Dans
la galaxie médiatique, tout se passe comme si Michel Onfray, auteur
prolifique et philosophe sincère dans ses convictions, avait donné à
tous les frondeurs et les extrémistes une sorte de légitimité
intellectuelle dans leur révolte contre le système. Après la
mort de Stéphane Hessel, les indignés, et tous ceux qui souffrent du
système, ont retrouvé en la personne de Michel Onfray une sorte de
mentor.
Et c’est vrai que souvent, les analyses et les réflexions de Michel Onfray sont séduisantes et convaincantes. Le "peuple des anonymes" dont il voudrait être un porte-parole, trouve
dans son œuvre monumentale et dans ses apparitions médiatiques
innombrables, matière à pédagogie rassurante. Si
parfois certains lui reprochent d’être trop près des idées du Front
national, c’est peut-être parce que le FN soulève parfois, comme lui, un
certain nombre de questions. Mais tous ces problèmes n’ont pas été
inventés par Marine le Pen.
Michel Onfray
fait un vrai diagnostic sur les dérives des responsables politiques qui
ne répondent pas aux attentes de leurs électeurs. Un vrai diagnostic sur
l’incapacité de l’Europe à régler les problèmes, sur les
dysfonctionnements de l’euro etc. Mais
comme tous les mouvements extrémistes, du Front de gauche au Parti
communiste, en passant par les frondeurs du PS et les écolos
gauchisants, comme Stéphane Hessel et ses indignés, en France comme à
l’étranger, Michel Onfray n’apporte pas d’alternative. Les
scénarios de rupture qui sont les siens, sont inapplicables et
irréalisables. On peut même penser que l’opinion de ceux dont il relaie
les indignations n’accepteraient pas la rupture avec les institutions,
avec l’Europe, avec l’euro.
Franz-Olivier Giesbert, le directeur du Point a beaucoup contribué à construire la notoriété de Michel Onfray. Il reconnaissait cette semaine que l’on pouvait difficilement être d’accord avec beaucoup de ses analyses. Ce
qui est bancal dans le raisonnement des indignés, qu’ils soient
Français, Grecs ou Espagnols, de gauche radicale ou du Parti socialiste,
c’est qu’ils s'appuient sur une analyse de la situation économique qui
date d’un demi-siècle.
Michel Onfray en tête, pense que l’État peut tout, et que la démocratie donne une légitimité à toute initiative. Et que si on est dans cette situation, c’est que les pouvoirs sont
complices de la décadence, soit corrompus, soit incompétents.En
réalité, jamais dans ses écrits ou dans ses diatribes, Michel Onfray ne
fait référence aux bouleversements du monde. Et notamment, trois grands
changements qui obligent les sociétés occidentales à faire d’énormes
efforts d’adaptation.
La mondialisation. Jamais
Onfray n’en parle sauf pour dire qu’elle est porteuse de misère, de
délocalisations et par conséquent de chômage. Que la mondialisation ait
permis en dix ans à des peuples des pays émergents de sortir de la
misère et de pouvoir rêver d’un avenir meilleur, ne le concerne pas. Or,
la mondialisation n’a pas été inventée par une bande de capitalistes
qui auraient fomenté cette construction diabolique à l’insu des
populations. La mondialisation est un pur produit de la libération de
certains peuples qui étaient opprimés sous le joug communiste d’abord
(colonial avant) et
l’archaïsme de pays en voie de développement.
L’économie de marché universelle et appliquée partout sur la planète. Jamais
Michel Onfray ne dit que le monde de l’Est s’est affranchi de la
dictature communiste et que le monde entier partage de l’Est à l’Ouest,
l’économie de marché. La concurrence s’est imposée partout sur la
planète comme un système d’organisation des rapports économiques pour
créer de la richesse. Que ce système ait des défauts, sans doute, qu'il
ait besoin de règles et même de régulation sans doute, mais c’est comme
la démocratie. On n’a rien trouvé de mieux pour créer de l’activité et
du progrès matériel pour le plus grand nombre.
Le progrès technologique.
Jamais Michel Onfray n’en parle sauf pour en souligner les effets
pervers. Le progrès technologique, la libération des moyens de
communication, l’intelligence appliquée à l’organisation des systèmes de
production ont quand même amélioré la vie quotidienne de plusieurs
milliards d’individus. Surtout, cela a permis d’allonger la durée de vie
pour beaucoup d’humains.On peut certes nier les
bienfaits de la mondialisation en ne retenant que les contraintes et les
dysfonctionnements. On peut nier que la concurrence soit porteuse de
progrès et ne retenir que ses aspects douloureux et destructeurs. On
peut aussi ne pas reconnaitre que l’humanité vit globalement mieux
aujourd’hui qu'il y a un siècle grâce aux différents progrès
technologiques. On peut rêver d’une croissance zéro… on peut certes.
Mais
le problème, c’est que Michel Onfray, comme tous les autres, n’arrêtera
ni la mondialisation, ni la concurrence, ni le travail de
l’intelligence. On ne déplace pas la montagne, comme l’écrit
André Comte-Sponville, on l’escalade si l’on en a la force ou on la
contourne si on est malin… mais on avance. Le
problème n’est donc pas de renoncer à la globalisation, ni à la
concurrence, ni au progrès de la technologie dans tous les domaines.
Le
problème est d’affronter les contraintes que cela représente, d’assumer
les efforts induits et d’accepter les évolutions qui sont inéluctables. Alexis Tsipras en a fait
l’amère expérience. Il voulait s’affranchir des règles de vie en
communauté européenne, il a été obligé de reconnaitre que cela n’était
pas possible. La démocratie ne permet pas tout et n’importe quoi. C’est
dommage que les frondeurs, les Fronts de gauche et les extrémistes
radicaux oublient les contraintes économiques et financières.
Il
ne suffit pas de dire, comme Martine Aubry, "Macron, ras-le-bol".
Emmanuel Macron tient un discours de responsabilité et de pragmatisme
qui est approuvé par 70% de la population française. Martine
Aubry a peu de légitimité pour fustiger un des rares ministres
populaires de François Hollande. On ne peut pas dire que les 35 heures,
son œuvre, aient apporté une solution au chômage de masse. On
ne peut pas dire qu’en période de crise où le système plie sous le poids
des dépenses publiques, qu’il faut plus de fonctionnaires. Michel
Onfray doit approuver Martine Aubry, et tous ceux qui à gauche et
parfois à droite, regrettent le temps où la France était un espace fermé
avec une monnaie bien française. Un ministre de
l’Économie qui régentait les entreprises et une inflation qui galopait
au rythme des salaires que l’on augmentait pour acheter la paix sociale.
C’était l’époque où les frontières étaient fermées, où les produits ne
circulaient pas, où l’internet n’était pas inventé. C’était, il y a un
demi-siècle. On peut dire que c’était mieux avant mais ça dépend pour
qui.Quant à savoir s’il faut pratiquer une
politique de droite ou une politique de gauche, c’est perdre son temps.
Il faut pratiquer une politique efficace et qui réponde aux problèmes
que pose la modernité c'est à dire l'évolution du système monde.
Michel Onfray comme Éric Zemmour surfe sue le mécontentent populaire et profite de la cohésion sociale mini mini qui caractérise la France depuis toujours. Le système monde évolue en permanence et nous le ressentons en ce moment plus que jamais.
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