Christian Jacob est le nouveau dirigeant national des Républicains (LR, ex-UMP). Son élection attendue à la présidence du principal parti de la droite française n’offre guère de réelle solution à l’impasse dans laquelle se trouve ce dernier, autrefois incontournable dans la vie politique du pays. Aucune orientation stratégique convaincante, ni aucune personnalité remarquable n’a émergé au cours de la campagne interne, qui puisse laisser anticiper un rebond de cette formation.
Depuis la campagne transgressive de Nicolas Sarkozy en 2007, jusqu’au choix du très conservateur François-Xavier Bellamy comme tête de liste aux européennes, la radicalisation du parti vers la droite a été très prononcée, en particulier sur les questions dites culturelles – que celles-ci touchent à l’identité, à l’immigration ou aux questions morales.
Si cela n’a pas empêché une rétractation électorale d’ampleur, certains responsables estiment que les attentes du « peuple de droite » exigent d’aller plus loin encore. C’est l’orientation qu’ont défendue Julien Aubert et Guillaume Larrivé dans la campagne interne, et pour laquelle ils ont réuni un peu plus d’un tiers des suffrages militants. Christian Jacob, soutenu par la plupart des cadres de l’appareil, l’a emporté face à eux, mais sans avoir défini d’alternative lisible au statu quo délétère dans lequel se débat le parti.
Il est intéressant de remarquer que cette droitisation de LR accomplie ces dernières années, de même que la crise d’identité qu’il traverse actuellement, ne sont pas des phénomènes isolés au sein de la famille conservatrice des démocraties occidentales. En revanche, il est peu de cas – hormis l’Italie – où un grand parti de gouvernement a subi un changement de statut aussi nettement défavorable. Rares sont les partis conservateurs qui se trouvent à ce point menacés d’une marginalisation durable dans la compétition politique nationale.
Le destin de LR illustre donc à la fois des tendances politiques qui dépassent largement les frontières nationales, et un contexte domestique qui fait peser sur cette formation un jeu de contraintes particulièrement lourd, qui la laisse exsangue et sans perspective.
La droitisation des conservateurs : un phénomène transnational
De nombreux exemples attestent que la « droitisation de la droite » n’est pas propre à la France. Le phénomène apparaît au contraire comme une lame de fond des paysages politiques occidentaux. Si l’on reprend la grille de lecture proposée par l’électoraliste Pierre Martin dans Crise mondiale et systèmes partisans (lire notre recension), son caractère plus ou moins affirmé dépend de la tension, exacerbée au sein de chaque parti depuis les crises des années 2010, entre la conviction qu’il faut occuper le pôle « conservateur-identitaire » de l’espace politique, et celle qu’il faut camper sur une position « libérale-mondialisatrice », conforme aux politiques mainstream suivies depuis les années 1980.
Plus: 13/10/2019 Election à la présidence de LR: un scrutin pour rien
Depuis la campagne transgressive de Nicolas Sarkozy en 2007, jusqu’au choix du très conservateur François-Xavier Bellamy comme tête de liste aux européennes, la radicalisation du parti vers la droite a été très prononcée, en particulier sur les questions dites culturelles – que celles-ci touchent à l’identité, à l’immigration ou aux questions morales.
Si cela n’a pas empêché une rétractation électorale d’ampleur, certains responsables estiment que les attentes du « peuple de droite » exigent d’aller plus loin encore. C’est l’orientation qu’ont défendue Julien Aubert et Guillaume Larrivé dans la campagne interne, et pour laquelle ils ont réuni un peu plus d’un tiers des suffrages militants. Christian Jacob, soutenu par la plupart des cadres de l’appareil, l’a emporté face à eux, mais sans avoir défini d’alternative lisible au statu quo délétère dans lequel se débat le parti.
Il est intéressant de remarquer que cette droitisation de LR accomplie ces dernières années, de même que la crise d’identité qu’il traverse actuellement, ne sont pas des phénomènes isolés au sein de la famille conservatrice des démocraties occidentales. En revanche, il est peu de cas – hormis l’Italie – où un grand parti de gouvernement a subi un changement de statut aussi nettement défavorable. Rares sont les partis conservateurs qui se trouvent à ce point menacés d’une marginalisation durable dans la compétition politique nationale.
Le destin de LR illustre donc à la fois des tendances politiques qui dépassent largement les frontières nationales, et un contexte domestique qui fait peser sur cette formation un jeu de contraintes particulièrement lourd, qui la laisse exsangue et sans perspective.
La droitisation des conservateurs : un phénomène transnational
De nombreux exemples attestent que la « droitisation de la droite » n’est pas propre à la France. Le phénomène apparaît au contraire comme une lame de fond des paysages politiques occidentaux. Si l’on reprend la grille de lecture proposée par l’électoraliste Pierre Martin dans Crise mondiale et systèmes partisans (lire notre recension), son caractère plus ou moins affirmé dépend de la tension, exacerbée au sein de chaque parti depuis les crises des années 2010, entre la conviction qu’il faut occuper le pôle « conservateur-identitaire » de l’espace politique, et celle qu’il faut camper sur une position « libérale-mondialisatrice », conforme aux politiques mainstream suivies depuis les années 1980.
En Autriche, depuis 2017,Sebastian Kurz a entraîné son parti (l’ÖVP) sur des positions beaucoup plus restrictives sur l’asile et l’immigration. Si les chercheurs Manès Weisskircher
et Matthew E. Bergman rappellent que l’ÖVP n’a jamais été libéral sur ces questions, ils s’accordent sur le constat selon lequel « la façon dont [ces thèmes] ont été mis au cœur de la plateforme du parti est certainement inédite ». En Allemagne, en 2018, Annegret Kramp-Karrenbauer a pris avec difficulté la tête d’une CDU divisée sur la question des réfugiés. Bien qu’elle fût soutenue par Angela Merkel, il lui a fallu deux tours de scrutins pour obtenir une majorité modeste face à deux candidatures (celles de Jens Spahn et Friedrich Merz) qui se voulaient en rupture avec la ligne centriste suivie au gouvernement.
Au nord de l’Europe, les conservateurs scandinaves ne sont pas en reste. En Suède, à partir de 2014, les successeurs de Fredrik Reinfeldt à la tête des Modérés ont ainsi réancré le parti (très) à droite, en insistant notamment sur le respect des « valeurs suédoises » et un accueil moins généreux. Tout en respectant un cordon sanitaire vis-à-vis de l’extrême droite, le leader actuel a évoqué l’an dernier la possibilité d’un accord transpartisan sur le sujet de l’immigration, incluant les mal nommés Démocrates de Suède. Et comme les alliés libéraux et centristes des Modérés les ont lâchés pour permettre aux sociaux-démocrates de gouverner en minorité, certains craignent la formation, à terme, d’un nouveau bloc de droite et d’extrême droite.
Au sud du vieux continent, un durcissement idéologique peut également être constaté chez les conservateurs grecs de Nouvelle Démocratie, actuellement au pouvoir. Toujours sur le terrain de l’immigration, mais aussi ceux de la sécurité et de la fiscalité, le premier ministre Kyriakos Mitsotakis a lancé des offensives qui s’accompagnent de l’intégration, au cœur du gouvernement, de responsables issus de l’extrême droite. De son côté, le Parti populaire d’Espagne campe encore dans l’opposition. Si on ne peut pas dire que cette formation ait jamais été centriste, elle a tout de même été entraînée encore plus à droite par son nouveau leader Pablo Casado, qui n’a pas hésité à employer, selon le site Politico, « une rhétorique nationaliste de guerre culturelle ».
De façon générale en Europe, selon une étude du chercheur Kyung Joon Han, les partis conservateurs classiques tendent à répondre à la croissance des partis de droite radicale (particulièrement prononcée durant la décennie écoulée) en durcissant leur position sur l’acceptation du fait multiculturel dans nos sociétés. Or, selon les contextes, cette « stratégie d’accommodation » peut avoir des effets pervers, en validant et en donnant de l’importance aux thèmes nativistes. Les partis conservateurs prennent le risque de s’aliéner leur électorat le plus modéré, et de renforcer des partis concurrents finissant par les dépasser.
C’est pourquoi le phénomène de « droitisation de la droite » suscite des doutes ou des résistances dans les formations conservatrices jouissant d’un statut de grand parti de gouvernement. En Autriche, la stratégie de Kurz a certes fonctionné : l’ÖVP est devenu la première force du pays et a obtenu son meilleur score depuis 2002 aux dernières élections. Mais le contexte était favorable, puisque l’extrême droite du FPÖ était prise dans une série de scandales après avoir été partenaire junior d’une coalition dirigée par l’ÖVP, qui avait délivré ce que ses électeurs souhaitaient.
Dans d’autres partis cités ci-dessus, les conflits internes sont d’autant plus vifs que les résultats électoraux sont plus contestables (comme en Espagne). Sans parler du cas britannique, où Boris Johnson n’a pas hésité à prononcer l’exclusion de deux dizaines de députés ayant refusé de lui donner carte blanche pour imposer le Brexit.
Au sud du vieux continent, un durcissement idéologique peut également être constaté chez les conservateurs grecs de Nouvelle Démocratie, actuellement au pouvoir. Toujours sur le terrain de l’immigration, mais aussi ceux de la sécurité et de la fiscalité, le premier ministre Kyriakos Mitsotakis a lancé des offensives qui s’accompagnent de l’intégration, au cœur du gouvernement, de responsables issus de l’extrême droite. De son côté, le Parti populaire d’Espagne campe encore dans l’opposition. Si on ne peut pas dire que cette formation ait jamais été centriste, elle a tout de même été entraînée encore plus à droite par son nouveau leader Pablo Casado, qui n’a pas hésité à employer, selon le site Politico, « une rhétorique nationaliste de guerre culturelle ».
De façon générale en Europe, selon une étude du chercheur Kyung Joon Han, les partis conservateurs classiques tendent à répondre à la croissance des partis de droite radicale (particulièrement prononcée durant la décennie écoulée) en durcissant leur position sur l’acceptation du fait multiculturel dans nos sociétés. Or, selon les contextes, cette « stratégie d’accommodation » peut avoir des effets pervers, en validant et en donnant de l’importance aux thèmes nativistes. Les partis conservateurs prennent le risque de s’aliéner leur électorat le plus modéré, et de renforcer des partis concurrents finissant par les dépasser.
C’est pourquoi le phénomène de « droitisation de la droite » suscite des doutes ou des résistances dans les formations conservatrices jouissant d’un statut de grand parti de gouvernement. En Autriche, la stratégie de Kurz a certes fonctionné : l’ÖVP est devenu la première force du pays et a obtenu son meilleur score depuis 2002 aux dernières élections. Mais le contexte était favorable, puisque l’extrême droite du FPÖ était prise dans une série de scandales après avoir été partenaire junior d’une coalition dirigée par l’ÖVP, qui avait délivré ce que ses électeurs souhaitaient.
Dans d’autres partis cités ci-dessus, les conflits internes sont d’autant plus vifs que les résultats électoraux sont plus contestables (comme en Espagne). Sans parler du cas britannique, où Boris Johnson n’a pas hésité à prononcer l’exclusion de deux dizaines de députés ayant refusé de lui donner carte blanche pour imposer le Brexit.
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