C'est l'histoire racontée sur le Net en ce moment. EDF voudrait imposer contre monnaie sonnante et trébuchante son nouveau compteur et serait obligé, par la nouvelle loi NOME, d'offrir son électricité à ses concurrents sans oublier de spolier les abonnés au passage.
Linky : le nouveau compteur.
Linky, puisque c'est son nom, est un nouveau compteur électrique qui permettrait de mieux suivre sa consommation et donc de faire des économies. Il permettrait à EDF de faire des relevés à distance (par CPL et GPRS) et de suivre nos consommations de façon plus fine qu'auparavant. L'avantage pour EDF est de pouvoir adapter plus facilement la production à la consommation, l'électricité ne se stockant pas. EDF détaille les avantages de Linky sur son site.
Pourtant Linky ne fait pas l'unanimité et son utilité est fortement remise en cause. Les associations de consommateurs lui reprochent notamment une intrusion dans la vie privée, de par le suivi des consommations du ménage en temps réel. Elles insistent sur l'apport quasi nul en terme d'économie réalisée et s'insurgent contre son coût d'installation. Quechoisir.org, dans un article du 16 janvier, revient par ailleurs sur l'explosion probable des factures de particuliers utilsant l'électricité comme énergie de chauffage. Il semble donc que les économies soient surtout du côté d'EDF !
Le texte en circulation indique que chacun peut (doit ?) refuser de signer afin de ne pas avoir à payer ledit compteur. Or, c'est tout bonnement faux. Les compteurs installés n'appartiennent jamais à l'abonné mais à ERDF, l'opérateur national et il n'est donc pas possible de refuser un changement d'installation. Par ailleurs, le texte en question affirme que le coût de 300 à 500 euros sera à la charge de l'abonné et que chacun sera obligé de payer ladite somme. C'est faux, bien qu'étant encore assez nébuleux : aux dernières nouvelles, le coût devrait être absorbé par ERDF selon Michelle BELLON directrice d'ERDF à l'heure de la rédaction de cet article. Cependant, comme l'abonnement électrique, quel que soit le fournisseur, comporte une partie consacrée à l'entretien et la rénovation du réseau, le TURPE, il est presqu'impossible de savoir comment ce compteur sera financé.
Cette partie du texte est donc pour le moins alarmiste, erronée et grossièrement orientée. Dans le détail, si l'utilité de ce compteur reste sujette à caution, son coût sera à la charge d'ERDF. Rien ne sert de refuser de signer non plus, cela ne changera strictement rien à l'histoire... qui n'est pas finie.
Le magnifique réquisitoire contre la loi NOME.
Le texte précise que la loi obligerait "EDF à vendre 25 % de sa production aux concurrents". Deux lignes plus loin EDF doit offrir la même électricité aux mêmes concurrents. Électricité qui aurait déjà déjà été payée par l'abonné. Faudrait voir à être en accord avec soi-même... Cette électricité est vendue ou offerte ? Comment cette électricité pourrait être déjà payée par facturation aux abonnés si elle n'a pas été consommée (et donc facturée) ?
Bref, en clair, cette électricité va être vendue ou offerte à la concurrence après avoir été payée par l'abonné sur la foi des relevés à distance du nouveau compteur par l'abonné qui ne l'aura pas consommée.
Qu'en est-il vraiment ?
La loi NOME oblige bien à EDF à vendre jusqu’à 25 % de sa production nucléaire à prix coûtant à ses concurrents afin que ceux-ci puissent mettre en place une concurrence tarifaire.
A aucun moment EDF ne devra offrir son électricité à ses concurrents. Il est bien sûr impossible que de l’électricité vendue par un producteur alternatif soit déjà payée par un abonné d’EDF, cela va à l'encontre de toute logique économique, il semble que l'auteur du mail se soit emmêlé les pinceaux.
Ensuite, d’après le texte, ce serait "une première que de forcer une entreprise à permettre la mise en place de la concurrence". Oui mais en fait, non, ce n'est pas une première...
EDF est le seul producteur français à produire de l’électricité à partir du nucléaire et que cela reste pour le moment le mode de production le moins cher. Aucun concurrent ne pourrait proposer des tarifs plus bas que ceux d'EDF sans bénéficier d'un accès à la production nucléaire à prix coûtant. Cependant EDF a bénéficié des deniers publics pour la construction de ses centrales, ce qui constitue un avantage économique indéniable. Permettre aux concurrents d'accéder à ce mode de production à prix coûtant (prix coûtant = sans bénéfice, ce qui ne veut pas dire à perte) est le seul moyen neutre de mettre tout le monde sur un pied d'égalité.
Or, le procédé n'est pas un cas unique, c'est exactement ce qui s'est passé avec France Telecom, ce qui a permis à Free et consorts d'exister et d'avoir des tarifs téléphoniques et Internet aussi bas, L'ART fixant le prix des offres FT au-dessus de celles de ces concurrents. Ce n'est donc pas une grande première mondiale et en téléphonie ça a plutôt réussi aux consommateurs, moins à FT devenu Orange, il est vrai. Et ça continue avec tous les opérateurs virtuels de téléphonie mobile.
Et les autoroutes alors....
Pour finir, on nous demande de nous rappeler le bon vieux temps des autoroutes payées à la sueur des impôts de nos aïeux et bassement revendues aux méchants groupes financiers. Certainement à court d'idées, notre auteur se fourvoie une fois de plus. Les autoroutes françaises n'ont jamais étés payées par nos impôts : c'était une concession de l'état à une entreprise (au début mixte puis ensuite privée) qui se remboursait par les péages. Ces entreprises ont remboursé les parts données par l'état et la construction des autoroutes n'a quasiment rien coûté aux contribuables français.
En conclusion, si tout n'est pas a jeter et notamment les zones d'ombres entourant Linky, le texte en circulation accumule désinformation pure, raccourcis hasardeux et une bonne grosse pincée de mauvaise foi. Tout ceci pour un plat indigeste qui au final empêche quiconque de comprendre ce qui se passe réellement et de manière factuelle.
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