05/02/2020

Trop de diplômes dévalorisent les diplômes via @Xerfi Canal


Comme chaque année, l’angoisse de Parcoursup saisit les futurs bacheliers et leurs familles : trois mois avant les épreuves du bac, il faut déjà choisir et décider où se porter candidat pour l’an prochain. Si cet exercice est si stressant, c’est qu’en France, on n’a pas intérêt à se tromper ! Les étudiants vont « rapidement et sans détour d’un point A (le bac) à un point B (le diplôme et le projet professionnel) ». Car « la métaphore du voyage en TGV » — rapide et long, linéaire et dont il est périlleux de descendre — est celle qui dépeint le mieux les parcours d’études des jeunes en France, selon Nicolas Charles, maître de conférences en sociologie à l’université de Bordeaux qui a comparé les systèmes d’enseignement supérieur en Europe dans un livre paru en 2016.

Un TGV Bac + 5 moins bien valorisé

Certes, il existe en France des passerelles, des réorientations, des possibilités d’années de césure. Mais le modèle dominant, le plus valorisé et le plus envié, reste de plonger dès l’année de sa majorité dans un parcours connu à l’avance, et menant le plus rapidement possible vers un Master, considéré comme le « graal » de tout projet d’études. En France, on vise le Master plus qu’ailleurs : 17,6% des Français âgés de 25 à 34 ans sont diplômés à Bac +5, contre seulement 14,9% en moyenne dans l’OCDE. Globalement, on ne fait pourtant pas plus d’études supérieures que dans la moyenne des pays développés : 44,3% des 25-34 ans sont diplômés du supérieur en France, un niveau quasi-équivalent à la moyenne dans l’OCDE (44,5%).

Le problème avec le TGV Bac +5 des bons élèves à la française, c’est qu’à l’arrivée, la promesse peut se transformer en déception. « Les opportunités offertes par les entreprises ne sont pas à la mesure de l’augmentation du nombre de diplômés de l’enseignement supérieur long », constate une étude du Cereq sur le devenir professionnel, sept ans plus tard, de la génération des diplômés en 2010, intitulée « Des débuts de carrière plus chaotiques pour une génération plus diplômée ». La crise de 2008 n’en est qu’en partie responsable : les diplômés ont été moins touchés par le chômage mais même à l’heure de la reprise du marché de l’emploi, leurs diplômes « paient moins » qu’avant, et leurs carrières se sont aplaties. Le résultat, c’est une baisse de leurs revenus du travail : les salaires au bout de sept ans de vie active — comparés en euros constants, c’est-à-dire inflation déduite — sont devenus inférieurs à ceux de leurs aînés douze ans plus tôt. Le salaire médian des diplômés d’un Master n’est que de 2 085 euros nets mensuels après sept ans d’activité, soit l’équivalent de
280 euros de moins que leurs prédécesseurs. Les salaires des diplômés d’écoles d’ingénieurs, de commerce ou d’un doctorat, 2 715 euros après sept ans, sont affectés d’un recul d’une ampleur voisine : 275 euros mensuels.

Cette dévalorisation monétaire reflète aussi celle des responsabilités et du statut : ces diplômés ont 1,8 fois moins de chances d’être classés cadres et 1,4 fois plus de chances d’être classés en profession intermédiaire que leurs aînés. D’autres recherches comme celles menées par Robert Gary-Bobo, de l’ENSAE, avec Damiano Argan, confirment ce déclassement des diplômes du supérieur, notamment de l’université, mais qui n’épargne pas les écoles d’ingénieurs, en dévoilant une baisse de l’ordre de 10% des revenus réels des diplômés du début du années 2010 comparé à ceux de leurs aînés vingt ans plus tôt, et un accès plus difficile au CDI.

Des études longues sans débouchés

Alors trop de diplômes dévalorisent-ils les diplômes ? En partie oui. Ce n’est pas parce que le système de formation participe à une élévation du niveau des connaissances et des qualifications que l’économie connaît automatiquement la même montée en gamme dans les emplois qu’elle propose.

Ce constat ouvre aussi quantité d’autres débats, sur la baisse du niveau dans certains domaines disciplinaires ou de certains établissements, et leurs causes, comme le manque de moyens dans de nombreux secteurs de l’enseignement supérieur et notamment à l’université, ou l’adaptation de la pédagogie. Il existe, de fait, toutes sortes de Masters ou de diplômes de niveau Master dont la qualité de formation mais aussi l’accompagnement vers la professionnalisation et l’emploi ou les débouchés ne se valent pas.

In fine, comme le montre le web-documentaire « Bac + que dalle », une partie des jeunes diplômés se retrouve en détresse : ils manquent du réseau nécessaire pour décrocher un des trop rares emplois à hauteur de leurs compétences et jonglent entre stages, petits boulots, CDD ponctuels, intérim, chômage, soutien familial et parfois RSA. Pour Antoine Yon qui a co-réalisé ce documentaire, « Il y a sans doute une réflexion à mener en amont avant de pousser tout le monde vers des études longues qui n’ont pas forcément de débouchés, ce qui amène au déclassement et à la dévalorisation du diplôme ». Mieux vaut prévenir en tout cas les moins « initiés » des participants à l’enseignement supérieur : tous les diplômes bac +5 ne valent plus promesse de vie professionnelle attrayante et rémunératrice.

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