en suivant le rythme de progression qu'il avait connu au cours des vingt-cinq années qui séparent 1982 et 2007, atteint aujourd'hui 15%.
Chaque Français "théorique" moyen aurait pu être 15% plus riche qu'il
ne l'est aujourd'hui si le tendance précédente s'était maintenue.
Pour
se faire une idée du traumatisme, c’est-à-dire du décalage existant
entre ce que la population française avait pu vivre avant la crise et ce
qu'elle a connu après, il suffit de prendre en considération les
évolutions du PIB sur longue période. En l'occurence, sur une période de
huit ans, pour mettre en exergue le choc de ces dernières années.
Croissance du PIB en volume sur périodes de 8 années 1983-2016. En %. et moyenne constatée entre 1983 et 2008 (noir)
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Pour
les 100 trimestres compris entre le début de l'année 1983 et la fin de
l'année 2007, le PIB a progressé, en moyenne, de 21.60% par périodes de
huit ans. Depuis 2008, cette moyenne a été plus que divisée par deux,
pour aller jusqu'à s'effondrer à 4.47% à la fin de l'année 2016, soit
une division par 5 du taux de croissance sur la période 2008-2016. Il ne
s'agit donc pas uniquement d'une érosion progressive sur les trente
dernières années, mais bien d'une démolition totale sur une
période courte, conséquence intégrale de la crise de 2008, et de
l'incapacité, française comme européenne, de trouver une issue à cette
crise. Il s'agit d'une transformation profonde et radicale de
l'économie du pays. Les discours politiques semblent encore être
construits sur une forme de continuité depuis plusieurs décennies, comme
si les problèmes constatés il y a dix ans pouvaient encore être
comparés à ceux de la France actuelle. Mais ils ratent alors
l'essentiel. La crise de 2008 a véritablement démoli la croissance du
pays. La fracture est franche, nette, c'est un nouveau monde qui est
apparu.
Si
plus de 80% des Français estiment que leur pouvoir d'achat a baissé au
cours de ces dernières années, ce n'est pas en raison d'un prétendu
pessimisme congénital de la population, mais bien parce que la crise de
2008 a totalement écrasé l'économie française.
Destruction massive
Il
est encore possible de se référer à l'évolution du revenu disponible
brut (ce que les Français perçoivent), en euros courants (c’est-à-dire
en incluant l'inflation), toujours sur une période totale de 8 ans.
Entre l'année 1999 (naissance de l'euro) et l'année 2008, la croissance
du revenu progressait de plus en plus vite, passant de 32% à 45%
(toujours en incluant la hausse des prix et en prenant en compte 8
années d'évolution), et soudainement, cette tendance favorable s'est
brisée, pour en arriver à voir la progression du revenu disponible total
rapidement s'écraser à son niveau actuel. Cette croissance a été
divisée par 3 en 8 années.
Évolution en % du Revenu Disponible brut, sur 8 ans (données trimestrielles) INSEE.
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Et
entre la stagnation du PIB par habitant et la baisse des niveaux de
vie, il n'y avait évidemment pas grand-chose à espérer sur le front de
la pauvreté. Depuis 2008, le nombre de pauvres à 50% du revenu
médian (qui progresse pourtant de moins en moins vite) a augmenté de
plus de 18%, pour atteindre plus de 5 millions de personnes.
Nombre de pauvres à 50% du revenu médian. France. INSEE.
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Alors
évidemment, il faut trouver une raison, une cause à ce déclin. Mais là
encore, les responsables politiques ne font que ressortir des tiroirs
les éternelles recettes datant d'avant crise, c’est-à-dire totalement
hors de propos avec un fait pourtant totalement nouveau, et d'une
profondeur sans précédent. Pour trouver cette réponse, il est par
exemple possible de se référer à la recherche économique, et notamment à
un rapport datant de juin 2016, intitulé Les origines monétaires de la crise de la zone euro publié pour le Mercatus Center de la George Mason University, par le professeur d'économie David Beckworth :
"La crise de la zone euro représente l'une des plus grandes tragédies économiques du siècle passé. Cela
a causé des souffrances humaines immenses, qui se poursuivent à ce
jour. La vue standard attribue la crise à une accumulation plus ancienne
de dettes publiques et privées qui a été augmentée par l'imposition de
l'austérité pendant la crise. Bien que des preuves existent d'une
relation entre (a) l'accumulation de la dette et les mesures d'austérité
et (b) la croissance économique pendant la crise, cette même preuve,
lors d'un examen plus approfondi, pointe la responsabilité de la
politique monétaire de la zone euro comme le véritable coupable du
déclin marqué de l'activité économique. En particulier, il
semble que le resserrement de la politique monétaire de la BCE en 2008,
puis une nouvelle fois en 2010-2011, a non seulement provoqué deux
récessions, mais a aussi provoqué la crise de la dette souveraine – ce
qui a donné naissance aux programmes d'austérité. Ces résultats
indiquent la nécessité d'un nouveau régime de politique monétaire dans
la zone euro"
Ce qui veut dire
qu'apparemment, entre les candidats qui veulent sortir de la zone euro,
tout remettre en cause, et ceux qui ne veulent rien y changer, tout le
monde a bien l'air d'être complètement à côté de la plaque.
Nicolas Goetzmann
Nicolas Goetzmann est responsable du pôle Economie pour Atlantico.fr.
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