10/11/2016

Les propositions d’Emmanuel Macron mélangent gauche, droite, neuf et vieux



Le Monde: Nous avons examiné plusieurs des premières propositions formulées par l’ancien ministre et presque candidat à la présidentielle dans une interview à « L’Obs ».
LE MONDE | 10.11.2016 à 17h02 • Mis à jour le 10.11.2016 à 17h33 | Par Adrien Sénécat
Emmanuel Macron défend dans L’Obs, jeudi 10 novembre, des propositions présentées comme le cœur de son programme présidentiel – alors qu’il n’a pas encore déclaré officiellement sa candidature. De quoi cerner un peu mieux la ligne politique de l’ancien ministre de l’économie ? Pas forcément. Dans le détail, on y trouve en effet quelques idées nouvelles et d’autres plus récurrentes dans le débat politique. Le tout en mélangeant des mesures considérées comme étant « de gauche » et d’autres « de droite ».

1. Adapter la durée du travail en fonction de l’âge

Pas question de revenir aux trente-neuf heures, mais plutôt de « s’adapter aux individus. On peut ainsi imaginer que les branches professionnelles négocient une possibilité pour les salariés qui le souhaiteraient de travailler moins à partir de 50 ou 55 ans : 30 heures, 32 heures, pourquoi pas ? En revanche, quand on est jeune, 35 heures, ce n’est pas long. Il faut plus de souplesse, donc plus de flexibilité. »

C’EST ORIGINAL

Sur ce plan, la position du presque candidat se distingue du reste des propositions sur la table aujourd’hui. A droite, les candidats à la primaire veulent tous, avec des nuances, augmenter la durée du travail hebdomadaire. A gauche, à l’inverse, François Hollande défend les trente-cinq heures et certains, comme Christiane Taubira, voudraient plutôt aller vers les trente-deux heures.

2. Le droit au chômage en cas de démission

« Il faut réfléchir à accorder des droits au chômage en cas de démission. Cela pourrait éviter les burn-out de salariés qui demeurent dans une entreprise parce qu’ils pensent qu’ils n’ont pas d’autre choix », estime l’ancien ministre.

C’EST ORIGINAL

C’est le deuxième point sur lequel cette ébauche de programme se distingue des autres. Reste à savoir si cet engagement sera confirmé ou restera à l’état de réflexion et à en connaître les contours. Si de nombreux salariés y ont recours, cela posera également la question du coût. Les recours aux ruptures conventionnelles, qui ouvrent droit au chômage, sont de plus en plus importants (358 000 en 2015).

3. La nationalisation de l’Unedic

L’ex-ministre juge qu’il est « hypocrite de prétendre que l’assurance chômage est encore un système paritaire : ce régime est en déficit permanent, il a accumulé plus de 30 milliards de dette et c’est l’Etat qui en assure in fine l’équilibre financier. (…) Il faut que l’Etat prenne ses responsabilités et gère lui-même l’Unédic. » Cette dernière, qui gère la gestion de l’assurance chômage, est actuellement dirigée par les partenaires sociaux.

UNE IDÉE DÉFENDUE PAR… NICOLAS SARKOZY ET LE MEDEF

L’entrepreneur Thibault Lanxade, membre du conseil exécutif du Medef, ne dit pas autre chose qu’Emmanuel Macron sur ce point : « Il faut nationaliser l’Unédic », affirmait-il dans un entretien au Dauphiné libéré en octobre. A droite, Nicolas Sarkozy dit de même dans son programme.
Lire aussi :   Les chômeurs ne sont pas responsables du déficit et de la dette de l’assurance-chômage

4. Le droit au chômage pour les travailleurs indépendants

Emmanuel Macron veut « donner des droits nouveaux et rentrer dans une logique beaucoup plus transparente, qui ne sera plus pensée en fonction de la durée et du montant des cotisations, mais qui protégera des aléas de la vie professionnelle ceux qui ne sont pas couverts. En particulier ceux qui sont au régime de la micro-entreprise ou les indépendants. »

UNE IDÉE PROCHE DE CANDIDATS DE LA DROITE

Cette proposition est en fait assez proche de celle de plusieurs responsables de droite. Nathalie Kosciusko-Morizet a ainsi fait de son « statut général du travailleur indépendant » une des propositions phares de sa campagne. Plusieurs de ses rivaux sont également sensibles à cette catégorie professionnelle, comme Bruno Le Maire, qui veut leur permettre de s’affilier au régime social général. S’il n’est pas forcément question de droit au chômage pour cette catégorie d’actifs, l’idée d’améliorer leur protection sociale est partagée des deux côtés.

5. Plus d’« autonomie pédagogique » pour les établissements scolaires

Emmanuel Macron estime que « les moyens et capacités ne peuvent être les mêmes » entre un établissement de quartier « favorisé » et un autre de l’éducation prioritaire : « Il faut arrêter de saupoudrer et assumer d’y investir de façon différenciée. Il faut donner plus à ceux qui en ont le plus besoin », ajoutant que cela passe par une meilleure rémunération des enseignants dans les écoles défavorisées. Il ajoute croire à « une véritable autonomie pédagogique pour les établissements. »

C’EST DÉJÀ LA LIGNE DU GOUVERNEMENT

C’est en fait globalement la même ligne que celle du gouvernement actuel. La réforme de la carte de l’éducation prioritaire portée par Najat Vallaud-Belkacem avait déjà pour objectif de limiter le « saupoudrage » pour réellement développer les moyens des établissements les plus en difficulté.
Avec un résultat limité pour l’heure. Le nombre d’élèves par classe en primaire en 2015 restait à peine inférieur en éducation prioritaire (22,7 en moyenne) à celui du reste des établissements (24,1), a noté le Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) dans un rapport publié à la fin de septembre. Les enseignants concernés bénéficient par ailleurs déjà de primes incitatives et d’occasions de carrière bonifiées.
Au-delà du discours, il faudrait donc savoir quels moyens précis Emmanuel Macron veut allouer à l’éducation prioritaire et de quelle manière les répartir pour juger.
On retrouve également le mot « autonomie » dans les programmes éducatifs de plusieurs candidats à la primaire de la droite, comme Jean-Frédéric Poisson. Mais il est plutôt associé alors à une autonomie budgétaire et/ou de recrutement des enseignants, voire à un développement de l’enseignement privé, ce qui n’est pas vraiment le cas chez Emmanuel Macron.

6. Réformer la carte scolaire

« On doit absolument la faire évoluer », tranche l’ex-ministre, citant le cas d’une mère de famille d’un quartier réputé sensible de Montpellier qui trouve « injuste » de ne pas pouvoir inscrire ses enfants en centre-ville. Et d’appeler à « de la mobilité sociale ».

C’EST FLOU

Actuellement, les élèves vont principalement dans le collège de leur secteur d’habitation. Des possibilités de dérogation existent, mais elles sont limitées. Il est communément admis que le système actuel ne favorise pas une grande mixité sociale entre établissements, puisque ces derniers rassemblent les élèves d’un même quartier.
Mais Emmanuel Macron se garde bien, dans son interview, d’expliquer précisément la manière dont il souhaiterait changer le système. Souhaite-t-il donner une plus grande liberté de choix au parent, sur un modèle comparable à l’assouplissement de la carte scolaire sous Nicolas Sarkozy (critiqué par un rapport du Sénat pour avoir « ghettoïsé » des établissements) ? Veut-il un système plus directif, pour « forcer » la mixité par des mécanismes d’affectation ? La proposition reste vague en l’état.

7. La retraite à la carte

« Certains veulent prendre [la retraite] à 60 ans, d’autres à 65, d’autres encore à 67 ! » croit savoir l’ancien secrétaire général adjoint de l’Elysée. Il propose donc de « pouvoir moduler selon les individus et les situations. (…) Si l’on se contente d’appliquer des critères de pénibilité de manière arbitraire, on ne fera que recréer des régimes spéciaux. »

C’EST FLOU

L’expression « retraite à la carte » n’est pas directement employée par Emmanuel Macron, mais sa proposition y ressemble. L’idée consiste en fait à rendre le mécanisme de départ à la retraite plus souple, en offrant plus de liberté de choix dans l’âge de départ, en échange d’une prise en compte des efforts de chacun.
Mais ce principe général est suffisamment vague pour qu’on puisse y ranger des réformes complètement différentes. Pour preuve, il a été vanté ces dernières années aussi bien par François Bayrou que par Martine Aubry, Manuel Valls ou Marine Le Pen. Tout dépend en fait des critères retenus pour équilibrer la réforme : comment tenir compte de la durée d’activité du salarié ? Quelle prise en compte de la perte d’espérance de vie liée aux métiers les plus pénibles ? Et ainsi de suite. Autant de questions auxquelles Emmanuel Macron se garde bien de répondre pour l’heure.

Source: lemonde.fr

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