05/02/2012

Berlin invité à se mêler des affaires du monde




L'Allemagne se garde d'afficher les ambitions qu'autorise son statut de chef de file incontesté de l'Europe


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En Chine, Mme Merkel a tenté de rassurer sur l'euro
La chancelière allemande, Angela Merkel, a conclu, samedi 4 février, son voyage en Chine, au cours duquel elle s'est efforcée de rassurer ses hôtes sur la solidité de l'euro et la capacité de l'Union européenne (UE) à surmonter la crise de la dette. " L'euro en tant que monnaie commune a rendu l'UE plus forte ", a assuré la chancelière peu avant de rencontrer à Pékin le président chinois, Hu Jintao. Mme Merkel, que les autorités ont empêchée de rencontrer des journalistes et un avocat connu, a terminé sa visite à Guangzhou, mégapole du sud de la Chine, où elle a assisté à un forum commercial avec le premier ministre, Wen Jiabao. Au cours de ce voyage, Mme Merkel a aussi demandé à Pékin de faire pression sur l'Iran et de condamner la Syrie à l'ONU. - (AFP.)
Tant en Europe, qu'en Afghanistan ou ailleurs, " l'Allemagne est prête à prendre ses responsabilités ". Tel est le message essentiel qu'a tenu à faire passer Thomas de Maizière, le ministre de la défense allemand, en ouverture de la conférence sur la sécurité qui a débuté à Munich, vendredi 3 février. Signe des temps : il aura fallu attendre la 48e édition de cette conférence créée pendant la guerre froide pour qu'une table ronde ait pour thème : " Le rôle de l'Allemagne en Europe et dans le monde. "
Que l'Allemagne assume son rôle de leader européen et joue un rôle accru dans les affaires du monde semble désormais souhaité dans de nombreuses capitales. " Prenez vos responsabilités ", ont indiqué les dirigeants chinois à la chancelière Angela Merkel, en visite à Pékin et Canton les 2 et 3 février.
" L'Allemagne doit s'engager pour la paix et la démocratie sur le continent ", estime Radoslaw Sikorski, ministre polonais des affaires étrangères qui, en novembre 2011, avait déclaré être " sans doute le premier ministre des affaires étrangères dans l'histoire de la Pologne à le dire : j'ai désormais moins peur de la puissance allemande que de l'inaction allemande ". Le président américain Barack Obama, qui ne craint rien tant qu'une crise européenne qui menacerait sa réélection, fait lui aussi pression sur Berlin pour qu'il prenne ses responsabilités.
A Munich, Robert Zoellick, président de la Banque mondiale, a mis ses hôtes en garde : " 2012 est l'année où l'Allemagne pourra prendre le leadership en Europe mais aussi celle où elle pourra échouer. " Selon lui, " l'Allemagne doit proposer un cap et pas seulement des plans de rigueur. (...) Que va-t-il se passer si Mario Monti - président du conseil italien - perd sa majorité ? Il ne s'agit pas d'économie mais de stratégie ". Même le gouvernement israélien le souhaite : " Israël n'a pas de doute sur la capacité de l'Allemagne à exercer son leadership, mais alors qu'Ahmadinejad - président iranien - , c'est Hitler, que peut faire l'Allemagne ? ", s'est interrogé, à Munich, un haut responsable du ministère des affaires étrangères.
Face à tant de sollicitations, les Allemands restent prudents. " En Europe, on critique plutôt un excès de leadership allemand ", constate M. de Maizière. Surtout, qu'ils soient de la CDU, comme le ministre de la défense ou du SPD, comme Frank-Walter Steinmeier, président du groupe social-démocrate au Bundestag, les Allemands présents à Munich l'ont rappelé : l'Allemagne assume d'ores et déjà plus de responsabilités que ne le souhaitent ses citoyens. Néanmoins les trois partis de gouvernement - CDU, SPD et Verts - refusent catégoriquement le repli sur soi. L'Allemagne ne sera pas une grande Suisse.
Avec 7 000 militaires présents sur trois continents (Afghanistan, Balkans, Corne de l'Afrique), l'Allemagne estime ne pas avoir de leçons à recevoir. En Afghanistan, Berlin entend maintenir son contingent (4 800 hommes) " jusqu'à fin 2014 ", " comme prévu ", a rappelé M. de Maizière, critiquant en creux les dernières initiatives de Nicolas Sarkozy et de Barack Obama pour rapatrier leurs troupes dès 2013.
En étant un îlot de stabilité et de prospérité, l'Allemagne estime aussi contribuer à sa façon à l'équilibre du monde. " Des finances publiques saines constituent un prérequis fondamental pour la stabilité et la sécurité ", affirme M. de Maizière. Mais le gouvernement est bien obligé de prendre en compte la nouvelle doctrine américaine privilégiant l'Asie. " Je ne peux pas reprocher aux Etats-Unis de fermer des bases en Allemagne. Moi aussi, je ferme des garnisons ", constate le ministre, qui juge que " l'Europe doit défendre ses intérêts en mettant davantage dans la balance et en assumant ses responsabilités au sein de l'OTAN ".
Dans le cadre de la mise en commun de moyens au sein de l'OTAN - la smart defense, selon le terme en vigueur -, " l'Allemagne est prête à marcher en tête (...) à assumer des fonctions pilotes ", a affirmé le ministre... sans pour autant s'engager à consacrer des moyens supplémentaires à la défense, comme le souhaitent les Etats-Unis.
Sur le front européen en revanche, l'Allemagne ne semble pas vouloir lâcher du lest. " Nous sommes sceptiques ", a reconnu le ministre après avoir entendu M. Zoellick. Et l'arrivée possible des sociaux-démocrates au gouvernement en 2013 ne devrait pas changer la donne. M. Steinmeier a déploré qu'on exige d'Athènes qu'il mène à la fois des réformes structurelles et réduise les déficits, alors qu'en 2003-2004 l'Allemagne avait privilégié les premières et négligé les seconds.
Mais le dirigeant social-démocrate a prévenu : " Cette crise va être un fardeau pour les dix années à venir. On sera satisfait si on a une croissance supérieure à zéro durant les prochaines années. " Conclusion : il faut davantage d'intégration européenne mais on ne peut pas demander beaucoup plus à l'Allemagne. Un discours semblable en tout point à celui que tient Angela Merkel.
Frédéric Lemaître
Editorial

Le monde veut plus d'Allemagne

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L'Allemagne est-elle prête à prendre les responsabilités qui découlent de sa puissance économique ? Il y a un an, sa non-participation à l'intervention de l'OTAN en Libye a jeté un froid chez ses principaux partenaires : la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis.
Bénéficiant, plus que d'autres, de la globalisation économique, l'Allemagne ne semblait pas vouloir en assumer toutes les conséquences stratégiques.
Aujourd'hui, alors que la zone euro s'enfonce dans la crise, le reproche fait à l'Allemagne n'est guère fondamentalement différent. Celle-ci n'aurait qu'une approche comptable et juridique de la construction européenne, insistant sur les sanctions pour mieux cacher son manque de vision.
Que l'Allemagne rechigne à prendre ses responsabilités est évident. Beaucoup d'Allemands approuvent les récents propos de l'ancien chancelier Helmut Schmidt : " Nous ne sommes pas un pays normal. " L'Allemand Martin Schultz, le nouveau président du Parlement européen, le constate quotidiennement : " Dès que les Allemands prennent le leadership, ils sont critiqués. "
La deuxième raison qui explique cette attitude de retrait est que les Allemands ne veulent plus payer les erreurs des autres. Récemment même, l'hebdomadaire très europhile Die Zeit reprochait - en français - aux Européens de reprendre le slogan vieux d'il y a presque un siècle : " Le boche paiera. "
Malgré tout, la situation évolue. Même en traînant des pieds, l'Allemagne finit par payer et fera tout pour sauver l'euro. Les trois grands partis, la CDU, le SPD et les Verts, sont là-dessus parfaitement unis.
Le voyage qu'Angela Merkel a effectué cette semaine en Chine en est une deuxième preuve. La chancelière y allait non pas pour signer des contrats - aucune séance de signatures n'était prévue -, mais pour " vendre " l'euro aux Chinois, sachant qu'elle était la seule dirigeante européenne suffisamment légitime pour entreprendre une telle démarche, qui avait pourtant peu de chances d'aboutir.
Les critiques à l'égard de l'Allemagne doivent être relativisées. Alors que, pour des raisons essentiellement électorales, Nicolas Sarkozy et Barack Obama semblent tentés de quitter l'Afghanistan plus tôt que prévu, l'Allemagne, elle, met son point d'honneur à " respecter le calendrier défini à Lisbonne " et à ne pas partir d'Afghanistan " avant la fin de 2014 ".
Commentant la nouvelle politique américaine de sécurité, qui privilégie le Pacifique sur l'Europe, Thomas de Maizière, le ministre allemand de la défense, affirme que son pays " est prêt à prendre ses responsabilités ".
Même si, à la conférence sur la sécurité qui se tient du 3 au 5 février à Munich, Thomas de Maizière est resté aussi prudent sur les moyens que Berlin pourrait consacrer à une future défense européenne. Mais cet investissement stratégique, l'Allemagne sera d'autant plus tentée de le faire que ses partenaires européens l'y inciteront.

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