Ainsi, l’enjeu de la gestion par la création de valeur est de réconcilier conduite interne des opérations et satisfaction des actionnaires (matérialisée in fine par les dividendes reçus et la promesse de plus-values).
Pour s’engager face aux marchés financiers sur sa stratégie et sa performance à court, moyen et long terme, l’entreprise doit donc s’appuyer sur deux démarches étroitement liées :
- la mise en place d’un système de pilotage par la valeur, déclinant la stratégie en leviers d’actions puis indicateurs clés de performance ;
- la gestion active de la relation avec les marchés financiers, qui ne peut plus aujourd’hui se limiter à la communication financière traditionnelle.
Le pilotage des performances par la valeur
Le pilotage des performances par la valeur n’est pas un simple outil de mesure des résultats. Il s’agit d’un processus majeur intégrant :
- la définition et la communication de la stratégie aux équipes ;
- la formalisation d’une organisation et d’un modèle de
management, permettant de définir le découpage de l’entreprise en
unités de management, les rôles et responsabilités de chacun, les
grands processus de décision ;
- la définition d’indicateurs clés de performance : il s’agit
de décliner les objectifs stratégiques en leviers d’actions,
eux-mêmes associés à des indicateurs. Ceux-ci sont des mesures dites
de résultats (“ ai-je atteint mon objectif ? ”), ou de moyens (“
comment vais-je atteindre mon objectif ? ”). Une dérive des
indicateurs de moyens permet, en général, d’anticiper une dérive des
indicateurs de résultats. Bien entendu, un système d’indicateurs
répondant aux exigences de création de valeur s’articule autour de
plusieurs dimensions : l’axe financier mais également les axes ”
Hommes et Talents “, ” Processus ” et ” Clients “. Les systèmes de
pilotage les plus satisfaisants sont ceux qui équilibrent, pour
chaque unité de management, ces différentes dimensions en fonction
des missions et responsabilités du niveau considéré ;
- la planification et l’allocation des ressources consistent à
intégrer les initiatives stratégiques, les plans financiers et les
plans d’actions opérationnels, à fixer les objectifs à moyen et à
court terme et à allouer les ressources (financières, humaines,
connaissance…) entre les différentes unités managériales, les
projets et initiatives. La définition et le suivi d’indicateurs
clés de performance, en fonction de la stratégie de l’entreprise et
de sa déclinaison en leviers de création de valeur, contribuent à
simplifier la composante ” administrative ” de ce processus, en
focalisant les énergies sur ce qui importe réellement ;
- l’évaluation et le contrôle des performances, à l’aune des
indicateurs définis, permettent le lancement anticipé d’actions
correctrices, ou la remise en cause des directions choisies avant
même la dégradation des résultats financiers ;
- la gestion des carrières, des rémunérations, le coaching des équipes doivent aussi s’inscrire dans cette logique : en la matière, les entreprises les plus avancées ont mis en place un système de bonus pluriannuels s’appuyant sur un indicateur de création de valeur, éventuellement complété par un ou deux indicateurs clés de performance spécifiques à l’entité considérée.
L’enjeu d’un système de pilotage par la valeur est de mettre
en cohérence ces différentes activités trop souvent distinctes,
voire antagonistes.
L’introduction d’un indicateur synthétique de création de valeur, partagé par tous les niveaux de l’entreprise, aide à cimenter le dispositif. Tous les indicateurs ” en vogue ” reposent sur le même fondement : créer de la valeur, c’est produire un résultat opérationnel supérieur au coût du capital employé pour générer ce résultat (c’est-à-dire l’appareil productif mais aussi les créances clients, les dettes fournisseurs et les stocks). Un indicateur de ce type permet d’intégrer dans une même logique des niveaux qui mesuraient auparavant leur performance à l’aune d’indicateurs hétérogènes.
Mettre en place une telle démarche ne peut se faire sans l’implication de tous les niveaux de l’entreprise. Oui, il s’agit de satisfaire les actionnaires. Mais il s’agit aussi d’aider les responsables opérationnels à piloter leur entité. Ainsi, la direction générale pourra-t-elle définir indicateurs financiers (logique actionnariale) et stratégiques (logique de grands projets). Elle doit cependant se garder de définir elle-même les indicateurs opérationnels des unités, sauf à assumer un interventionnisme fort dans la conduite des opérations.
Piloter les performances par la valeur contribue donc à tous les niveaux de l’entreprise :
- à la mise en œuvre de la stratégie de façon cohérente par l’ensemble des équipes,
- à l’amélioration de la capacité d’anticipation et de prise de décisions stratégiques ou tactiques,
- à la cohérence entre les objectifs fixés aux équipes par le management, et ceux communiqués aux actionnaires et aux marchés financiers.
Un nouvel art : la communication financière
En matière de communication financière, ” le vent vient de l’Ouest ” : la dictature du ” quarterly result ” à l’américaine s’est rapidement imposée. La performance réalisée, fondement de la distribution des dividendes, est aujourd’hui devenue un produit qu’un président livre à ses clients, les actionnaires. Si la livraison n’est pas bonne, le client-actionnaire mécontent s’en va, le cours baisse et le président change.
Délivrer une information chiffrée détaillée sur la performance réalisée est devenu une pratique courante. En la matière, la gourmandise des analystes est sans limite. Les entreprises communiquent donc de façon toujours plus précise et transparente sur leur performance. Généralisation des indicateurs de création de valeur, segmentation de l’information par métier, publication d’indicateurs opérationnels sont autant d’exemples. Mais attention, la communication financière trimestrielle doit être maîtrisée si l’on veut éviter que son titre soit chahuté : les modèles des analystes et des investisseurs institutionnels consistant, peu ou prou, à capitaliser les résultats annoncés, amplifient les variations de performance d’un trimestre sur l’autre. La publication trimestrielle devient un art… pratiqué toutefois sous le contrôle des autorités de place et des auditeurs.
Au-delà de l’information chiffrée sur la performance réalisée, la communication financière de certaines entreprises ouvre aujourd’hui des perspectives sur le développement et les performances à venir
.Il s’agit donc maintenant :
- d’expliciter la stratégie de l’entreprise, son positionnement
concurrentiel et de marché au sein d’un secteur d’appartenance. En
effet, combien de présidents ont été mis à mal lorsqu’on leur
demandait d’expliquer les métiers de leur groupe, de comparer leur
performance à celles de ” purs ” concurrents (la multiplication
des fonds indiciels n’ayant fait que renforcer la pratique déjà
courante du ” benchmark ”), ou encore de préciser leur stratégie de croissance externe ?
- en phase avec cette stratégie, de communiquer des engagements clairs, chiffrés et assortis d’une échéance temporelle, tout en restant prudent et flexible pour limiter la désormais sévère sanction en cas de ” profit warning “. Réalisée par le département de conseil en stratégie d’Andersen, une étude récente de la communication financière de quarante groupes européens montre que plus des trois quarts s’engagent sur des objectifs à plus d’un an devant les marchés. Le nombre de ” champions de la création de valeur ” devenus ” dieux déchus en bourse ” (Cisco, Daimler Chrysler, Lucent…) incite toutefois à la modération. Dans les secteurs des télécommunications et des nouvelles technologies, la crise des marchés boursiers a provoqué de nombreuses réorientations de la communication financière des entreprises : réorganisations et réductions des coûts ont vite été décidées et communiquées.
En matière de communication financière, la leçon est donc
claire : il s’agit d’être irréprochable, précis et transparent sur
ce que l’entreprise a fait ; il faut être ambitieux sur ce qu’elle va
faire, donner chair aux objectifs avec des chiffres, et être adroit
pour conserver sa marge de manœuvre.
Actionnaires et marchés financiers
Mais, au-delà d’une meilleure communication et d’engagements plus marqués, c’est toute la relation avec l’actionnaire et les marchés financiers qu’il s’agit de repenser. Si l’entreprise connaît de mieux en mieux ses clients, elle ne peut pas en dire autant de ses actionnaires. Au-delà de la simple reconnaissance, porteurs individuels, investisseurs institutionnels et analystes financiers doivent être attirés par du contenu (mise à disposition rapide et fréquente d’une information riche et transparente), puis interagir avec l’entreprise et entre eux. L’enjeu est de construire une véritable communauté autour de l’entreprise, lui permettant de toujours mieux connaître les acteurs des marchés financiers, de mieux répondre à leurs attentes, et de les fidéliser.
Actionnaires, investisseurs et analystes constituent une nouvelle forme de clients. Pour les satisfaire, on peut s’appuyer sur les techniques de gestion de la relation client.
Déjà, certaines entreprises industrielles ont montré la voie en délivrant de l’information en quantité et qualité sur leur site Internet, en répondant aux questions des actionnaires et investisseurs en temps réel, en créant un club actionnaires, en organisant des visites d’usines ou des séances de formation à la Bourse… Le développement des technologies de l’information et de la communication autorise un nouveau mode de ” relation individuelle de masse “.
Ces outils peuvent soutenir une véritable stratégie de communication financière et de relation avec l’investisseur, instrument précieux d’attraction, de connaissance et de fidélisation de l’actionnaire. Et dans le paysage économique actuel et futur, c’est une source d’avantage concurrentiel certain.
Source: www.lajauneetlarouge.com en 2001
Mais résister aux actionnaires est aussi un must. Lire...
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