Bruno Le Maire est sous pression. D'un côté, il y a ceux qui plaident en faveur d'une taxation exceptionnelle de l'épargne des Français les plus aisés accumulée pendant la crise sanitaire, faute de pouvoir dépenser. Philippe Aghion, qui a contribué à l'élaboration du programme économique d'Emmanuel Macron en 2017, a ouvertement cité cette piste, la semaine dernière sur France Inter, en plaidant pour l'appliquer au niveau européen. Il est pourtant à l'origine de la flat tax à 30 % sur les revenus du capital et la suppression de l'ISF, transformé en impôt sur la seule fortune immobilière en début de quinquennat. Preuve que cette idée de taxation exceptionnelle progresse.
De l'autre – ce sont souvent les mêmes –, il y a ceux qui réclament une augmentation du plan de relance de l'économie présenté en septembre, et qui représente 100 milliards d'euros sur deux ans. Mercredi dernier, François Bayrou est venu grossir leurs rangs. Dans une note sur la gestion de l'endettement public après le Covid, le haut-commissaire au Plan propose de consacrer entre 200 et 250 milliards d'euros en plus à un plan « Marshall » dans les trois ou quatre ans à venir, une référence à la reconstruction de l'après-guerre.
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200 milliards d'épargne fin 2021
Il faut dire que les Français ont accumulé un confortable matelas pendant la crise, eux dont les revenus ont en moyenne été préservés grâce au chômage partiel alors qu'ils étaient empêchés de dépenser autant que d'habitude dans les restaurants, en vacances, etc. 110 à 120 milliards de surplus d'épargne a ainsi déjà été amassé en 2020, essentiellement par les 20 % de la population les plus aisés. Selon la Banque de France, cette somme pourrait atteindre 200 milliards d'euros à la fin de l'année. Autant dire que les Français les plus aisés auront accumulé l'équivalent d'un double plan de relance sur leurs comptes d'ici à la fin de l'année. Faut-il leur prendre une partie de cet argent pour le réinjecter dans l'économie via la puissance publique ?
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Pris en étau entre ces deux demandes, le ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance veut garder la tête froide. À Bercy, on considère déjà comme un défi de dépenser les 100 milliards d'euros d'ici à fin 2022, comme promis. Et on refuse donc toute amplification du plan de relance. « Si c'est pour que l'argent soit dépensé dans trois ou quatre ans, ça n'a aucun sens. Je ne suis pas là pour faire de l'affichage », a balayé
Bruno Le Maire, lors d'une conférence de presse lundi 1
ermars. Le ministre refuse aussi catégoriquement toute taxation, même exceptionnelle, de l'argent mis de côté par les Français aisés. « J'écarte définitivement toute taxation de l'épargne des Français. La première garantie qu'ils iront consommer en partie cette épargne, c'est l'assurance que nous n'augmenterons pas les impôts. Tant que je serai ministre des Finances, il n'y aura pas d'augmentation des impôts. »
Inciter les Français à dépenser leur épargne
Mais, avec la prolongation de la crise sanitaire et des mesures prophylactiques, Bercy commence à réfléchir à des mesures pour inciter les Français à réinjecter cet argent dans le circuit économique. Selon Les Échos, le ministère des Finances réfléchit à des incitations pour favoriser les donations et ainsi permettre aux Français qui ont des besoins d'argent de récupérer une partie de l'épargne des séniors. Une information qu'a toutefois refusé de confirmer Bruno Le Maire lundi matin. Mais le ministre reconnaît qu'il songe à « donner des incitations aux Français pour dépenser leur épargne dans l'économie ». Preuve qu'il craint que l'épargne forcée accumulée à cause des fermetures des restaurants et des activités culturelles ne finisse par se transformer en épargne de précaution qui serait constituée pour longtemps.
Sur le montant de la relance, Bruno Le Maire ne veut pas céder aux appels de ceux qui demandent à l'État de profiter des taux d'intérêt très bas pour dépenser. Alors, il communique sur les décaissements de son plan. Sur 100 milliards d'euros, 26 milliards auraient déjà été dépensés au 1er mars, dont 11 milliards en 2020, avec une bonne part pour recapitaliser la SNCF et favoriser ainsi l'investissement sur le réseau ferroviaire ou encore sous la forme d'une dotation de l'investissement pour les collectivités locales. 10 milliards d'euros de baisse des impôts de production pour les entreprises ont été rajoutés en 2021. Le reste de ces 26 milliards a été déboursé pour la prime à la conversion automobile, qui a permis de faire passer la part des véhicules électriques à 6 % dans les nouvelles ventes, ou pour la rénovation énergétique, avec l'accélération de la distribution de MaPrimeRénov', ou encore pour déployer le plan 1 jeune 1 solution, notamment via les primes à l'apprentissage pour les entreprises. L'objectif du gouvernement est d'avoir dépensé 40 milliards d'euros sur 100 milliards d'ici à la fin de l'année, ce qui représente déjà un défi en soi.
Un milliard de plus pour l'industrie
Que ce soit Agnès Pannier-Runacher à l'Industrie ou Bruno Le Maire, les ministres de Bercy n'en finissent plus de vanter le succès des enveloppes proposées pour moderniser l'industrie française. Au point qu'un milliard d'euros supplémentaire va être consacré à cette partie du plan de relance en plus des 2,2 milliards prévus initialement, via des redéploiements de crédits au sein de l'enveloppe de 100 milliards.
Bruno Le Maire espère que les Français verront concrètement les résultats de cette manne. « Plus d'un million de jeunes et de ménages ont bénéficié directement des crédits de France Relance, que ce soit sous la forme du plan 1 jeune, 1 solution ou des primes à la conversion de MaPrimeRénov' pour la rénovation énergétique des bâtiments », s'est-il félicité.
Il ne ferme pas pour autant la porte à une augmentation de la relance dans les années à venir. « François Bayrou est dans son rôle en proposant une relance de plus long terme », a-t-il ainsi déclaré. Une façon de renvoyer à plus tard la question de savoir si la France devrait augmenter ses investissements publics après la présidentielle.
Un milliard d'euros en plus pour moderniser l'industrie
L'enveloppe de 400 millions d'euros destinée à accélérer les plans
d'investissements industriels dans les zones décrétées territoires
d'industrie va être rallongée de 150 millions d'euros face au succès des
appels à projets. Ceux centrés sur les « secteurs critiques »,
identifiés dans le pacte productif avant la crise, afin d'encourager
les relocalisations, vont par ailleurs bénéficier de 250 millions
supplémentaires en plus des 600 millions prévus initialement. Enfin,
face à l'afflux de plusieurs milliers de demandes, 600 millions en plus
des 280 millions vont être débloqués pour la digitalisation des
entreprises industrielles. En tout, l'augmentation des crédits consacrés
à l'industrie devrait ainsi atteindre « près de 50 % », se félicite
Bruno Le Maire.
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