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L'échec de la réforme de l'Obamacare montre à Trump qu'on ne gère pas les USA comme on gère une entreprise
WASHINGTON - Si c'est ça, L'Art de la négociation, Donald Trump doit revoir sa copie.
À l'occasion de sa première -et donc cruciale- négociation en tant que président des États-Unis, le roi de l'immobilier new-yorkais a découvert un monde inconnu de l'acheteur et promoteur qu'il était.
À Washington, pour diriger le pays et légiférer, il ne suffit pas d'intimider les gens ou de les acheter avec de l'argent emprunté.
On ne peut même pas en faire qu'à sa tête. On doit se conformer à ce que veulent les autres. Le rôle du président est d'obtenir un consensus, d'amener gentiment les gens à s'approprier sa vision. Ici, on "construit" plus avec des récompenses que sous la menace. La phrase clé n'est pas: "Et s'il n'en reste qu'un..." mais "On est tous dans le même bateau", quand bien même ce "on" ne recouvre que les membres de son parti.
En 1993, Bill Clinton a mal démarré son mandat à cause de son projet de réforme du système de santé. Hillary Rodham Clinton et une poignée de conseillers avaient préparé dans le secret une réforme structurelle qu'ils ont brandie au Congrès. Ce fut un désastre politique, qui a eu pour conséquence de ramener les Républicains à la Chambre et d'engendrer l'un des ancêtres du Tea Party, dirigé à l'époque par Newt Gingrich.
En 2005, au début de son second mandat (d'une certaine manière, le premier sur le terrain intérieur), George W. Bush a voulu privatiser la Sécurité sociale, une révolution. Les Démocrates l'ont pilonné et ont repris le contrôle de la Chambre et du Sénat l'année suivante.
Barack Obama a fait la même chose. Il a joué son va-tout au début de son premier mandat en 2009-10 avec la réforme du système de couverture maladie, restée sous le nom d'Obamacare. Elle a été adoptée au Congrès avec les seules voix des Démocrates (et une large couverture médiatique) mais son parti l'a payé très cher en 2010, aux élections de mi-mandat. Même si Obama a été réélu, sa marge de manœuvre en a été réduite jusqu'à la fin.
Bill Clinton et George W. Bush, anciens gouverneurs tous les deux, comme Barack Obama, sénateur novice en 2009, ont appris à la dure que si la présidence est un poste de pouvoir, dès qu'il s'agit de légiférer, l'occupant du Bureau Ovale a -étrange paradoxe- moins de pouvoir que n'importe qui à Washington.
"Le pouvoir présidentiel est un pouvoir de persuasion", disait Richard Neustadt, ancien professeur à Harvard, dans Presidential Power and the Modern Presidents: The Politics of Leadership, la référence en la matière. À cet égard, ajoutait-il, les présidents doivent faire preuve de précaution, d'anticipation, d'écoute, d'adaptation et faire montre de collégialité et non de dictature. Enfin, ils doivent soigneusement entretenir et protéger leur image de sagesse, de probité, de patience et d'habileté.
Qu'il le veuille ou non, Donald Trump devra acquérir ces qualités s'il veut réussir. Il a pris sa première leçon de terrain cette semaine en tentant de policer les Républicains.
Il a commis de nombreuses erreurs.
Comme les Clinton, le président (via Paul Ryan) a imposé "l'abrogation-remplacement" de l'Obamacare au Congrès et à son propre parti sans leur demander leur avis. Un texte de loi n'est pas un cahier des charges. Le bâtiment n'est pas à vos ordres.
Ensuite, sa première confrontation avec le Freedom Caucus, l'aile radicale et rebelle des Républicains à la Chambre, a tourné au bras de fer, Donald Trump menaçant de "s'en prendre" aux élus qui oseraient le défier. Il est déjà incongru qu'un président malmène des élus, même de son propre parti; ça l'est encore plus quand celui-ci affiche la cote de popularité la plus basse de l'histoire pour un nouveau président, et que le texte de loi est lui-même mal accueilli par les électeurs.
Enfin, et plus grave, l'image "d'enfant terrible" (en français dans le texte, NdT) de Donald Trump, dont il pense à juste titre qu'elle a fortement contribué à son élection, devient parfaitement contre-productive une fois président.
Ronald Reagan, dont la candidature avait horrifié, à juste titre, les progressistes, a saisi la nécessité d'endosser un nouveau rôle lors de son arrivée à Washington en 1981.
Avant même de prêter serment, il a pris contact avec Katharine Graham, feu la propriétaire du Washington Post, et organisé un dîner avec les acteurs principaux de la capitale. Il savait qu'il aurait à les combattre, mais il tenait à les rencontrer et à leur montrer qu'il les respecterait.
Et ça a marché. Par la suite, Ronald Reagan a négocié des accords aussi bien avec le président démocrate de la Chambre, Tip O'Neill, qu'avec le dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev.
Donald Trump a fondu sur Washington comme un chef de bikers. Ce qui ne pose aucun problème si vous pensez que tout le monde en ville a peur de vous et que tous vos potes conduisent des Harleys.
Mais pour un président, c'est la meilleure façon d'échouer et d'enclencher une dynamique qui plombera la suite de son mandat. Libre, donc, à Donald Trump de suivre l'anarchisme nihiliste d'un Steven Bannon et de "déconstruire" une bonne partie de l'État par irrespect des lois, désinvolture administrative et intimidation pure et simple.
Ou alors de vraiment bâtir quelque chose.
Cette tribune, publiée à l'origine surle Huffington Post américain, a été traduite par Julie Flanère pour Fast for Word.
À l'occasion de sa première -et donc cruciale- négociation en tant que président des États-Unis, le roi de l'immobilier new-yorkais a découvert un monde inconnu de l'acheteur et promoteur qu'il était.
À Washington, pour diriger le pays et légiférer, il ne suffit pas d'intimider les gens ou de les acheter avec de l'argent emprunté.
On ne peut même pas en faire qu'à sa tête. On doit se conformer à ce que veulent les autres. Le rôle du président est d'obtenir un consensus, d'amener gentiment les gens à s'approprier sa vision. Ici, on "construit" plus avec des récompenses que sous la menace. La phrase clé n'est pas: "Et s'il n'en reste qu'un..." mais "On est tous dans le même bateau", quand bien même ce "on" ne recouvre que les membres de son parti.
En 1993, Bill Clinton a mal démarré son mandat à cause de son projet de réforme du système de santé. Hillary Rodham Clinton et une poignée de conseillers avaient préparé dans le secret une réforme structurelle qu'ils ont brandie au Congrès. Ce fut un désastre politique, qui a eu pour conséquence de ramener les Républicains à la Chambre et d'engendrer l'un des ancêtres du Tea Party, dirigé à l'époque par Newt Gingrich.
En 2005, au début de son second mandat (d'une certaine manière, le premier sur le terrain intérieur), George W. Bush a voulu privatiser la Sécurité sociale, une révolution. Les Démocrates l'ont pilonné et ont repris le contrôle de la Chambre et du Sénat l'année suivante.
Barack Obama a fait la même chose. Il a joué son va-tout au début de son premier mandat en 2009-10 avec la réforme du système de couverture maladie, restée sous le nom d'Obamacare. Elle a été adoptée au Congrès avec les seules voix des Démocrates (et une large couverture médiatique) mais son parti l'a payé très cher en 2010, aux élections de mi-mandat. Même si Obama a été réélu, sa marge de manœuvre en a été réduite jusqu'à la fin.
Bill Clinton et George W. Bush, anciens gouverneurs tous les deux, comme Barack Obama, sénateur novice en 2009, ont appris à la dure que si la présidence est un poste de pouvoir, dès qu'il s'agit de légiférer, l'occupant du Bureau Ovale a -étrange paradoxe- moins de pouvoir que n'importe qui à Washington.
"Le pouvoir présidentiel est un pouvoir de persuasion", disait Richard Neustadt, ancien professeur à Harvard, dans Presidential Power and the Modern Presidents: The Politics of Leadership, la référence en la matière. À cet égard, ajoutait-il, les présidents doivent faire preuve de précaution, d'anticipation, d'écoute, d'adaptation et faire montre de collégialité et non de dictature. Enfin, ils doivent soigneusement entretenir et protéger leur image de sagesse, de probité, de patience et d'habileté.
Qu'il le veuille ou non, Donald Trump devra acquérir ces qualités s'il veut réussir. Il a pris sa première leçon de terrain cette semaine en tentant de policer les Républicains.
Il a commis de nombreuses erreurs.
Comme les Clinton, le président (via Paul Ryan) a imposé "l'abrogation-remplacement" de l'Obamacare au Congrès et à son propre parti sans leur demander leur avis. Un texte de loi n'est pas un cahier des charges. Le bâtiment n'est pas à vos ordres.
Ensuite, sa première confrontation avec le Freedom Caucus, l'aile radicale et rebelle des Républicains à la Chambre, a tourné au bras de fer, Donald Trump menaçant de "s'en prendre" aux élus qui oseraient le défier. Il est déjà incongru qu'un président malmène des élus, même de son propre parti; ça l'est encore plus quand celui-ci affiche la cote de popularité la plus basse de l'histoire pour un nouveau président, et que le texte de loi est lui-même mal accueilli par les électeurs.
Enfin, et plus grave, l'image "d'enfant terrible" (en français dans le texte, NdT) de Donald Trump, dont il pense à juste titre qu'elle a fortement contribué à son élection, devient parfaitement contre-productive une fois président.
Ronald Reagan, dont la candidature avait horrifié, à juste titre, les progressistes, a saisi la nécessité d'endosser un nouveau rôle lors de son arrivée à Washington en 1981.
Avant même de prêter serment, il a pris contact avec Katharine Graham, feu la propriétaire du Washington Post, et organisé un dîner avec les acteurs principaux de la capitale. Il savait qu'il aurait à les combattre, mais il tenait à les rencontrer et à leur montrer qu'il les respecterait.
Et ça a marché. Par la suite, Ronald Reagan a négocié des accords aussi bien avec le président démocrate de la Chambre, Tip O'Neill, qu'avec le dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev.
Donald Trump a fondu sur Washington comme un chef de bikers. Ce qui ne pose aucun problème si vous pensez que tout le monde en ville a peur de vous et que tous vos potes conduisent des Harleys.
Mais pour un président, c'est la meilleure façon d'échouer et d'enclencher une dynamique qui plombera la suite de son mandat. Libre, donc, à Donald Trump de suivre l'anarchisme nihiliste d'un Steven Bannon et de "déconstruire" une bonne partie de l'État par irrespect des lois, désinvolture administrative et intimidation pure et simple.
Ou alors de vraiment bâtir quelque chose.
Cette tribune, publiée à l'origine surle Huffington Post américain, a été traduite par Julie Flanère pour Fast for Word.
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