C'est un piège tendu à Emmanuel Macron
par tous ceux qui veulent le voir trébucher en début de mandat. Il n'est
même pas encore à l'Elysée, son équipe n'est pas encore constituée
qu'un bûcher commence à être dressé. Sur diable quel sujet ?
L'utilisation de la procédure ultra-classique des ordonnances pour
réformer le droit du travail. Embarrassés par la légitimité d'un
président qui a annoncé ses intentions avant d'être élu, ses déjà
adversaires cherchent à diaboliser la méthode. Focaliser le débat sur un
point secondaire n'est pas inédit, le procédé avait été utilisé avec
succès contre Nicolas Sarkozy en 2007, quand l'opposition avait réussi
à caricaturer son action en la réduisant à la mise en place du fameux
bouclier fiscal. Mais il faut être clair : le recours
à des ordonnances, s'il ne doit pas être porté aux nues, n'a aucune
raison d'être voué aux gémonies. Cette procédure n'est ni étonnante ni
antidémocratique. Un, le nouveau président a annoncé son intention de
modifier les règles sur trois points précis : l'extension du champ de la
négociation d'entreprise,
la fusion d'un certain nombre d'instances de représentation des
salariés et l'encadrement des indemnités prud'homales. Ces sujets ont
fait l'objet d'une multitude de rapports et de milliers d'heures de
débats avant, pendant et après la présentation de la loi El Khomri.
Personne ne peut être surpris. Deux, sur la démocratie : le Parlement
s'exprimera à l'occasion d'une loi d'habilitation, puis d'une loi de
ratification. Pour cette raison, le parallèle avec l'utilisation de
l'article 49-3 de la Constitution ne tient pas sur la forme. Il ne tient
pas non plus sur le fond puisque, à la différence de François Hollande
qui a appliqué une politique pour laquelle il n'avait pas de mandat
clair, Emmanuel Macron a annoncé la couleur. Pour mémoire, François
Mitterrand avait emprunté la voie des ordonnances en 1981...
Mais
il faut aller plus loin. C'est la lenteur des procédures parlementaires
qui conduit à chercher tous les moyens d'accélérer les réformes.
Exemples. Entre la première évocation de la loi Macron de 2015 et son
application concrète, il s'est écoulé... quatre ans. Le parcours de la
loi El Khomri a duré quant à lui 600 jours ! Il ne faut pas s'étonner
que l'opinion, qui attend des résultats, finisse par se persuader que
les responsables politiques sont impuissants et inefficaces. C'est la
première vraie question posée par le recours exceptionnel aux
ordonnances. Pourquoi la lenteur ordinaire ? L'autre vrai impératif
porte sur un nécessaire dialogue, même rapide, avec les acteurs
économiques et sociaux. La CFDT n'est pas hostile par principe aux
ordonnances, mais elle sera légitime à demander que le volet «
protection » du programme macronien (sur l'assurance-chômage) soit
engagé lui aussi rapidement.
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