28/09/2015

L’ONU à l’assaut de la pauvreté dans le monde : le libéralisme parviendra-t-il à obtenir d’aussi bons résultats dans les 15 prochaines années que sur les 15 dernières ?

Atlantico : En l'an 2000, les pays de l'ONU définirent au "Sommet du Millénaire" 8 objectifs en matière de développement pour les pays émergents. Extrême pauvreté & faim, éducation primaire, promotion de l'égalité des sexes... Quel bilan peut-on faire précisément ? 

Laurent Chalard : Contrairement à une idée reçue, véhiculée par une tendance catastrophiste très en vogue dans les médias francophones, qui ne parlent que de ce qui ne va pas sur notre planète (guerres, accidents, épidémies…), le niveau de vie de l’être humain est sensiblement meilleur en 2015 qu’à l’aube du XXI° millénaire, quel que soit le critère utilisé, ce qui rend incontestable les progrès accomplis et vient infirmer les prédictions de certains experts, prophètes d’apocalypse. En effet, alors que la planète a connu une croissance démographique soutenue, cette dernière ne s’est pas traduite par un appauvrissement moyen, mais au contraire par une amélioration du niveau de vie généralisée, un résultat plus qu’encourageant, même si les progrès à accomplir demeurent considérables pour que l’ensemble de l’humanité puisse vivre un jour dans la dignité. Les huit objectifs fixés par le Sommet du Millénaire de 2000 ont été largement remplis, ce qui témoigne que le développement économique reste la principale arme pour lutter contre la pauvreté, puisque les progrès les plus importants concernent les pays qui ont connu une croissance de leur PNB sans précédent, tels que la Chine ou l’Inde. La création de richesse, même si elle est source de profondes inégalités, qu’il convient de réduire dans le futur pour éviter les conflits de classe, n’en demeure pas moins le meilleur moyen pour sortir de la misère des centaines de millions d’individus, qui viennent grossir les rangs des classes moyennes aux effectifs très restreints jusqu’ici dans les pays en voie de développement.
Concernant les huit objectifs de l’ONU, la réussite est généralisée, puisque dans aucun d’entre eux, un recul ne s’est constaté, les progrès étant particulièrement impressionnants. La première et la plus importante des réussites concerne la réduction de l’extrême pauvreté, passée de 47 % de la population des pays en développement en 1990 à 14 % en 2015. Parallèlement, la faim, élément fortement liée, a elle aussi reculé sensiblement, aussi bien en volume qu’en pourcentage. Les images des grandes famines, encore courantes dans les années 1970 et 1980 semblent s’éloigner. La pauvreté a tendance à devenir beaucoup plus relative qu’absolue, comme en témoigne la crise migratoire actuelle, avec des immigrés qui se permettent de tourner le dos à certains pays car la qualité de vie ne leur convient pas (cf les irakiens qui repartent de Finlande car il fait trop froid et qu’il n’y a pas d’animation). L’autre grande réussite, concerne l’état sanitaire des êtres humains, en gardant en tête qu’outre l’aisance matérielle, vivre en bonne santé est le principal acquis de notre espèce. Les trois objectifs de l’ONU qui relèvent de ce domaine, la réduction de la mortalité infantile, l’amélioration de santé maternelle et la lutte contre le VIH, ont été largement couronnés de succès, en particulier le premier d’entre eux, facteur primordial pour permettre la baisse de fécondité dans un pays pauvre et donc ralentir la pression démographique, frein au développement économique. En effet, le taux de mortalité infantile a diminué de plus de moitié entre 1990 et 2015, la vaccination généralisée des nourrissons étant l’un des principaux facteurs de progrès dans les pays les plus pauvres, où l’économie demeure atone. De même, la santé maternelle s’est largement améliorée, grâce à l’accompagnement de plus en plus systématiques des femmes enceintes, et la généralisation de l’accès aux rétroviraux a permis de contrer l’inexorable progression de l’épidémie de VIH, avec une baisse des nouveaux cas de 40 % entre 2000 et 2013.
Concernant les trois derniers autres objectifs de l’ONU, le succès est au rendez-vous par rapport aux ambitions affichées, mais des progrès restent à faire. Au niveau de l’éducation, si l’accès à l’éducation primaire est désormais de 91 % des enfants en âge d’être scolarisés en 2015, il reste d’importants gains à envisager concernant l’enseignement secondaire, sans parler du supérieur. Sur le plan écologique, l’objectif "assurer un environnement durable" peut s’enorgueillir de certains succès, concernant l’accès à l’eau potable courante ou l’élimination des substances appauvrissant la couche d’ozone, mais il ne faut pas tomber dans un angélisme béat. Les pollutions industrielles dans les pays émergents apparaissent considérables du fait d’un développement économique pas toujours bien maîtrisé et les taudis des grandes métropoles des pays pauvres ont de beaux jours devant eux. En outre, les données de l’ONU ne tiennent pas compte du maintien de la biodiversité, portant uniquement sur l’être humain. Or, concernant cette dernière, les données sont mauvaises, puisque les biologistes parlent d’une sixième extinction. Enfin, au niveau de l’égalité des sexes, sur le plan de la scolarisation des jeunes filles, les écarts avec les jeunes garçons se sont réduits et le nombre de femmes arrivant à des hautes fonctions augmentent partout, mais les résultats sont très inégaux selon les pays et les évolutions concernant la condition de la femme au sens large (autonomie juridique et économique vis-à-vis de son conjoint ou de son père, choix du conjoint, sexualité…) demeurent particulièrement lentes avec parfois des régressions dans certains pays.

De nombreuses analyses attribuent les réussites du "Sommet du Millénaire" de 2000 à la croissance mondiale, portée par les pays émergents et surtout l'Inde et la Chine. Quel rôle la croissance mondiale a-t-elle jouer dans la réalisation de ces objectifs ?

Pascaline Dupas : La croissance en Inde et en Chine a considérablement réduit le nombre de gens qui vivent sous le seuil de pauvreté extrême, soit un dollar par jour par personne. Mais il y a eu des progrès notoires dans d’autres pays, notamment une baisse de la mortalité infantile et une augmentation des taux de scolarisation en Afrique, et cela malgré des performances souvent décevantes en termes de croissance économique. Les progrès en santé viennent d’efforts ciblés tels que ceux du Global Fund Against TB, HIV and Malaria, ou bien ceux de l’alliance GAVI, et les progrès en scolarisation ont été obtenus grâce à des politiques publiques de subventions à l’éducation.
Un autre élément important que les gens oublient souvent de mentionner est celui des envois de fonds des travailleurs migrants à leurs familles dans les pays en développement. Ces envois de fonds sont l’une des principales sources de ressources extérieures pour les pays en développement, excédant de loin l’aide publique au développement. Ces apports ont énormément contribué à la lutte contre la pauvreté.
Julien Damon : La croissance – c’est-à-dire, il faut être clair, l’enrichissement (qui est, soit-dit en passant, la meilleure voie pour lutter contre la pauvreté) – a joué un rôle absolument majeur. Des géants démographiques, Chine et Inde, mais aussi Brésil, sont devenus des géants économiques. Le nombre de pauvres a considérablement baissé en Asie. Le résultat n’est pas le même pour l’Inde. Mais l’image a avoir à l’esprit est simple. Le premier OMD (objectif du millénaire pour le développement) a été atteint. La proportion de personnes vivant en situation d’extrême pauvreté a été divisée par deux. Mais elle a été divisée par plus de deux dans de grands pays émergents, alors qu’elle n’a baissé que marginalement en Afrique sub-saharienne, là où l’on est, d’une part, loin de l’émergence, et, d’autre part, avec une démographie très dynamique.

Mary-Françoise Renard : Le point le plus important concerne la baisse de la grande pauvreté. Les très bons résultats masquent de profondes disparités et en effet, ils ont été obtenus grâce à la mise en place des réformes en Chine en 1978, particulièrement dans l’agriculture; elles ont permis à 400 millions de travailleurs ruraux de sortir de la grande pauvreté. Cela a bien sûr un lien avec la croissance, mais c’est surtout parce que la productivité du travail a augmenté dans l’agriculture et qu’il y eu un transfert de main d’œuvre de l’agriculture vers l’industrie que cela a été possible.
D’une façon générale, la croissance des pays d’Asie s’est accompagnée d’une augmentation des salaires et d’une amélioration des conditions de vie. Le ralentissement de la croissance chinoise et son impact sur les pays d’Asie, les faibles prévisions de croissance dans les pays développés peuvent faire craindre que l’aide au développement ne diminue ; pourtant l’interdépendance des économies est telle que l’amélioration de la situation des plus pauvres est aussi dans l’intérêt de l’économie des pays riches.

En 2015, les 17 Objectifs pour le développement durable (ODD), qui seront évalués en 2030, prévoient une extension à tous les pays du monde, dont l'Europe et les Etats-Unis. Plusieurs observateurs craignent que certains thèmes comme l'environnement ne monopolise une part trop importante des fonds au regard des autres enjeux, comme la lutte contre l'extrême pauvreté. D'après la liste des 17 ODD (voir ici) et dans ces conditions, certains vous paraissent-ils trop ambitieux ou irréalistes ?

Pascaline Dupas : Il ne faut pas penser que ces 17 objectifs sont en compétition les uns avec les autres en termes de ressources et d’attention – au contraire, il faut s’assurer que les ressources investies soient adéquates. Ce qui peut sembler compliqué c’est que les objectifs peuvent parfois sembler incompatible les uns avec les autres. Par exemple lorsque la pauvreté recule, la consommation de carbone augmente. C’est inévitable. Le jour où tous les pays du monde auront le taux de voitures par habitant des Etats-Unis, la pollution créée par les voitures risque d’être considérable…. Cela ne veut pas dire qu’il faut craindre le développement des pays pauvres. La qualité de l’environnement est un bien collectif qui a un prix, et il faut "payer" les pauvres pour conserver l’environnement. Par exemple, subventionner les voitures électriques en Chine et dans les pays émergents… En effet il n’y a aucune raison que les citoyens de Chine paient à eux tous seuls le cout d’adopter des produits moins dangereux pour l’environnement que ceux que les Français ou Américains ont adoptés au moment de leur croissance. De même, si une famille en Amazonie a besoin de couper des arbres pour pouvoir se nourrir, ou bien si une famille en Tanzanie a besoin de sur-pêcher pour pouvoir payer l’école secondaire a ses enfants, mettre en place une loi qui interdit la déforestation ou la pêche de jeunes poissons revient à faire payer les pauvres pour l’environnement que l’on a nous-mêmes mis à sac sans vergogne. Pour éviter ça, il faut compenser ces familles – s’il est interdit de couper les arbres pour les pauvres d’Amazonie, alors il faut mettre en place des programmes d’allocations pour ces familles, leur payer un logement dans une ville où ils peuvent trouver un travail, etc.
Il est aussi important de garder à l'esprit que les perturbations climatiques auront des effets négatifs principalement dans les pays pauvres : baisse des récoltes, augmentation de la mortalité... Par effet de contraste, la productivité agricole en Amérique du nord et en Europe s'en verra améliorée. Les objectifs environnementaux sont donc très importants : s'ils sont atteints, il sera beaucoup plus facile d'atteindre les ODD de 2045…
En termes de réalisme : l’objectif qui me semble le plus difficile est le 16, qui est d’assurer la paix dans le monde et la garantie que tous les citoyens bénéficient d’institutions efficaces et transparentes. Nous sommes ici un peu dans le wishful thinking car nous n'en savons que très peu sur ce qui peut débloquer les changements institutionnels, et même si c'était le cas il serait difficile de le mettre en place sans dépasser le principe de "non-ingérance"… 
Julien Damon : Je suis très favorable à ces OMD et à ces ODD. Je pense qu’il n’y a rien de mieux pour évaluer et suivre des politiques que de leur fixer des objectifs ambitieux et chiffrés. À défaut on est dans le blabla et l’incantation. J’ai d’ailleurs publié un livre  sur ces objectifs chiffrés contre la pauvreté, dans le monde, dans l’Union européenne et en France (Éliminer la pauvreté, Presses Universitaires de France, 2010).
Certes il n’y avait "que" 8 OMD et 21 cibles associées. Et on va se trouver avec 17 ODD déclinés en 169 objectifs. Tout ceci est souvent critiqué comme de la bureaucratie onusienne, de la pensée magique ou, en anglais, du wishful thinking (on dit aussi do-gooding). La controverse porte sur la dictature des indicateurs et sur la bureaucratisation, soviétiforme presque, des plans de lutte contre la pauvreté. Je crois, de mon côté, à la démocratie des indicateurs. À partir du moment où l’on s’est mis d’accord sur des indicateurs, on les suit. Concrètement, de toutes les manières, il y a toujours un indicateur principal, le premier. Et c’est celui qui a été principalement suivi. Et c’est certainement celui qui sera le plus suivi encore dans les quinze ans qui viennent. Il s’agit de la lutte contre la pauvreté extrême. Parmi nos 17 ODD certains sont purement rhétoriques et sont intégrés pour calmer certains pays et faire joli. Le 17ème, "renforcer le partenariat pour le développement durable", comme l’était le 8ème OMD, est une jolie déclaration, sans grande conséquence. Le 3ème, "promouvoir le bien-être", va enrichir les batteries statistiques, mais ne déséquilibrera pas les financements. Tout ce qui concerne la planète (ODD 13 : lutter contre le changement climatique, ODD 14 : préserver les océans, ODD 15 : prendre soin de la terre) ne risque pas vraiment de déstabiliser les ODD plus sociaux. Ils viennent les compléter et donner de la cohérence d’ensemble à l’action internationale. Ce n’est pas rien. Tout ceci ne tranche pas dans le débat éternel quant à savoir s’il faut d’abord se préoccuper d’environnemental (on dit "green") ou de social (on dit, je ne sais trop plus pourquoi, "brown"). Mais l’édifice d’ensemble me semble cohérent.
Mary-Françoise Renard : L’intérêt de ces nouveaux objectifs est d’insister sur le partenariat entre les pays riches et les pays pauvres.  Dans un certain nombre de domaines comme l’environnement, les résultats ne peuvent être atteints sans une étroite coopération entre les pays. Il y a effectivement un risque que certains objectifs prennent le pas sur d’autres (comme on a craint que l’aide apportée à la lutte contre le SIDA ne se fasse au détriment de la lutte contre d’autres maladies). Néanmoins, il s’agit d’un sujet crucial pour les générations à venir et l’on sait que les effets négatifs du changement climatique sont beaucoup plus importants pour les  pays en développement que pour les pays développés. Bien sûr ces objectifs sont ambitieux et ne seront pas tous atteints. Certains d’entre eux se heurtent à des obstacles institutionnels. Par exemple, l’égalité des sexes est un domaine dans lequel certains pays refusent de s’investir.

Par ailleurs, quels sont selon vous les principaux écueils qu'il faudra gérer et éviter ?

Julien Damon : Les OMD comme toute l’aide au développement, et comme les ODD maintenant, voient trois positions s’affronter. Avec chacune sa figure de proue. L’économiste new-yorkais Jeffrey Sachs, conseiller du secrétaire général de l’ONU pour les OMD, estime que, bien organisé, doté réellement des 0,7 % du PIB des pays riches, un plan peut vraiment éradiquer la pauvreté. Un autre économiste new-yorkais, William Easterly est connu pour sa critique des politiques planifiées et du messianisme médiatisé de personnalités artistiques ou académiques. Il souligne que l’approche technocratique des ingénieurs sociaux confère moyens et légitimité à des régimes qui se moquent des droits des pauvres. Une autre économiste, française, est connue pour son approche expérimentale. Pour Ester Duflo, il faut tenter, évaluer à petite échelle. Le débat sera toujours celui là : de l’intervention publique ou du marché, de grands plans ou de petites expérimentations. Je pense qu’un autre écueil de dessine, celui d’ODD atteints dans des pays sympathiques et coopératifs, avec de la croissance, tandis que d’autres, singulièrement dans une Afrique sub-saharienne mal-partie, continuent de s’enfoncer. En un mot, il faut peut-être cesser l’aide publique au développement dans certains pays totalement émergés, qui d’ailleurs font de leur propre aide au développement désormais une arme commerciale, et se concentrer sur les cas les moins glamours et les plus problématiques. Ceux, d’ailleurs, où les régimes politiques en place et les niveaux de corruption interdisent en fait la liberté nécessaire au développement…
Mary-Françoise Renard : Il ne faut pas oublier de hiérarchiser les priorités et de donner un rôle central à la lutte contre la pauvreté et à la protection des plus vulnérables. Il faut combler l’écart entre les résultats des précédents objectifs (pour 2015) et les cibles prévues et essayer d’atténuer les inégalités. C’est d’autant plus important que l’accès aux nouvelles technologies permet à la majeure partie de la population de savoir par exemple qu’il existe des médicaments qui auraient pu sauver leurs enfants. Les améliorations réelles obtenues ne doivent pas être considérées comme définitives. Par exemple, bien que les pays en développement occupent une place plus importante dans le commerce international, notamment grâce au développement des relations sud-sud, leurs exportations sont encore insuffisamment diversifiées et ils peuvent souffrir d’un développement du protectionnisme non tarifaire de la part des pays riches. L’échec du cycle de Doha (négociations commerciales internationales dans le cadre de l’OMC) n’est pas une bonne nouvelle pour les pays en développement qui seraient pénalisés par une remise en cause du multilatéralisme dans ce domaine.

Alors que la croissance mondiale est en berne, et que les pays émergents ne semblent pas prendre le rôle assigné jusqu'à il y a peu de "moteur de l'économie mondiale", quelles sont les conditions de la réussite pour remplir les 17 OMD jusqu'en 2030 ? Sur quoi pourrons-nous compter ? Implication de la société civile, meilleure utilisation et répartition des fonds, autre chose ?

Julien Damon : On lit de grandes déclarations sympathiques sur la société civile. Je pense que l’essentiel est dans l’Etat de droit et la lutte contre la corruption. Je ne pense pas qu’il existe une implication enchantée de la société civile. Généralement ce sont des associations qui demandent des subventions… D’abord de l’Etat de droit donc. Ensuite oui, sur les fonds, il faut les concentrer sur les zones qui en ont le plus besoin et sur les programmes dont les résultats ont été évalués positivement. Ce qui invite à abandonner les autres ! Les pays qui n’ont pas besoin de cette aide, et les programmes qui ont failli.
Il est vrai que toutes les ambitions derrière les ODD sont considérables : élimination de la pauvreté et de la faim dans le monde, défi d’une "croissance durable" (il faudra d’abord la définir), lutte contre le changement climatique, etc. Une clé, selon de nombreux experts (mais pas tous), procède du financement de ce programme très ambitieux. Une conférence internationale en juillet dernier à Addis-Abeba a évalué les besoins à 2 500 milliards de dollars (soit environ un an de PIB français) sur quinze ans. Avec la recomposition mais aussi la baisse de l’aide publique au développement, il ne faudra pas seulement compter sur l’intervention publique ni entonner les incantations rituelles à l’implication de la société civile. Il faudra permettre aux entreprises de s’impliquer. Et comment mieux le faire qu’en leur permettant d’exercer, sans corruption publique, leurs activités ?
Dernière chose, je pense que les Français, particulièrement les responsables publics, auraient tout intérêt à moins se regarder le nombril et à s’intéresser à ce sujet. On gémie beaucoup sur la pauvreté en France, appréciée à partir d’un seuil de pauvreté à 33 euros par jour. Or le seuil international de pauvreté est d’environ 1 euro. Nous vivons notre abondance dans un océan mondial de pauvreté, océan qui déborde démographiquement aujourd’hui et qui alimente le sujet très disputé des réfugiés.
Certes la pauvreté, au seuil de 1 euro par jour, recule dans le monde. Mais à 1,5 ou 3 euros, on demeure dans des situations d’extrême indigence. Et tous ces pauvres dans le monde sont de plus en plus conscients et informés de ce qui existe ailleurs. Chose étrange à certains égards, les taux d’équipement en téléphone portable, dans les pays pauvres, sont très très supérieurs aux taux d’accès à de l’eau potable ou à de simples toilettes. D’où quelques frustrations bien compréhensibles…
Mary-Françoise Renard : Il y a une prise de conscience du caractère mondial des problèmes des pays en développement. Leur résolution a une dimension financière. Les efforts en matière d’aide au développement sont très variables selon les pays mais il ne faut pas oublier que malgré le ralentissement de la croissance dans les pays développés, cette aide publique au développement a sensiblement augmenté jusqu’en 2013, notamment en ce qui concerne les services sociaux de base. De plus, la Chine vient de promettre 2 milliards de dollars au titre de la coopération sud-sud. Les actions s’appuieront sans doute encore plus sur l’articulation fonds publics-fonds privés.
Mais il y aussi une forte dimension institutionnelle. Les conflits sont actuellement l’une des sources majeures des problèmes des pays en développement. Cela accroît leur vulnérabilité, la pauvreté, le manque d’éducation, notamment pour les nombreux réfugiés.
La réussite des objectifs dépend aussi du développement de la réglementation, notamment en matière environnementale, et de l’assistance technique qui doit aider les pays les plus pauvres à augmenter la productivité dans l’agriculture et d’une façon générale à accéder à un niveau technologique plus élevé.
Pascaline Dupas :  La condition la plus importante c’est le maintien de la volonté politique. C’est bien joli de faires des déclarations et de se donner des objectifs, mais il faut s’y tenir. Par exemple, depuis les années 1970 l’objectif international le plus connu est celui qui vise à porter l’aide publique au développement à 0.7 % du revenu national des donneurs, mais peu de pays s’y tiennent – je crois que la France est a moins de 0.5% par exemple.


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