À mesure que le compte des bulletins de vote creuse l’écart entre Joe Biden et Donald Trump, les partisans de l’actuel président, en mauvaise posture, dénoncent une fraude massive dans plusieurs États et manifestent pour arrêter le dépouillement. Une grande partie des accusations de fraude se fondent sur de fausses informations véhiculées par des vidéos qui se propagent à grande vitesse sur les réseaux sociaux, regrette le Washington Post.

Comme en 2016, ces derniers sont montrés du doigt pour leur passivité alors même que Facebook, Twitter et YouTube avaient annoncé prendre des mesures pour augmenter leur vigilance. Depuis plusieurs jours, les grands médias américains fournissent un travail minutieux de vérification des informations, scrutant les vidéos et les messages mensongers. Plusieurs de ces rumeurs ont déjà été démenties formellement, mais continuent d’être diffusées.

Des rumeurs infondées sur les trafics de bulletins de vote

Une valise noire sur un chariot rouge, le tout accompagné d’un commentaire suspicieux : “On dirait une de ces fameuses boîtes sécurisées [contenant les bulletins de vote].” Voici le type de vidéos qui circulent de façon virale sur les réseaux sociaux depuis la clôture du scrutin, mardi 3 novembre. Celle-ci, qui prétend illustrer un trafic de bulletins de Joe Biden, a été partagée “des milliers de fois” et a atteint près de 200 000 vues sur YouTube mercredi après-midi, raconte le Washington Post.

Après vérification, la vidéo, filmée par un membre du groupe Lawyers for Trump et publiée par le site conservateur Texas Scorecard, ne met pourtant en scène que le matériel d’une photographe de l’American Broadcasting Company. Dans une vidéo explicative, la journaliste accuse le Texas Scorecard d’avoir intentionnellement créé le malentendu.

La BBC donne plusieurs autres exemples de ces mystifications venues du camp républicain. La vidéo d’une carte du Michigan montrant une augmentation soudaine d’environ 130 000 votes pour Joe Biden est devenue elle aussi virale sur Twitter après que Donald Trump l’a partagée sur son compte.

Le site d’analyse Decision Desk, à l’origine de la carte, a pourtant rapidement reconnu “une simple erreur d’écriture dans le fichier créé par l’État que nous avons exploité”, rapporte la BBC. Malgré ces explications et celles de Matt Mackowiak, l’homme à l’origine de la première diffusion, la carte a trouvé un large écho chez les partisans républicains adeptes du réseau conspirationniste d’extrême droite QAnon, note le site britannique.

La désinformation plus forte qu’en 2016

“Autant de cas de désinformation qui contribuent à plonger un peu plus les États-Unis dans le chaos et la confusion”, estime Fadi Quran, le directeur d’une association de lutte contre les fausses informations. Interrogé par le New York Times, il juge que cette campagne de désinformation représente une “situation d’urgence pour la démocratie” et que “ce sont les communautés les plus vulnérables qui paient le plus lourd tribut”.

Mercredi 4 novembre, le niveau de diffusion de fausses informations visant les populations hispanophones “dépassait celui créé par les manœuvres d’interférence dont s’est rendu coupable le Centre de recherche Internet, soutenu par le Kremlin”, pendant la campagne de 2016, écrit le quotidien américain.

Sur Facebook, une vidéo publiée par Mr. Capacho en Vivo, un compte colombien créé il y a sept mois et accusant Twitter de dissimuler la victoire de Donald Trump, comptabilise plus de 500 000 vues, “soit bien plus que n’en avaient obtenu les trolls russes à l’approche de l’élection de 2016 avec leur campagne d’instrumentalisation de Black Lives Matter sur les réseaux sociaux”, constate le New York Times.

Les réseaux sociaux impuissants face au “torrent” de fausses informations

La suractivité des réseaux de désinformation est d’autant plus inquiétante qu’elle est relayée par les milieux proches du pouvoir, note le Washington Post. Éric Trump, le fils de l’actuel président, a ainsi partagé une vidéo d’un compte associé au groupe conspirationniste QAnon, qui prétendait montrer la destruction de bulletins de vote en faveur de son père.

Twitter a rapidement suspendu le compte à l’origine de la vidéo, constate le journal américain. Mais la réaction tardive des réseaux sociaux semble insuffisante pour contenir le “torrent” de fausses informations relayées par les partisans du président. De nombreuses vidéos restent visibles et continuent à être partagées, annonçant sans preuves tangibles des fraudes ou la victoire républicaine dans les États clés.

 

Source Courrier International