19/10/2016

Nicolas Sarkozy pris au piège de la primaire

Nicolas               Sarkozy en meeting à Paris, le 9 octobre.L’ancien président de la République paie l’ambiguïté du scrutin : alors qu’il ne concerne en principe que les électeurs de la droite, il s’adresse pourtant à tous les Français.

Sur le papier, c’était imperdable : une campagne en quatre temps, construite en autant de cercles concentriques. D’abord, s’adresser au noyau dur de la droite, puis élargir au centre, ensuite parler aux Français et enfin les rassembler aussi largement que possible.


C’était tellement logique, tellement mathématique : les deux tours de la primaire s’ajoutant aux deux tours de la présidentielle, il fallait simplement adapter à la marge la vieille règle électorale qui veut qu’au premier tour on parle à son camp et au second on élargit.

Seulement voilà, rien ne marche comme prévu. A cinq semaines du premier tour de la primaire, Nicolas Sarkozy n’est pas le favori. Pire, il perd des points par rapport à Alain Juppé, son principal concurrent. En dépit d’une entrée en campagne fracassante sur des thèmes qui épousaient parfaitement la demande de ses troupes – l’identité et l’immigration –, l’ancien chef de l’Etat n’est pas parvenu à « faire le blast » ni à planter là son ancien ministre des affaires étrangères.

Alain Juppé et Emmanuel Macron continuent de grimper dans les sondages 

Il est à la peine dans les sondages, ce qui veut dire beaucoup et rien à la fois. Rien parce que, en réalité personne ne sait combien de votants se déplaceront à la primaire de la droite : si seuls les sympathisants du parti Les Républicains (LR) issus du noyau dur décident de mettre un bulletin dans l’urne, Nicolas Sarkozy peut encore gagner. Et pourtant, les sondages le desservent parce qu’ils contribuent à créer une ambiance, à façonner une image, à construire une dynamique qui finit par servir le mieux placé et à handicaper les autres.

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C’est toute l’ambiguïté des primaires auxquelles l’ancien président de la République ne s’est rallié qu’avec une extrême réserve et sans en appréhender toute la diablerie : l’exercice ne concerne en principe qu’une partie du corps électoral, en l’occurrence les électeurs de la droite. Il s’adresse pourtant à tous les Français qui, par médias interposés, commencent à jauger les concurrents en rêvant de pousser untel ou d’éliminer tel autre selon l’idée qu’ils se font de ce que doit être l’exercice de la fonction présidentielle.

Du coup, les vieilles règles du jeu deviennent obsolètes. La prime ne va pas à celui qui colle le plus à son camp, mais à celui qui semble le plus apte à rassembler. François Hollande avait bénéficié de cet effet en 2011 dans son match contre Martine Aubry.

Recomposition politique

Alain Juppé en profite aussi, et dans des proportions encore plus importantes parce que, après le double échec des quinquennats Sarkozy et Hollande, il y a une forte envie de recomposition politique qui sert ses intérêts : lui s’est d’emblée positionné comme rassembleur, calme et optimiste, là où Nicolas Sarkozy s’est cru obligé d’épouser la colère de ses troupes, au risque de se caricaturer.
Et cela paie car, sans élever la voix, l’ancien premier ministre de Jacques Chirac a déjà réussi à élargir la primaire au centre, lequel s’est presque entièrement rallié à lui. A présent, il tend la main aux déçus du hollandisme, ce qui a pour effet de placer Nicolas Sarkozy dans le rôle peu enviable du comptable défendant son pré carré et refusant toute extension du champ électoral.

Depuis quelques jours, l’ancien président de la République, que l’on a connu plus conquérant, tente de sortir du piège. Le 9 octobre, au Zénith de Paris, il a assuré parler au nom du « peuple » et pas seulement à ses fans. Mardi 18, sur France Inter, il a mis en avant son expérience et a lissé ses aspérités en jurant avoir « appris de ses échecs ». Mais il a beau faire, sa stratégie ne prend pas. Alain Juppé lui bouche l’horizon.

Françoise Fressoz  éditorialiste Le Monde

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