Comme promis la semaine dernière, je reviens sur le passionnant livre de ces deux auteurs canadiens, John Ibbitson et Darrell Bricker (Planète vide, Les Arènes, 2020), qui démontrent, en s’appuyant sur les recherches les plus récentes en matière de démographie, le caractère inexorable de la décrue de la population mondiale. Selon leurs conclusions, elle ne devrait jamais dépasser les 8,5 milliards d’individus, à peine plus que son niveau actuel.
Comme cette prévision contredit tout ce que nous disent les écologistes depuis un demi-siècle, il est bon d’étudier de près leurs arguments avant de se faire une opinion. À les en croire, la stabilisation, puis la baisse de la population seraient liées à trois lames de fond planétaires: l’urbanisation, qui fait bondir le coût du logement et de l’éducation des enfants, l’affaissement du pouvoir des religions un peu partout dans le monde malgré l’entrée en résistance de l’islam (une réaction qui en est du reste la conséquence), mais plus encore l’émancipation des femmes: «Plus une société s’urbanise, plus les femmes ont le contrôle de leur corps, moins elles choisissent d’avoir beaucoup d’enfants. Dans la majorité des pays occidentaux, comme aux États-Unis et au Canada, 80 % de la population vivent aujourd’hui dans des villes où les femmes bénéficient d’une maîtrise presque totale de la procréation.»
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On objectera aussitôt que ce qui vaut pour les Occidentaux n’est pas vrai pour le reste de la planète. Pourtant, comme le montrent nos deux auteurs faits et arguments à l’appui, «la baisse de la fécondité n’est pas réservée aux seuls pays développés. L’urbanisation et l’autonomisation des femmes sont des phénomènes mondiaux. Nous savons que la Chine et l’Inde sont au seuil de remplacement ou même en dessous. C’est aussi le cas d’autres nations émergentes: le Brésil (1,8), le Mexique (2,3), la Malaisie (2,1), la Thaïlande (1,5)». Certes, les taux de natalité sont encore très élevés en Afrique et dans certaines parties du monde arabo-musulman, mais la tendance générale n’en est pas moins à la baisse. Jorgen Randers, un des scientifiques coauteurs du fameux rapport Meadows, qui, en 1972, alertait sur les dangers d’une surpopulation qu’il jugeait inéluctable, avoue avoir changé d’avis et rejoindre désormais le même point de vue que nos deux Canadiens: «La population mondiale n’atteindra jamais 9 milliards, assure-t-il aujourd’hui. Elle culminera à 8 milliards en 2040, puis commencera à baisser».
Di on a peur du changement climatique, pourquoi refuser la solution de l’énergie nucléaire ? Eh bien parce que cela réglerait le problème et qu’ils ne veulent justement pas régler le problème !
Michael Shellenberger, l’un des fondateurs du courant écomoderniste
Dans le même esprit, un rapport de la Deutsche Bank publié en 2013 prévoyait un pic de 8,7 milliards en 2055, puis une baisse à 8 milliards à la fin du siècle. L’ONU elle-même, sous l’influence de ces recherches, revoit ses prévisions à la baisse. La vérité, c’est que, par peur, à moins que ce ne soit par intérêt, nous refusons de voir que, dans cent ans, le monde n’aura plus grand-chose de commun avec celui que nous connaissons. Dans un entretien accordé au Point en juillet 2020, Michael Shellenberger, l’un des fondateurs du courant écomoderniste, pointe le fait que les partisans de la décroissance n’ont aucun intérêt à se réjouir publiquement d’aucune bonne nouvelle, qu’il s’agisse de la baisse de la population mondiale ou, a fortiori, du nucléaire: «Ils font très attention de ne jamais crier victoire, même quand leur cause avance. De là leur malaise vis-à-vis de l’énergie nucléaire et plus généralement de la baisse des émissions de CO2 dans les pays développés depuis plusieurs décennies. Je dois vous avouer que cette question m’obsède depuis longtemps: si on a peur du changement climatique, pourquoi refuser la solution de l’énergie nucléaire? Eh bien parce que cela réglerait le problème et qu’ils ne veulent justement pas régler le problème!»
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Même chose, bien évidemment, avec la surpopulation. Déconstruire les prévisions catastrophistes, c’est prendre le risque de rassurer, donc de démobiliser. C’est se rendre complice du capitalisme assassin, voire de ces adultes que Greta Thunberg accuse de vouloir laisser aux jeunes un monde digne de films apocalyptiques, comme Soleil vert. Avoir des doutes sur l’imminence du désastre, c’est aux yeux des décroissants être dans le déni, c’est être un négationniste, autrement dit, de proche en proche, si on suit le fil des insinuations, ne pas valoir mieux qu’un nazi. On comprend pourquoi, sur ces sujets que les passions politico-idéologiques ont rendus pour ainsi dire «radioactifs», un dialogue rationnel et argumenté devient difficile, pour ne pas dire impossible…
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Source FigaroVox
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