Plus
que jamais, la vie politique prend des allures de théâtre avec ses
chausse-trapes et ses tours de passe-passe. Au royaume de l’illusion, le
prestidigitateur Mélenchon détrône tous les autres. Il a perdu
l’élection présidentielle, le 10 avril, en se rangeant à la troisième
place. C’est pourtant lui qui tient le haut du pavé, à la barbe des deux
finalistes qui apparaissent, par contraste, étonnamment éteints. Marine
Le Pen vient tout juste de réapparaître, dimanche 8 mai, dans son fief
d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) après deux semaines de retrait
médiatique. Réinvesti la veille pour un nouveau mandat, Emmanuel Macron
n’a toujours pas nommé la nouvelle équipe gouvernementale chargée de
mettre en œuvre son projet. Le seul qui s’agite, commande, engrange les
points s’appelle Jean-Luc Mélenchon. Il est devenu le deus ex-machina de
ce qu’il appelle « le troisième tour » de l’élection présidentielle, comprendre les élections législatives des 12 et 19 juin.
Plus
que jamais, la vie politique ressemble à une farce car sinon comment
comprendre que deux gauches qui se considéraient naguère comme
irréconciliables car en désaccord sur des sujets aussi essentiels que
l’Europe, les alliances internationales, la laïcité ou l’économie de
marché s’unissent (presque) comme un seul homme derrière le héraut de « la désobéissance européenne » et de la VIe République ?
Ce
qui était considéré comme totalement inimaginable il y a encore trois
semaines est devenu réalité. Europe Ecologie-Les Verts, le Parti
communiste français et le Parti socialiste (PS) sont entrés dans la
Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) aux conditions de
l’« insoumis », en échange d’une poignée de circonscriptions
considérées comme gagnables. Les convictions ont été reléguées derrière
tout le reste, aussi plastiques que ceux censés les défendre.
Plus que jamais, l’époque est amnésique car, sinon, comment croire que la perspective d’une cohabitation entre Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon, en désaccord sur tout excepté peut-être la planification écologique, puisse apparaître comme une option crédible ?
C’est
pour éviter la fois de trop, après trois expériences éprouvantes
(1986-1988 ; 1993-1995 et 1997-2002), que la droite et la gauche
s’étaient alliées en 2000 pour faire voter le quinquennat. Encore
faut-il préciser que, à l’époque, la question européenne n’était
nullement une pomme de discorde entre les cohabitants.
Un acteur talentueux
Jean-Luc
Mélenchon est un acteur talentueux, doublé d’un séduisant bonimenteur. A
70 ans, il joue la partition de sa vie, fait croire que la gauche
radicale peut gouverner le pays. Eclairé par ses échecs passés et la
dynamique qu’il a su créer durant les dernières semaines de sa campagne,
il est devenu le perdant de l’élection présidentielle le plus habile à
exploiter les ressorts d’une Ve République que pourtant il abhorre.
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