20/02/2019

Les années de vaches grasses semblent terminées pour l’économie allemande. Xerfi Canal Adrien de Tricornot



Tout sur Adrien de Tricornot journaliste.


Transcription:
Les années de vaches grasses semblent terminées pour l’économie allemande. Elle a frôlé la récession au second semestre 2018, un coup de froid attribué en partie à des facteurs exceptionnels, mais qui va en réalité se prolonger en 2019, et qui interroge son modèle fondé sur l’exportation. Les prévisions économiques ont été nettement revues en baisse ces derniers mois. Cette perspective a déjà commencé à rouvrir des débats cachés sous le tapis pendant des années de croissance plus généreuse : sur les inégalités ou sur le rôle de la demande intérieure.

Ralentissement de la Chine et hard Brexit


Certes, il n’y a pas encore péril en la demeure mais une forme de fébrilité commence à apparaître. Le gouvernement allemand ne table plus que sur une croissance de 1% du PIB en 2019, au lieu de 1,8% cet automne. Il se fait ainsi le plus prudent de tous les prévisionnistes. Les grands instituts de conjoncture estiment, eux, que ce niveau devrait être dépassé de quelques dixièmes de point, depuis l’IFO qui parie sur 1,1%, jusqu’à l’IWK pour qui une hausse de 1,7% reste possible. De leur côté, la Commission européenne attend une croissance 1,1% et le FMI 1,3% … Rien de catastrophique. Et le marché du travail reste favorable.


Ce n’est donc pas ce train de sénateur qui inquiète vraiment les milieux politiques et économiques, ou qui fait dire au président du patronat de l’industrie, Dieter Kempf, qu’« économiquement, les temps les meilleurs sont terminés ».


Ce n’est pas le présent mais l’avenir : quel sera l’ampleur du ralentissement économique en Chine et aux Etats-Unis, qui pourrait coûter cher aux constructeurs automobiles et de machines-outils et marquer la fin d’un cycle ? Pourra-t-on éviter un Brexit désordonné, un « hard Brexit », dont l’institut IWH estime qu’il pourrait coûter jusqu’à 100 000 emplois à l’Allemagne, pays étranger qui serait le pays le plus touché ? Les attentes des chefs d’entreprise en matière d’activité sont au plus bas depuis décembre 2012, et près de 60% d’entre eux se déclarent dans l’incertitude, selon l’enquête de l’institut IFO de janvier. Mais ce type d’indicateur reste, il est vrai, très volatil.


Vers un rééquilibrage du modèle économique ?


Mais cette vulnérabilité pousse l’Allemagne à s’interroger sur les relais qui stabiliseraient aujourd’hui la croissance allemande, et qui pourraient la conforter demain. Multipliant les excédents budgétaires, commerciaux ou de la balance des paiements, le pays conserve des marges de manœuvre appréciables pour rééquilibrer son modèle vers une demande interne accrue.


C’est l’objet du débat politique qui a commencé ces derniers mois, et qui prend de l’ampleur. Ainsi, la coalition au pouvoir projette de supprimer en 2021 le supplément d’impôt sur le revenu créé pour financer la réunification allemande. Plus récemment, l’accent a été mis sur des préoccupations plus sociales. Environ 4 millions d’actifs, selon une étude de la Hans Boeckler Stiftung, n’auront connu ces dernières années que des formes précaires d’emploi, et n’ont pas profité de ces belles années qui s’évanouissent. Le ministre social-démocrate du travail Hubertus Heil a présenté pour eux un projet d’une retraite minimale de base, plus élevée que le minimum vieillesse, afin de sécuriser les salariés n’ayant pas pu valider l’ensemble de leurs annuités. Les contours de cette mesure restent à négocier au sein de la coalition avec la CDU-CSU d’Angela Merkel.


Plus largement, le parti social-démocrate pèse pour un virage social et veut dire adieu à « Hartz IV », le symbole des années Schröder. Le SPD veut faire le chemin inverse : rallonger la durée d’indemnisation des chômeurs, exercer moins de pressions les obligeant à accepter n’importe quel emploi, et accorder plus de soutiens aux chômeurs de longue durée. Des propositions qui ne satisfont pas le parti d’Angela Merkel, dominant dans la coalition, mais qui l’obligent à formuler d’autres options, par exemple d’offrir davantage de formations aux chômeurs.


D’autres sujets sont sur la table : le SPD défend aussi une hausse de 30% du salaire minimum, plus qu’en Espagne, pour le porter à 12 euros à l’heure. Ce n’est pas pour tout de suite. Et le débat reste vif sur la rigueur budgétaire.


Il n’empêche. La prise de conscience de la question sociale et des risques de dérapage extrémistes qui lui sont liés, le retour au centre du jeu économique du marché intérieur, sont porteurs d’une inflexion majeure de la politique économique. De ce ralentissement allemand pourrait naître une opportunité non seulement pour l’économie allemande mais aussi pour ses partenaires européens.

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