Ce billet est un extrait du JDD du 18/9/2016: entretien avec ...
Vingt-huit pour cent des musulmans de France seraient en rupture avec la société française...
Je retiens d'abord que la majorité des musulmans qui vivent en France s'inscrivent dans les valeurs de la République et que deux tiers d'entre eux pensent que la laïcité permet de vivre librement sa religion. Par ailleurs, il faut être prudent sur les chiffres, même s'ils indiquent clairement des ordres de grandeur. Ces 28 %adhèrent à l'islam dans sa version la plus rétrograde, qui est devenue pour eux une forme d'identité. L'islam est le support de leur révolte. Et cette révolte s'incarne dans un islam de rupture, sur fond de théorie du complot et d'antisémitisme.
Pourquoi prendre la responsabilité de diffuser ces chiffres?
Avec l'institut Montaigne, nous avons beaucoup réfléchi. Certains voudront instrumentaliser ce travail. Mais «savoir; c'est pouvoir » rappelait Renan et il faut améliorer la situation. Que nous dit l'enquête? Que ces « musulmans de rupture » ne font pas sécession « pour » la religion qu'ils connaissent très mal. mais « par » la religion. Ces « autoritaires » ou « rigoristes » sont particulièrement nombreux chez les jeunes, parmi les inactifs et les non-diplômés. Ils souffrent aussi d'un « déni de francité » : quand on a quatre ou cinq fois moins de chance de décrocher un emploi avec un prénom musulman que catholique, allez parler de la République et de l'égalité.
Les justifications victimaires n'ont plus la cote. Le repli religieux est mondial...
Les musulmans de France vivent au coeur de multiples crises. La Syrie, bien sûr, qui ébranle les esprits. Mais aussi les transformations des sociétés arabes où les femmes prennent une place nouvelle: les étudiantes sont plus nombreuses que les étudiants, les filles mieux éduquées que leur père. La religion dans sa version autoritaire est aussi une arme de la réaction contre cette évolution. En France, les musulmans subissent le choc de l'acculturation avec une école ghettoïsée qui peine à transmettre les valeurs républicaines. Et puis, il y a enfin la crise sociale: les musulmans, pour les deux tiers enfants d'ouvriers et d'employés, sont les premières victimes de la désindustrialisation. Mais, il y a aussi de l'espoir: la preuve, la classe moyenne qui s'en sort (32 % ont un diplôme supérieur à bac + 2) et l'élite qui pointe son nez.
Soixante pour cent des musulmans estiment que les collégiennes et les lycéennes devraient pouvoir porter le foulard. Un échec pour la loi?
Non, car la loi est respectée. Mais, on est au coeur de l'« islarnic Aride » qui s'inscrit dans un phénomène là aussi très français: l'individualisation des rapports sociaux, que décrit Marcel Gauchet. On existe par ce qui nous différencie des autres. Et le voile - encore une victoire idéologique des islamistes - est perçu par beaucoup de musulmans comme un signe d'appartenance, tout comme le halai: 40 % sont convaincus que cette obligation alimentaire est un des cinq piliers de l'islam. Ce qui est évidemment faux.
Que nous dit le sondage des 46 % de musulmans «sécularisés »?
Ils ont les préoccupations de tous les Français ! L'emploi, le logement, le diplôme, loin devant les discriminations. D'ailleurs, les musulmans, dans leur ensemble, ne sont pas commit na utaristes. Lorsqu'ils veulent que leurs enfants apprennent l'arabe classique, c'est à l'école de la République. Et 85% d'entre eux ne voteraient pas pour un candidat seulement parce qu'il serait musulman.
Formation des imams, organisation du culte... En quoi vos prescriptions sont-elles nouvelles?
Nos propositions s'articulent autour de trois idées simples. Il faut de la connaissance, de l'argent, des hommes - et des femmes! - neufs. Il faut mener une bataille idéologique en facilitant le travail de théologiens et d'islamologues éclairés, susceptibles ensuite de parler aux jeunes. La Fondation, la relance de l'enseignement de l'arabe sont des armes pour la connaissance. Il faut être aussi sur Internet. Le sondage montre que 77 % des « autoritaires » s'informent grâce aux réseaux sociaux et aux prédicateurs du Web. La mosquée est un lieu minoritaire de transmission de la religion. Quand on sait que le site du CFCM [Conseilfiançais du culte musulman] est hors service... Il faut former des imams qui doivent être à la fois de bons théologiens et de bons cornnrunity managers!
La loi de 1905 ne permet pas à l'État de s'engager...
L'argent de la Fondation pour l'islam que promet le gouvernement -5 niillions d'euros - peut alimenter la bataille culturelle. Pour la partie cultuelle, les musulmans doivent s'organiser en travaillant enfin ensemble, loin des querelles des pays d'origine. L'argent du halai que se partagent aujourd'hui quelques entreprises privées et trois mosquées doit revenir autant que possible à l'association cultuelle nationale en cours de création. Cette dernière doit être au service de tous et gérée par des laïcs sans conflits d'intérêts.
Comment rivaliser avec l'argent de l'étranger?
Il faut mettre en commun l'argent venu de pays amis via l'association cultuelle. C'est la meilleure façon d'avoir de la transparence. L'influence wahhabite dont on parle tant arrive en amont - par les médias - et en aval, probablement par l'action sociale. C'est là qu'il faut la combattre.
Vous êtes à l'initiative de cette enquête et de l'appel de 41 personnalités musulmanes ODD du 31 juillet). Vous appartenez aux cercles du pouvoir. Quelle est votre légitimité?
Le travail avec l'institut Montaigne et l'appel des 41 sont deux initiatives parallèles. J'ai créé il v a douze ans le Club XXI(' siècle qui réunit des Français d'origine étrangère qui ont réussi pour montrer que la République fonctionne. La religion en était absente car c'est une affaire privée. Sauf qu'aujourd'hui, on est musulman dans le regard de l'autre. La société a peur. Le radicalisme antimusulman prospère. Je crois que la majorité silencieuse des musulmans doit se mobiliser contre le fondamentalisme religieux et favoriser l'émergence d'un islam spirituel, émancipé de l'islam politique. J'essaie d'y contribuer par ces initiatives. Quant aux politiques, ils ne peuvent se contenter du tout sécuritaire. Ces jeunes sont français. Leur révolte, c'est aussi le signe des crises de notre société.
Source JDD 18/9/2016 PROPOS RECUEILLIS PAR MARIE-CHRISTINE TABET
Les 10 propositions choc de l'Institut Montaigne
En savoir plus: sur l'enquête de l'Institut Montaigne
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