À cela s'ajoute un plan de recherche de «nouvelles sources de productivités industrielles, permettant de réduire de 300 millions d'euros le coût des produits vendus». Une partie du milliard d'économies attendues sera réinvestie pour financer de nouvelles opportunités de croissance. Mais avec son plan «local first», Danone espère surtout redresser rapidement sa marge opérationnelle, tombée de 15,2% de son chiffre d'affaires en 2019 à 14% au premier semestre 2020. Il vise une marge de 15% dès 2022, et espère ensuite la faire progresser régulièrement, avec un objectif de 15 à 20% à moyen terme.
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Dans un entretien au Figaro, Emmanuel Faber, le PDG de Danone, explique pourquoi ce plan est impératif. Il détaille comment il veut s'y prendre pour alléger son portefeuille et mener à bien son programme de cession d'actifs.
Ce qui rend ce plan impératif, c'est tout simplement le fait que le Covid a modifié et accéléré la révolution de l'alimentation
Emmanuel Faber
LE FIGARO. - Lors du premier confinement, vous avez garanti les emplois et les salaires de tous vos salariés pendant trois mois. Ce matin, vous annoncez un plan de réductions d'effectifs sans précédent. Qu'est-ce qui le rend impératif désormais ?
Emmanuel FABER. - On ne procède pas à des suppressions de poste de gaieté de cœur. Elles concernent 2% de nos salariés essentiellement dans les sièges, et nous le ferons selon les principes et la culture de dialogue et d'accompagnement social de Danone. Ce qui rend ce plan impératif, c'est tout simplement le fait que le Covid a modifié et accéléré la révolution de l'alimentation. Danone accompagne cette révolution depuis des années, et le positionnement de nos gammes de produits sur l'immunité, les probiotiques et le végétal est l'une des forces de l'entreprise . Mais la pandémie a créé des changements structurels de notre environnement, qui nous obligent à réagir. Son impact sur l'économie mondiale sera plus fort et plus durable qu'on ne le pensait en mai. Le confinement et la fermeture des bars et restaurants a profondément affecté notre activité d'eau en bouteilles. La baisse de la natalité en Chine et ailleurs doit être pris en compte dans le développement de la nutrition infantile. Les mesures sanitaires ont, par ailleurs, réduit la bande passante dans la distribution : dans les grandes surfaces, il y a moins de place pour de larges gammes de produits. Enfin, le coût des transports a augmenté. Ce ne sont pas que des éléments conjoncturels. La plupart de nos concurrents ont d'ailleurs engagé des plans de réduction des coûts. Mais notre plan « Local first » n'est pas qu'un programme d'économies. Il permet à Danone de répondre à l'exigence systémique d'assurer la résilience de nos systèmes alimentaires, à l'exigence politique de voir les États retrouver leur souveraineté alimentaire une priorité, et à l'exigence des consommateurs de reprendre le contrôle de leur alimentation, donc de renforcer notre mission : apporter la santé par l'alimentation au plus grand nombre.
Le local devient un critère primordial. Notre organisation mondiale devient un frein et ne peut perdurer
Emmanuel Faber
Vous parlez de « Local first », mais Danone affiche depuis des années son ancrage local, avec des gammes de produits, des usines de production et des forces de vente dédiés et adaptées à chaque marché. Pourquoi révolutionner votre organisation mondiale ?
Pendant 30 ans, ce qui a tiré la croissance de la consommation, et celle des grandes marques en particulier, c'est l'émergence des classes moyennes dans tous les pays. Partout, leur mode de consommation et leur rapport aux marques convergeaient. Désormais, le local devient un critère primordial. Dans ce contexte, notre organisation mondiale devient un frein et ne peut perdurer. Nous avons l'habitude d'adapter nos recettes, nos publicités et nos modes de distribution à chaque marché. Mais cela ne suffit pas. Il faut donner la pleine autonomie à nos équipes locales, le pouvoir aux pays avec une seule filiale dans chacun d'entre eux, et non plus une entité pour chacune de nos trois divisions. Notre organisation mondiale par métiers créait des silos, ce qui nous empêchait de saisir des opportunités. Nous allons gagner en agilité en simplifiant les instances de décision. Il n'y aura plus que deux niveaux de décisions, et non plus cinq, pour valider des investissements.
En supprimant jusqu'à 2000 postes de management, ne risquez-vous pas d'affaiblir la culture Danone, qui était son meilleur rempart contre les prédateurs ?
Non, car la culture reste très forte. Elle pourra désormais pleinement s'exprimer au niveau local. Pour ce qui est des fonctions centrales, nous engageons une révolution. Les équipes de nos sièges feront autre chose. Leur rôle ne sera pas amoindri, il sera différent. Il ne sera plus d'encadrer, décider, ou centraliser mais de faire travailler l'intelligence collective de tous ces pays. En bref, ce qui fait la culture et l'unicité de Danone. Elles vont avoir un rôle capital dans notre nouvelle logique. Cela répond au souhait des générations de jeunes, qui trouvent nos organisations pas assez réactives, trop lentes dans la prise de décision. Une des premières concrétisations de cette démarche est le projet de déménagement de notre siège mondial à Rueil-Malmaison, prévu fin 2021, pour le rapprocher de celui de Danone France.
La vaste revue d'actifs que vous avez engagée il y a un mois sera-t-elle de la responsabilité des patrons de pays ?
Je leur ai confié la revue d'actifs opérationnels, à commencer par les gammes de produits, qui doit aboutir à une baisse de 10 à 30% de nos références. La revue d'actifs stratégiques est, elle, menée par le siège. Nous nous donnons du temps pour étudier dans chaque métier et dans chaque géographie ce qui répond à notre objectif de croissance rentable. Nous le faisons en ce moment avec notre filiale en Argentine, qui est déficitaire, et avec la marque de produits protéinés Vega.
Il faut s'attendre à un rythme plus soutenu de cessions ciblées dans les deux ou trois ans. Mais il est hors de question de brader des actifs
Emmanuel Faber
En matière de cessions, y a-t-il des actifs tabous à ne pas toucher ? Pourriez-vous, par exemple, céder votre branche Eaux, la plus frappée par la crise ?
Nous l'avons toujours dit, il n'y a aucun tabou. Danone a démontré sa capacité à faire des choix, avec la cession de LU en 2007, avec les sorties de la Colombie, du Chili et de la Corée du Sud il y a quelques années, et très récemment avec la revente de notre part dans Yakult au Japon, après une alliance de 20 ans. Il n'y a pas de tabou, mais il n'y a pas de simplisme non plus. Il n'est pas question de vendre telle ou telle catégorie au niveau mondial. La cession de notre division eau, en particulier, n'est pas à l'ordre du jour. La crise a démontré la pertinence de notre présence sur ce segment : dans les grandes villes où se concentre, sur 2% des terres, la majorité de la population mondiale, le besoin d'hydratation va perdurer. En revanche, pays par pays, nous étudierons le potentiel de chaque marque et chaque catégorie de produit et son adéquation à notre impératif de croissance rentable. Il faut donc s'attendre à un rythme plus soutenu de cessions ciblées dans les deux ou trois ans. Mais il est hors de question de brader des actifs.
Au début des années 2000, pendant la crise argentine, Danone était resté fidèle à son implantation dans le pays. Qu'est-ce qui a changé depuis cette époque dans votre approche ?
L'Argentine est une source de pertes. Les contraintes sont multiples et rendent complexes les solutions. Outre les crises structurelles que traverse le pays depuis longtemps, il y a eu deux dévaluations du peso depuis les années 2000. La priorité est notre stratégie de croissance rentable. Une déconsolidation de l'Argentine, si elle était décidée, améliorerait mécaniquement de 0,5% notre marge opérationnelle.
Pourriez-vous envisager des acquisitions structurantes, comme celle de Numico (2007) et Whitewave (2017) ?
Cela n'est pas à l'ordre du jour. Nous privilégions les acquisitions ciblées renforçant notre positionnement, comme celle que nous venons de faire aux États-Unis avec Real Food Blends dans la nutrition médicale à base de produits naturels et végétaux.
En mettant en avant l'exigence d'augmentation de la rentabilité en tête de vos priorités, n'êtes-vous pas en contradiction avec le double projet économique et social imaginé par Antoine Riboud et avec votre vision de ce que doit être Danone ?Pas du tout, bien au contraire. J'assume cet objectif qui doit faire de Danone une des entreprises les plus rentables de notre métier. Une marge supérieure à 15% est la condition de notre capacité à investir sur le long terme et à continuer d'influer positivement sur la biodiversité, le revenu des éleveurs laitiers ou l'agriculture régénératrice. De plus, nous avons besoin de renforcer structurellement notre niveau de marge dans un contexte de plus en plus incertain et volatil. Avant le Covid, personne n'aurait pu imaginer de voir les marges de notre branche eaux divisées par deux en moins de six mois, ou encore une volatilité des devises qui efface 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Maintenant, si. Nous ne pouvons plus travailler avec l'étiage ancien de nos marges. Mais nous continuons aussi à innover sur le plan social, comme en témoigne notre programme FutureSkills qui protégera nos salariés les plus vulnérables par une formation de longue durée à un métier d'avenir. Le double projet de Danone a toujours consisté à concilier ces deux exigences économique et sociale.
L'élaboration du plan « local first » et sa présentation au conseil d'administration semblent avoir été l'occasion d'échanges vifs lors du board tenu mi-octobre ? Y a-t-il un problème de gouvernance chez Danone ?
Nous n'avons jamais autant travaillé avec le conseil d'administration que cette année, et de façon aussi étroite. Un plan d'adaptation comme celui-ci se construit dans la durée et le débat ; il a reçu le soutien unanime du conseil. Tout le reste n'est que spéculations et rumeurs.
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