FIGAROVOX/TRIBUNE - L'ancien Premier ministre était l'invité de L'Émission politique jeudi 27 octobre 2016. Pour Frédéric Saint Clair, François Fillon s'est hissé à la troisième place par sa solennité et son sérieux, mais son «choc libéral» l'empêche de progresser davantage.
Frédéric Saint Clair est analyste en stratégie et en communication politique. Il a été chargé de mission auprès du Premier ministre Dominique de Villepin. Son livre, La refondation de la droite, vient de paraître aux éditions Salvator.
François Fillon est considéré depuis le premier débat comme le troisième homme de la primaire de la droite et du centre. Nous l'avions déjà noté précédemment ; il peut être utile de le rappeler, il est en effet celui dont la prestation a été la plus convaincante lors de la soirée du 13 octobre. Cependant, si certaines de ses propositions ont pu séduire, nous savons que les propositions ne suffisent à faire la différence ; c'est donc ailleurs qu'il faut chercher son regain de popularité. Communication et psychologie politiques du candidat Fillon:
François Fillon a été chef du gouvernement pendant cinq ans, et, chose assez rare, il apparaît aujourd'hui, malgré tout, relativement «neuf». L'hyperprésidence sarkozyste, qui a relégué le Premier ministre au rang de collaborateur, a en effet eu pour conséquence d'éviter d'imputer directement à celui-ci le bilan du quinquennat. Avantage inespéré d'avoir été dans l'ombre d'un Président déterminé à capter toute la lumière médiatique. Par ailleurs, davantage que son rôle de collaborateur souvent discret, c'est sa position de modérateur d'un président impulsif et longtemps considéré comme «bling bling» qui a marqué les esprits. La longévité de François Fillon - qui est le seul Premier ministre de la Vème République à avoir occupé cette fonction durant tout le mandat présidentiel - est en partie due à la nécessité de maintenir l'équilibre au sein du couple exécutif. Cette caution modératrice s'est doublée d'une caution de solennité, qualité historique de la fonction présidentielle, appréciée des Français.
L'homme, pourtant, ne parvient pas à dépasser Nicolas Sarkozy dans les sondages. Chose étonnante: celui qui a incarné le logos, la raison, face au pathos, à la passion et à la démesure, ne parvient pas aujourd'hui à se hisser à sa hauteur. Il n'est que le troisième homme, et risque fort de le rester. La cause en est assez simple: dans l'éventail des candidats, Juppé incarne également la raison et il a la faveur des sondages. Les Français ne sauraient placer face à face pour le second tour des primaires deux profils relativement proches en termes de psychologie politique. Pour le dire autrement, les profils incarnés par Nicolas Sarkozy d'un côté et par Alain Juppé/François Fillon de l'autre sont structurellement nécessaires à la dialectique du débat. Ils seront donc maintenus. François Fillon ne pourra pas prétendre à la place de Nicolas Sarkozy, place que seul Jean-Frédéric Poisson pourrait, hypothétiquement, occuper. Si donc il devait y avoir un remplacement, ce serait Fillon prenant la place de Juppé. Difficilement envisageable.
François Fillon n'aborde en effet pas les questions sociales relatives à l'islam, à la laïcité, à l'immigration, à la sécurité - sujets de préoccupation importante aujourd'hui - avec la même pugnacité qu'il aborde les questions économiques. Elles occupent une place moindre dans son discours et font donc état d'un intérêt moindre, lacunaire. D'ailleurs, son programme le montre assez nettement: parmi ses «15 mesures phares», les 9 premières sont consacrées à l'économie au sens large ; les 10 et 11èmes seulement abordent les thèmes du terrorisme et de l'immigration - sans faire preuve d'une force particulière - avant de passer à l'éducation, l'université, la politique familiale et le patrimoine. Pas un mot sur la police. Pas un mot sur la justice. Pas un mot sur l'armée. L'occultation de ces thèmes - abordés dans le reste du programme mais absents des mesures phares - trahit le positionnement résolument libéral de François Fillon. Même s'il évoque comme une priorité la restauration de l'autorité de l'État, celle-ci ne prend pas la forme attendue. L'image reste libérale.
S'il y a une place pour un troisième homme libéral dans la primaire de la droite, il n'y en a pas pour un premier homme libéral. Par ailleurs, François Fillon ne se donne pas non plus les moyens de créer une troisième voie libérale, qui, si elle était abordée de façon intelligente, après cinq années de politique économique socialiste maladroite, aurait des chances de séduire davantage. Comment? Une troisième voie libérale ne peut exister seule, car en France, le libéralisme ne fait pas une politique. François Fillon a su infléchir sa communication, abandonnant par exemple le terme de «rupture» - qu'il a longtemps repris à son compte et qui demeurait fortement attaché à la campagne de 2007 - au profit de celui de «choc». Il aurait été inspiré d'appliquer le même traitement à son libéralisme, et l'infléchir par un choc conservateur à la mode anglo-saxonne. D'autant que l'empêchement d'Hervé Mariton de participer lui ouvrait un boulevard. La droite doit désormais accepter que le conservatisme soit le véritable contrepoids du libéralisme (et non pas le socialisme comme on l'a longtemps cru, à tort). L'absence d'une position conservatrice sur certains thèmes, et nationaliste sur d'autres, empêche les candidats libéraux de convaincre largement. La position dite «modérée» d'Alain Juppé l'emporte donc.
Cet homme, François Fillon, qui - fait rare en politique - sait terminer ses phrases, c'est-à-dire ne se perd pas dans des logorrhées infinies, bénéficie d'un atout en matière de communication: faire passer ses idées de façon concise et structurée. Son défaut est donc principalement celui d'une analyse défaillante de la psychologie politique populaire. L'Émission politique constitue une opportunité de restructurer sa communication, et d'ajuster son offre politique à la demande des Français.
Frédéric Saint Clair est analyste en stratégie et en communication politique. Il a été chargé de mission auprès du Premier ministre Dominique de Villepin. Son livre, La refondation de la droite, vient de paraître aux éditions Salvator.
François Fillon est considéré depuis le premier débat comme le troisième homme de la primaire de la droite et du centre. Nous l'avions déjà noté précédemment ; il peut être utile de le rappeler, il est en effet celui dont la prestation a été la plus convaincante lors de la soirée du 13 octobre. Cependant, si certaines de ses propositions ont pu séduire, nous savons que les propositions ne suffisent à faire la différence ; c'est donc ailleurs qu'il faut chercher son regain de popularité. Communication et psychologie politiques du candidat Fillon:
François Fillon a été chef du gouvernement pendant cinq ans, et, chose assez rare, il apparaît aujourd'hui, malgré tout, relativement «neuf». L'hyperprésidence sarkozyste, qui a relégué le Premier ministre au rang de collaborateur, a en effet eu pour conséquence d'éviter d'imputer directement à celui-ci le bilan du quinquennat. Avantage inespéré d'avoir été dans l'ombre d'un Président déterminé à capter toute la lumière médiatique. Par ailleurs, davantage que son rôle de collaborateur souvent discret, c'est sa position de modérateur d'un président impulsif et longtemps considéré comme «bling bling» qui a marqué les esprits. La longévité de François Fillon - qui est le seul Premier ministre de la Vème République à avoir occupé cette fonction durant tout le mandat présidentiel - est en partie due à la nécessité de maintenir l'équilibre au sein du couple exécutif. Cette caution modératrice s'est doublée d'une caution de solennité, qualité historique de la fonction présidentielle, appréciée des Français.
L'homme, pourtant, ne parvient pas à dépasser Nicolas Sarkozy dans les sondages. Chose étonnante: celui qui a incarné le logos, la raison, face au pathos, à la passion et à la démesure, ne parvient pas aujourd'hui à se hisser à sa hauteur. Il n'est que le troisième homme, et risque fort de le rester. La cause en est assez simple: dans l'éventail des candidats, Juppé incarne également la raison et il a la faveur des sondages. Les Français ne sauraient placer face à face pour le second tour des primaires deux profils relativement proches en termes de psychologie politique. Pour le dire autrement, les profils incarnés par Nicolas Sarkozy d'un côté et par Alain Juppé/François Fillon de l'autre sont structurellement nécessaires à la dialectique du débat. Ils seront donc maintenus. François Fillon ne pourra pas prétendre à la place de Nicolas Sarkozy, place que seul Jean-Frédéric Poisson pourrait, hypothétiquement, occuper. Si donc il devait y avoir un remplacement, ce serait Fillon prenant la place de Juppé. Difficilement envisageable.
François Fillon n'aborde en effet pas les questions sociales relatives à l'islam, à la laïcité, à l'immigration, à la sécurité - sujets de préoccupation importante aujourd'hui - avec la même pugnacité qu'il aborde les questions économiques. Elles occupent une place moindre dans son discours et font donc état d'un intérêt moindre, lacunaire. D'ailleurs, son programme le montre assez nettement: parmi ses «15 mesures phares», les 9 premières sont consacrées à l'économie au sens large ; les 10 et 11èmes seulement abordent les thèmes du terrorisme et de l'immigration - sans faire preuve d'une force particulière - avant de passer à l'éducation, l'université, la politique familiale et le patrimoine. Pas un mot sur la police. Pas un mot sur la justice. Pas un mot sur l'armée. L'occultation de ces thèmes - abordés dans le reste du programme mais absents des mesures phares - trahit le positionnement résolument libéral de François Fillon. Même s'il évoque comme une priorité la restauration de l'autorité de l'État, celle-ci ne prend pas la forme attendue. L'image reste libérale.
S'il y a une place pour un troisième homme libéral dans la primaire de la droite, il n'y en a pas pour un premier homme libéral. Par ailleurs, François Fillon ne se donne pas non plus les moyens de créer une troisième voie libérale, qui, si elle était abordée de façon intelligente, après cinq années de politique économique socialiste maladroite, aurait des chances de séduire davantage. Comment? Une troisième voie libérale ne peut exister seule, car en France, le libéralisme ne fait pas une politique. François Fillon a su infléchir sa communication, abandonnant par exemple le terme de «rupture» - qu'il a longtemps repris à son compte et qui demeurait fortement attaché à la campagne de 2007 - au profit de celui de «choc». Il aurait été inspiré d'appliquer le même traitement à son libéralisme, et l'infléchir par un choc conservateur à la mode anglo-saxonne. D'autant que l'empêchement d'Hervé Mariton de participer lui ouvrait un boulevard. La droite doit désormais accepter que le conservatisme soit le véritable contrepoids du libéralisme (et non pas le socialisme comme on l'a longtemps cru, à tort). L'absence d'une position conservatrice sur certains thèmes, et nationaliste sur d'autres, empêche les candidats libéraux de convaincre largement. La position dite «modérée» d'Alain Juppé l'emporte donc.
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Source: Figaro Vox
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